Libye: Accord turco-libyen sur les hydrocarbures - Des condamnations unanimes de plusieurs pays

Le mémorandum de prospection des hydrocarbures dans les eaux libyennes, signé le 3 octobre par les Turcs et les Libyens, lors de la visite à Tripoli d'une délégation turque de haut niveau, continue de susciter des réactions au plan régional. Du Parlement libyen basé dans l'Est à la France, en passant par Chypre, l'Egypte et la Grèce, des voix continuent de s'élever pour dénoncer un texte non " conforme " au droit international.

L'accord d'entente qui couvre aussi la prospection des hydrocarbures sur le sol libyen par des compagnies turco-libyennes mixtes est intervenu trois ans après la signature, par les deux parties, d'un accord controversé de délimitation maritime. Il prévoit de " développer des projets liés à l'exploration, la production et le transport de pétrole et de gaz ", selon le porte-parole du gouvernement de Tripoli, Mohamed Hamouda, dans une publication sur Facebook. Le texte permet à Ankara de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale, au grand dam de la Grèce et de l'Union européenne (UE).

" Le mémorandum turco-libyen est fondé sur des accords bilatéraux conclus avant 2011 (...) Il est de notre droit de signer n'importe quel accord (...) de coopération avec d'autres pays ", a défendu, la semaine dernière, le chef du gouvernement libyen basé à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, lors d'une rencontre avec des organisations féminines. Face à " la demande croissante " de gaz dans le contexte de la guerre en Ukraine, " nous avons l'intention de poursuivre l'exploration pétrolière dans nos eaux territoriales avec l'aide de pays voisins ", a-t-il expliqué, ajoutant : " Peu nous importe les positions des Etats qui s'y opposent ".

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Si la Libye et la Turquie estiment que ce mémorandum qui sert les intérêts des deux parties est " une affaire qui concerne Ankara et Tripoli ", et que " les autres Etats n'ont pas le droit de s'ingérer dans leurs affaires, les autorités libyennes de l'Est qualifient cet accord d'" illégal et inacceptable ". Elles le rejettent et disent se réserver " le droit de recourir à la justice " pour obtenir son annulation.

Tripoli n'a pas la légitimité à signer des accords

Du côté de la Grèce, la réaction va dans le même sens : le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, a révélé sur Twitter qu'il estimait, ainsi que son homologue égyptien Sameh Shoukry, que le gouvernement de Tripoli était dépourvu de " légitimité " pour sceller un tel mémorandum. " Cet accord menace la stabilité et la sécurité en Méditerranée ", a déclaré, le week-dernier au Caire, le chef de la diplomatie grecque. Tripoli " n'a pas la souveraineté nécessaire sur cette zone " pour sceller un tel accord... ", a accusé le chef de la diplomatie grecque, prévenant : " Nous utiliserons tous les moyens légaux pour défendre nos droits ". Son homologue égyptien Sameh Choukri a dit qu'avec un mandat " expiré, le gouvernement de Tripoli n'a pas la légitimité à signer des accords ".

Dans sa réaction, la France a tout autant dénoncé le contenu du document paraphé. La position de Paris sur ce " mémorandum d'entente (...) reste inchangée ", a fait savoir le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué. " Celui-ci porte atteinte aux droits souverains d'États membres de l'Union européenne, n'est pas conforme au droit international de la mer et ne peut avoir de conséquences juridiques pour les États tiers ", a-t-il expliqué.

Le mémorandum d'entente turco-libyen fait suite à la signature d'un accord de délimitation maritime en 2019 grâce auquel Ankara fait valoir ses droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale. En contrepartie de cet accord, la Turquie avait aidé le gouvernement de Tripoli à repousser, en juin 2020, une offensive de son rival, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est libyen, pour prendre la capitale. Ce qui n'a pas empêché la Grèce et l'Egypte, qui avaient d'ailleurs signé en août 2020 leur propre accord de démarcation de frontières maritimes dans la même zone, en guise de riposte à l'entente turco-libyenne, de le dénoncer ainsi que Chypre et l'UE. Tous les Etats concernés estiment que ce texte viole leurs droits économiques dans un secteur où de vastes gisements gaziers ont été découverts ces dernières années.

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