Madagascar: 14 octobre 1958 - 14 octobre 2022 - Des fondations de la Première République à la Refondation de la République...

Le 14 octobre 1958, le Président du Congrès des Assemblées Provinciales en la personne de Norbert Zafimahova proclame la République Malgache, membre de la Communauté tel que prévu par l'Article 76 de la Constitution de la Ve République Française.

Peu se souviennent que Madagascar était une colonie française à proprement dite de 1897 à 1946, mais qu'à partir du 27 octobre 1946, Madagascar est devenu un territoire d'outre- mer jusqu'en 1958. Le référendum d'autodétermination mena à l'adoption de la Constitution de la Première République qui fut adoptée par l'Assemblée Constituante le 29 avril 1959.

Cette Loi Fondamentale connut plusieurs modifications et refontes successives durant les 64 dernières années, affectant au fil du temps le système politique et la cohérence même la Constitution censée la régir.

Le Gouvernement de la 1 ère République dirigé par le Président de la République, Chef du Gouvernement, était composé du Vice-Président, des Ministres et des Secrétaires d'Etat. Le Président de la République était élu par un collège électoral qui comprenait les membres des deux assemblées, les membres des conseils généraux des provinces incluant les délégués des assemblées municipales et rurales.

Philibert Tsiranana fut élu en 1959 sur la base de ce type de scrutin universel indirect. La première révision majeure survint en juin 1962 à travers une loi simple (loi du 6 juin 1962) et institua l'élection présidentielle au suffrage universel direct (uninominal à deux tours). Tsiranana fut ensuite deux fois réélu, en 1965 à 97% des suffrages et en 1971 en tant que candidat unique à 99,72% en 1971, toujours sur la base d'un régime présidentiel fort.

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De plus en plus autoritaire et de plus en plus contesté, Tsiranana ne résista pas à la pression de la rue et suite à la répression sanglante de l'insurrection qui s'en suivit le 13 mai 1972, il transmit cinq jours plus tard les pleins pouvoirs au Général Gabriel Ramanantsoa et à son gouvernement tout en restant Président de la République. Le Général Ramanantsoa devint alors Premier Ministre, fonction inexistante et non prévue par la Constitution de la Première République, et suite au référendum constitutionnel d'octobre 1972, Tsiranana est alors déchu des ses fonctions présidentielles et le pouvoir officiellement remis au Général Ramanantsoa pour une période transitoire de 5 ans censée mener vers la 2 ème République.

Ce dernier démissionna le 5 février 1975 et confia les pleins pouvoirs au Colonel Ratsimandrava qui fut ensuite assassiné 6 jours plus tard. Le Directoire Militaire confia alors le pouvoir au Capitaine de Corvette Didier Ratsiraka, déjà précédemment membre de la Transition de 1972 à 1975 en tant que Ministre des Affaires Etrangères. Il publia alors la Charte de la Révolution Socialiste Malgache et organisa un référendum en décembre 1975 pour son adoption en tant que base de la Constitution de la 2 ème République tout en lui confiant la Présidence de la République pour sa mise en œuvre. Didier Ratsiraka accéda ainsi au pouvoir à travers un référendum à double proposition incluant sa désignation de facto à la magistrature suprême de ce qui deviendra désormais la République Démocratique de Madagascar.

Egalement partisan d'un régime présidentiel fort et centraliste qu'il dirigea avec un Conseil Suprême de la Révolution composé de membres d'une coalition de politiciens alliés et se réclamant d'une idéologie socialiste, Didier Ratsiraka fut également deux fois réélu comme son Prédécesseur Philibert Tsiranana. Mais l'échec de sa politique économique " socialiste- marxiste " et le vent de changement démocratique inspiré par la fin de la Guerre Froide et l'effondrement du Bloc de l'Est auquel son régime était allié finirent par se heurter à une forte contestation populaire qui finit dans un bain de sang le 10 août 1991 et qui une fois de plus déboucha sur une nouvelle période de Transition qui fut entérinée lors de la Convention du 31 octobre 1991, suspendant la Constitution de la Deuxième République, désignant Guy Willy Razanamasy comme Premier Ministre, Chef du Gouvernement et Zafy Albert en tant que Président de la Haute Autorité de l'Etat.

En septembre 1992, suite à un nouveau référendum, la Constitution de la 3 ème République censée rééquilibrer les pouvoirs entre le Président et l'Assemblée Nationale et répondant aux nouvelles aspirations populaires du moment est adoptée, et s'ensuivit l'élection d'Albert Zafy lors des élections de 1993. Une autre réforme constitutionnelle portant sur la désignation du Premier Ministre fut de nouveau adoptée par référendum en 1995, et redonna ce prérogative au Président au détriment du Parlement. Par la suite, après avoir censuré quelques mois plus tôt Emmanuel Rakotovahiny qui fut alors le Premier Ministre désigné par Zafy Albert.

Ce dernier finit également par être empêché pour " Violation de la Constitution " le 5 septembre 1996 et son Premier Ministre d'alors, Norbert Lala Ratsirahonana, fut désigné par la Haute Cour Constitutionnelle Président par intérim. Après un retour gagnant lors des élections en 1997, Didier Ratsiraka partisan d'un retour à un Etat fort, fait amender la Constitution une fois de plus en 1998 par voie référendaire, portant sur l'impossibilité d'empêchement du Président par le Parlement et l'instauration des 6 provinces autonomes.

Lors des élections suivantes en 2001, après de longs mois de conflits, Ratsiraka finit par s'exiler en France en juillet 2002 et Marc Ravalomanana accéda au pouvoir. Après sa réélection pour un deuxième mandat, ce dernier organisa lui aussi une révision constitutionnelle par référendum en avril 2007 afin d'étendre les pouvoirs présidentiels, l'abolition des 6 provinces autonomes décidé par son prédécesseur, l'adoption de l'anglais comme troisième langue officielle et le retrait de la notion de laïcité de l'Etat afin de mieux correspondre à ses aspirations et à son mode de gouvernance.

Cependant, après des mois de contestations populaires, relatives à sa manière de gouverner et menés par Andry Rajoelina, alors Maire d'Antananarivo, et qui s'est terminé par un nouveau bain de sang devant le palais présidentiel d'Ambohitsirohitra, Marc Ravalomanana finit par s'exiler en Afrique du Sud. Devenu Président de la Haute Autorité de la Transition, bien que non reconnu par la Communauté Internationale, Andry Rajoelina propose en 2010 par voie référendaire une nouvelle Constitution devant mener Madagascar vers la IVème République et qui lui permettrait d'être élu légitimement au cours des élections suivantes. Notons que cette Constitution qui fut adoptée est reconnue pour présenter multiples incohérences et contradictions.

Parmi cela, Hery Rajaonarimampianina, premier Président de la IVème République élu en 2013, prévoyait en 2017 de procéder à une révision constitutionnelle concernant le volet des élections afin de modifier la disposition selon laquelle le Président doit démissionner 60 jours avant les élections, présentant une incohérence avec les alinéas 1 et 3 de l'Article 47, qui prévoit la tenue des élections du Président trente jour au moins et soixante jours au plus avant l'expiration du mandat du Président en exercice, un délai qu'il jugeait trop court. Il finit par y renonça suite à une levée de bouclier de la part de ses adversaires et de la société civile.

Après son élection en 2018, Andry Rajoelina reçut en avril 2018 un avis défavorable de la part de la Haute Cour Constitutionnelle pour son projet de soumettre directement au Peuple le vote d'une loi constitutionnelle par voie référendaire notamment dans le but de mettre en place des Gouverneurs de région et de supprimer le Sénat.

Huit référendums et quatre républiques plus tard, contrairement à d'autres pays dans le monde qui changeaient de constitution ou qui procédaient à des révisions ou à des réformes constitutionnelles afin de mieux s'adapter aux courants et à la réalité sociopolitique, Madagascar n'a connu que des changements et des adaptations personnalisés ou opportunistes de la Loi Fondamentale au profit des dirigeants successifs.

La République malgache est née inspirée à la base de la Constitution de la Ve République Française, et a hérité d'un système centralisateur depuis Philibert Tsiranana jusqu'à aujourd'hui. Hormis Didier Ratsiraka entre 1998 et 2001 qui a commencé une politique de décentralisation à travers la mise en place des 6 provinces autonomes et Hery Rajaonarimampianina entre 2014 et 2018 avec un début de mise en œuvre des réformes pour une décentralisation effective, Madagascar n'a connu que des dirigeants centralisateurs et avides de pouvoir fort.

Madagascar a impérativement besoin de se refonder, de rebâtir les bases de la République inspirées de son histoire et de ses spécificités. Cette refondation qui se doit d'être profonde devra prendre en compte toutes les richesses à la fois humaines, sociologiques et naturelles du pays. La notion de territorialité devra prendre le pas sur les considérations ethniques héritées de la période coloniale qui opposait les merina et les côtiers à des fins stratégiques et diviser pour mieux régner.

Nous avons cependant la capacité de nous renouveler, et de proposer un système autre que celui avec lequel et dans lequel nous avons fonctionné jusqu'alors. Le système électoral actuel, que ce soit dans la forme ou dans le fond, a montré ses limites, notamment en matière de limitation des fraudes et manipulations électorales, en termes de contrôle des scrutins et dans la garantie d'une élection juste, transparente et acceptée par tous.

L'application et la mise en œuvre des réformes de décentralisation profonde, induisant les délégations de pouvoirs vers les collectivités territoriales, les transferts des financements et des responsabilités, permettront non seulement de répondre d'une part aux attentes des régions en matière d'autonomie mais également à des problématiques plus globaux que nous partageons avec le monde entier tel que le développement durable, la transition énergétique et l'atténuation des effets du changement climatique. Une meilleure répartition de la gestion des richesses pour un développement plus équitable de toutes les régions et tournée vers la collectivité, permettant par la même de limiter les précédentes dérives de pouvoir.

Des Hommes et de Femmes de bonne et de grande volonté ont depuis 64 ans dignement œuvré pour défendre les grands principes fondamentaux de la République, dans l'intérêt de la communauté, de la cité, de la nation, d'autres continuent de suivre le chemin ou s'apprêtent à le faire.

En reprenant en compte l'historique des 4 républiques successives, en se réappropriant les fondations de 1958 comme base, gageons que pour la célébration des 65 ans de la République l'an prochain, le processus de Refondation d'une Nation moderne, adaptée et juste aura été initié avec un vrai retour vers la définition primale de la Politique " ce qui concerne le citoyen, ce qui est relatif à l'Etat "

Une République, Un Pays Décentralisé, Une Nation Unie.

BEBOARIMISA Ralava

Président Fondateur Bâtir la République / Banjino ny Repoblika (BR)

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