Madagascar: Robert Farquhar gagne son premier grand pari

Grâce à l'armée moderne que lui propose le gouverneur de Maurice et aux instructeurs amenés par le capitane Lesage, Radama Ier est en mesure de conquérir la Grande ile pour lui tout seul (lire précédente Note).

Aussi se dépêche-t-il de consulter les principaux représentants de la noblesse et des chefs du peuple et se résout à accepter la demande du capitaine anglais : " Passer avec lui un traité écrit et lui promettre de ne plus exporter d'esclaves de ses États " (Ludvig Munthe, Charles Ravoajanahary et Simon Ayache, Radama Ier. et les Anglais : les négociations de 1817 d'après les sources malgaches- Sorabe inédits, revue Omaly sy Anio, 1976). Les huit articles de la convention, signée à Antananarivo, le 4 février 1817, et ratifiée à Port-Louis par Sir Robert Farquhar, le 26 juin 1817, ne comportent pas encore de dispositions sur la traite.

Car Lesage et surtout Farquhar savent attendre " encore un peu ". Mais d'ores et déjà, le traité garantit entre les deux nations la paix, l'amitié, la bonne entente et même des " égards " dans toute forme de langage ; la liberté de la navigation maritime et de toutes opérations commerciales, sur les côtes malgaches ou anglaises, aux commerçants et marins anglais et malgaches ; des avantages douaniers ; une lutte commune contre la piraterie ; la protection et l'assistance aux naufragés ou personnes en détresse ; la poursuite commune des contrevenants aux clauses du traité ; et enfin, l'interdiction de toute immigration soit européenne à Madagascar soit malgache à Maurice, sans autorisation de Farquhar ou de Radama. " En apparence, l'essentiel reste encore à faire.

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En réalité, le pari du gouverneur est déjà gagné. Une alliance solide, confirmée encore une fois à Maurice par un nouveau fatidra, engage Radama. Engagement irréversible d'autant plus que les deux instructeurs de Lesage, Brady et Craven, se mettent à l'œuvre aussitôt. " Effectivement, les deux hommes constituent les premières compagnies modernes de l'armée ambaniandro, en leur faisant subir sans tarder l'épreuve démonstrative des premières luttes de conquête, avec la prise de Toamasina en juin-juillet 1817. Ils déclenchent ainsi, soulignent les trois auteurs, " le processus implacable des réformes militaires et de l'expansion merina ".

En fait, la monarchie de Tananarive ne pourra mépriser la " coopération technique " anglaise que beaucoup plus tard. Une simple promesse donne encore le temps de réfléchir aux modalités d'un tel bouleversement. Elle permet surtout de prévoir sinon de provoquer les conditions nécessaires qui rendront applicable toute décision concrète.

Les trois auteurs mettent en exergue que les avertissements du Sorabe de 1817 aux Anglais- en liaison directe avec l'attitude de Radama devant Lesage- prouvent que le roi sera très strict sur ces conditions. Ces avertissements précisent en substance que " si les compensations n'arrivent pas au bout d'un an, nous ferons commerce pendant un an avec les Français ". En attendant, Radama ne se sent tenu à aucune obligation réelle. Dès lors que " reste autorisé, et de l'avis des deux parties, le commerce libre des esclaves à l'intérieur de Madagascar, il continue de vendre ses esclaves aux traitants ". Il n'a d'ailleurs aucun moyen d'en interdire l'exportation. Farquhar ne l'ignore pas.

C'est pourquoi il prévoit et prépare même depuis longtemps, l'occupation des ports de l'Est par une armée merina modernisée à l'anglaise. Il sait aussi que le roi merina brûle de connaitre l'efficacité du " nouvel instrument de conquête forgé sous ses yeux par les instructeurs anglais " et dont il suit les progrès avec passion. D'où la campagne de juin-juillet 1817, " manifestement encouragée sinon espérée par Lesage ". Toa-masina est le principal port d'exportation de Madagascar. Nul n'interdira jamais la traite sans l'avoir d'abord soumis à son autorité. Toutefois, à Toamasina règne le Mpanjakamena Jean René qui tient bon sur la côte Est, aidé de son frère Fisatra (Fiche), chef d'Ivondro. Le gouverneur de Maurice devra pactiser avec lui.

Jean René intervient donc à son tour, " de manière complexe mais inévitable ", dans les négociations "anglo-merina " de 1817. " Celles-ci, comme le confirme bien le Sorabe, se déroulent, en fait, entre quatre personnages ". Il s'agit du roi merina, du gouverneur anglais de Maurice, du " Mpanjakamena " de Toamasina et du gouverneur français de Bourbon. Bref, " la situation, économique et politique de la côte orientale de Madagascar entre comme élément décisif dans l'issue des manœuvres diplomatiques de Robert T. Farquhar ".

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