Madagascar: Jean René, un autre pion de Robert Farquhar

Depuis la mort du grand chef Ratsimilaho, vers 1750, le pays des Betsimisaraka vit dans une anarchie quasi permanente. Il est livré aux rivalités guerrières des mpanjaka, vendeurs d'esclaves.

" Ces roitelets-commerçants traitaient avec les Européens, notamment les Français de Tamatave, qu'ils fournissaient non seulement en esclaves, mais aussi en riz et en bétail... " (Ludvig Munthe, Charles Ravoajanahary et Simon Ayache, Radama Ier et les Anglais : les négociations de 1817 d'après les sources malgaches- Sorabe inédits, revue d'études historiques Omaly sy Anio, 1976).

Selon ces auteurs, vers 1811, la région de Toamasina-Ivondro retrouve toutefois une certaine stabilité politique et un regain d'activité économique, grâce au mpanjakamena Jean René et à son frère Fiche (Fisaka). Ils expliquent aussi que la carrière du métis Jean René illustre admirablement l'incertitude des institutions d'autorité sur la côte Est et surtout " la mobilité sociale qui prévaut alors dans les milieux les plus mêlés du pays betsimisaraka ".

Si les détails de sa vie jusqu'à son accession " au trône " de Toamasina restent obscurs, ajoutent-ils, ses activités de traitant habile ne font aucun doute du fait de sa connaissance du malgache et du français. L'historien Raombana le présente ainsi : " Il savait parler français il était allé à Maurice, mais sa résidence principale, c'est Madagascar où il pratiquait, sur une grande échelle, l'achat des esclaves pour les revendre aux navires européens qui les exportaient vers Maurice, Bourbon, etc. "

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À partir de 1805, Sylvain Roux l'utilise comme interprète à Toamasina. Mais en 1811, quand l'agent français fuit Madagascar devant l'offensive anglaise, " l'heure de ses secrètes ambitions sonne ". À l'issue d'une confuse période de rivalité avec le chef Tsialana où se mêlent concurrence commerciale et antagonismes familiaux, Jean René triomphe de son rival et se fait reconnaitre mpanjakamena de Toamasina. Il gagne aussitôt l'appui des Anglais, " véritables maitres de la situation, à moins qu'il ne leur doive, dès l'origine, son succès ". C'est d'ailleurs ce que pense Raombana. " Le gouverneur britannique, sachant que le climat de Tamatave était malsain, ne souhaitait pas occuper la ville. Il chercha donc à découvrir un homme éclairé qui, devenant chef de Tamatave, n'opposerait aucune entrave au commerce anglais de bétail, riz, etc.

Le gouverneur Farquhar, ayant appris que Jean René savait parler à la perfection, aussi bien le français que le malgache, décida d'en faire le chef de Tamatave et agit en conséquence. Il lui fournit en abondance des armes et de l'argent pour lui permettre de se faire obéir sans difficulté par ses sujets. " C'est ainsi qu'il apparait comme l'intermédiaire indispensable pour atteindre Radama. Robert Farquhar expérimente avec lui la politique qu'il prévoit pour gagner le roi merina. Voici ce qu'en dit Sylvain Roux, en 1818 : " Jean René qui, certes n'aime pas les Anglais, accepta leurs cadeaux consistant en une goélette armée de près de 50 tonneaux, plus deux pièces de campagne en bronze du calibre 4 avec les projectiles et l'attirail nécessaires. Il reçut aussi le brevet d'aide de camp de Sa Majesté britannique, et un agent anglais du nom de Lesage fut chargé de lui porter cette marque de confiance du gouvernement de Maurice, et fit un traité avec lui pour s'opposer à la continuation de la traite des Nègres. "

Comme le commentent les trois auteurs, " en somme, c'est une vraie répétition générale du scénario développé à Tananarive ! " Le gouverneur de Maurice voit la réussite de son projet, car l'abolition de la traite et les garanties souhaitées pour le commerce britannique seront assurée par l'action conjointe des deux rois malgaches. L'accord prévu donnera la suprêmatie politique à Radama, mais il conçoit aussi que ce dernier n'aura pas, avant longtemps, la puissance suffisante pour contrôler seul le trafic des ports de la côte Est. Son plan est de " compliquer habilement sa politique d'une guerre vite suspendue " sur l'intervention de ses agents à Madagascar et conclue par une alliance entre Antananarivo et Toamasina. C'est à Lesage de mettre en œuvre ce plan de Farquhar. Quant à Radama, il décide d'expérimenter sans tarder sa nouvelle armée, encore modeste il est vrai, car hormis ses troupes traditionnelles, il ne dispose que de deux compagnies équipées et exercées à l'européenne. Il veut surtout faire connaitre aux Anglais comme aux Malgaches " que la terre de Madagascar lui appartient et qu'il en sera le maitre bientôt ".

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