Ile Maurice: Consommation - Des dépenses élevées malgré l'inflation

Face au spectre d'une récession mondiale, les consommateurs à travers le monde réagissent différemment, avec certains pays notant un rebond des dépenses des ménages et d'autres qui remarquent une baisse de la demande. À Maurice, constat mitigé des commerçants, avec certains qui prévoient une bonne performance pour fin 2022 et d'autres qui broient du noir. Dans tous les cas, les chiffres officiels remettent les pendules à l'heure, les dépenses des ménages augmentent et devraient représenter plus de 72 % du PIB en 2022, alors que leur dette prend l'ascenseur. Sommes-nous véritablement conscients des enjeux de l'inflation ? À voir...

La situation économique, en tout cas du point de vue du consommateur, ne s'arrange pas avec l'inflation en glissement annuel affichant 11,9 % pour septembre contre 11,5 % en août, ou encore 7,4 % en janvier 2022. Dans ce contexte, on note la montée du taux directeur, passant à 3 %, qui devrait en théorie ralentir la consommation et encourager l'épargne dans les mois à venir, la dette auprès des banques commerciales coûtant plus cher avec la hausse des taux d'intérêt du marché. Or, la tendance, vue par les commerçants, pointe vers une autre direction, alors que les chiffres officiels indiquent que les dépenses des ménages pour la consommation afficheront une croissance de 3 % en 2022 par rapport à 2021.

Avant cela, faisons un petit survol du contexte économique. Au niveau mondial, l'indice FAO des prix alimentaires, qui est une mesure de la variation mensuelle des prix internationaux d'un panier de produits alimentaires, affiche une baisse soutenue depuis six mois, même s'il reste élevé comparé à la même période en 2021. Cette baisse, elle, est surtout à attribuer à la baisse de l'indice des prix de l'huile végétale avec une diminution de 6,6 % en septembre ; et cette baisse de prix, nous l'avons constatée également sur le marché local. Dans le même souffle, ces derniers mois ont vu la baisse du prix du baril de pétrole sur le marché mondial, celui-ci étant coté actuellement à USD 94 contre plus de USD 100 en début d'année.

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Or, il ne faudrait pas s'en réjouir trop vite. En effet, avec la décision de l'organisation regroupant les pays producteurs de pétrole (OPEC) de réduire la production pétrolière de deux millions de barils par jour à partir de novembre, les prix sur le marché mondial, et probablement local, risquent de reprendre l'ascenseur. Le tout à mettre dans le contexte d'un dollar qui s'est lourdement apprécié de plus de 15 % par rapport aux principales devises. Se préparant à cette hausse des prix pouvant impacter l'inflation, les commerces en Europe commencent à ressentir le ralentissement des ventes au détail de la zone euro qui ont chuté en août, indiquant une faible demande des consommateurs.

En effet, l'Eurostat indique que les ventes au détail dans les 19 pays de la zone euro ont diminué de 0,3 % en glissement mensuel pour une baisse de 2,0 % en glissement annuel. À quoi devons-nous nous attendre à Maurice à l'approche des fêtes de fin d'année ? "Nous prévoyons le même volume que d'habitude en termes de ventes, car au cours des derniers mois, s'il y a eu une légère baisse dans la vente de certains produits nonessentiels ou encore des produits d'hygiène, parfumerie et body care, entre autres, au niveau de l'alimentaire, les ventes sont les mêmes.

Au niveau des dépenses du consommateur, on ne retrouve pas de gros changements non plus", indique Ignace Lam, directeur de la chaîne de supermarchés Intermart (Mru). Au niveau des prix, l'on ne s'attend pas à d'autres hausses conséquentes dans l'immédiat, d'autant plus que si le prix du fret maritime n'a pas baissé, il s'est en tout cas stabilisé. À ce sujet, le porte-parole de l'Association professionnelle des transitaires, Yousouf Delbar, nous en dit plus. "Pour commencer si les prix se sont stabilisés, la décision de l'OPEC de réduire la production de pétrole n'est pas bon signe pour la suite, car autre que le coût en devises qui se stabilise pour le fret, nous devons mettre en contexte la valeur de cette devise étrangère que nous achetons avec une roupie sous pression face à la montée en valeur du dollar, et qui se déprécie." À hier, le conteneur de 20 pieds sur l'Europe coûtait EUR 2 469 et EUR 3 090 celui de 40 pieds. Celui de 20 pieds couvrant les pays de l'Est, dont la Chine, Singapour et la Malaisie, coûtait USD 4 000 hier, et celui de 40 pieds USD 7 175. Le conteneur de 20 pieds d'Inde, de Dubaï ou du Pakistan coûte pour sa part USD 3 700 et celui de 40 pieds coûte USD 5 500.

Quid des prévisions de ventes au niveau des commerces ? Du côté d'Ascencia, on indique s'attendre à une bonne performance. "Il faut dire que depuis la levée des restrictions sanitaires, la performance des centres commerciaux d'Ascencia, pour juillet et août, est bien meilleure comparée à 2021. Au niveau du passage aussi, on note une hausse dans tous nos centres commerciaux. Nous sommes donc confiants pour la période festive", dit Haidar Soogund, asset manager chez Enatt Ltd.

Dans le même élan, un commerçant présent dans tous les principaux malls de l'île nous précise ne pas s'attendre à une chute des ventes ; au contraire, de nouvelles enseignes ouvrent avec de nouvelles marques franchisées, surtout avec l'ouverture prochaine de Tribeca Central à Ébène. De plus, pour bon nombre de marques, l'import se fait en euro, une devise en chute libre depuis quelques semaines déjà. Le tout mis en contexte, ce commerçant ne s'attend pas non plus à une baisse des ventes.

Voyons ce que nous prédisent les chiffres de Statistics Mauritius. Selon le rapport National Accounts, les dépenses de consommation des ménages devraient afficher une hausse de 3 % en 2022 par rapport à 2021, représentant 72,6 % du Produit intérieur brut (PIB), soit une valeur de Rs 400 milliards en 2022 contre Rs 350 milliards en 2021, alors que l'inflation passe à 11,9 % et ne présente aucun signe de ralentissement. La dette des ménages, incluant le logement, selon les chiffres de la Banque de Maurice, affiche aussi une hausse, passant de Rs 127,4 milliards en janvier à Rs 138,9 milliards en août.

Qu'en est-il de l'épargne ? Le Gross Domestic Savings qui inclut les ménages et les entreprises, devrait atteindre Rs 61,1 milliards en 2022 contre Rs 49,5 milliards en 2021, ce qui est, en soi, une bonne nouvelle dans un contexte inflationniste. Cette tendance à l'épargne, si les centres commerciaux ne la ressentent pas, ce n'est pas le cas des petits commerces. "C'est clair que les consommateurs réfléchissent davantage avant d'acheter. Pour la période de fin d'année, il y aura aussi moins de dépenses frivoles car les gens prévoient pour janvier 2023. Les ventes sont ternes alors que nous importons en dollars. L'importation nous coûte cher mais la vente ne suit pas. Il est important que l'État s'intéresse aux commerces dans les villes, hors des centres commerciaux. Les villes doivent revivre pour que les commerces reprennent, sinon les fermetures vont s'accumuler", prévient Raj Appadoo, président du Front commun des commerçants.

Donc finalement, si nous recevons des sons de cloche différents dépendant des types de commerce, les consommateurs ne semblent pas vraiment lever le pied sur leurs habitudes de consommation. Quid des répercussions d'un niveau de consommation et de demande soutenues sur l'inflation ? On le saura bien assez tôt...

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