Cote d'Ivoire: Daouda Sidibé (cadre RHDP, ex-Maire de Tienko) : "Pourquoi la Côte d'Ivoire doit s'industrialiser "

11 Octobre 2022
interview

Ancien magistrat de la commune de Tienko, dans la région du Kabadougou et cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, Daouda Sidibé est aussi un expert en développement industriel. Dans cet entretien, cet ingénieur des travaux publics, qui est également ingénieur géomètre, salue les efforts du président de la République pour le développement du pays. Aussi appelle-t-il, arguments à l'appui, à une industrialisation forte de la Côte d'Ivoire.

La Côte d'Ivoire depuis deux décennies a entamé un processus de reconstruction marqué par la construction de nombreuses infrastructures. Quelle lecture faites-vous de ces investissements ?

Je voudrais tout d'abord remercier Le Patriote qui est le journal proche de notre parti. Je suis particulièrement reconnaissant à tous ceux qui ont contribué à la création de ce journal, en particulier feu le Premier ministre Hamed Bakayoko, paix à son âme, et tous ceux qui nous ont aidés dans la communication du parti. Ensuite, avant de me prononcer sur la reconstruction du pays, je voudrais remercier le chef de l'Etat pour tous efforts en faveur du développement de notre pays en général. En ce qui concerne les infrastructures, je parlerai d'équipements de notre pays.

On peut les classer comme suit : les routes, au moins 1000km ; les grands ouvrages (ponts) pour franchissement afin de relier les régions ; les hôpitaux neufs ou réhabilités, des dizaines ; l'électrification des localités qui est passée de 30 à près de 70%; l'accès à l'eau potable pour plusieurs localités; la construction des universités dans plusieurs régions etc. Donc, vous voyez l'immensité des investissements réalisés par le président pour la reconstruction de notre pays. Néanmoins, le pays doit s'orienter de plus en plus vers le développement industriel. En 1977, la Côte d'Ivoire avait un PIB supérieur à celui de la Corée du sud.

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Et aujourd'hui, vous voyez l'écart entre ces deux pays. Dans la sous-région, la Côte d'Ivoire était la deuxième puissance économique, aujourd'hui nous sommes à la troisième place parce que le Ghana, qui est passé avant nous, derrière le Nigéria, a flairé le coup du développement industriel avec son programme " One Town, One factory ".

De façon concrète, comment voyez-vous le développement industriel ?

Le développement industriel repose sur un concept juridico-technique qui n'est pas facile à comprendre. Les accords internationaux font souvent plusieurs milliers de pages au milieu desquels sont dissimilés les articles permettant aux pays en développement d'accéder à l'industrialisation. Néanmoins, en partant des statistiques nationales, des quinze principaux accords régissant l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle et surtout le Traité de Coopération en matière de Brevets (Patent Treat Coorporation P. C. T), on peut valablement mettre en place un véritable Plan de Développement Industriel qui sera porté par les investisseurs locaux et étrangers. Ces accords générant des milliards de dollars par an, la Côte d'Ivoire peut y tirer au moins 30% du financement de son Plan de développement Industriel.

Pourquoi tenez-vous tant à ce développement industriel ?

C'est une option incontournable pour la Côte d'Ivoire, si elle se veut se hisser au niveau des grands pays développés dans le monde. Voyez, tous ceux qui ont un peu d'argent en Côte d'Ivoire, leur premier réflexe est de construire des habitations pour les mettre en location ou bien créer une plantation. Cela accroît la pression foncière dans notre pays. Le développement industriel permettrait d'offrir une alternative à l'investissement dans le foncier. Aussi, l'industrialisation est source de développement économique, social et culturel.

Justement, si la Côte d'Ivoire devait s'y mettre, quelles devraient être, selon vous, les priorités ?

Il faut d'abord analyser les statistiques nationales en matière des dépenses d'équipements, de soins, de bien-être etc. Ensuite, il faut regarder l'ensemble des productions nationales et leurs transformations au plan international (brevets existants) ; Développer une coopération dynamique en matière de brevets, Créer des marques nationales de produits et de service, Valoriser les produits du terroir par les Indications Géographiques, Industrialiser les productions littéraires et artistiques et enfin Prendre en compte les Mesures aux frontières en vue de protéger notre industrie naissante.

Il y a aussi la question des brevets. Que perd la Côte d'Ivoire dans ce domaine ?

On ne peut pas l'estimer, les pertes sont énormes. Aujourd'hui, la coopération entre les pays ne se limite plus qu'à la diplomatie, c'est l'échange des acquis et des expertises, de brevets etc. Le brevet est le moteur de la croissance. Sa protection génère des milliards de dollars, et la Côte d'Ivoire n'en bénéficie pas. D'ailleurs, je vous apprends que l'Ethiopie est très avancée dans le domaine de la transformation du café avec la création d'une marque. C'est cela le développement industriel. Nous produisons plus que ce pays mais nous n'avons pas une marque nationale réputée de café.

Nous avons beaucoup de produits que nous pouvons valoriser au plan industriel. Ensuite, il faut travailler avec les brevets existants pour la transformation de nos produits, surtout que la convention internationale précise que les brevets de plus de 20 ans tombent dans le domaine public. Ce qui signifie que nous pouvons les utiliser tranquillement. Je prends le cas par exemple d'un médicament contre le paludisme. S'il a plus de 20 ans, nous pouvons le fabriquer ici et soigner nos populations. Aussi, le plan de développement industriel peut améliorer le contenu de l'enseignement parce que si nous voulons transformer nos produits agricoles, il faudra créer des formations en vue de leur transformation.

Pourquoi ?

Tout dépend de notre structuration.

Mais, la Côte d'Ivoire a lancé un programme de construction d'usines de transformation du cacao et de l'anacarde. N'est-ce déjà pas un grand pas vers le développement industriel ?

C'est un début, mais cela ressemble au schéma initié par Félix Houphouët-Boigny, qui a montré ses limites. Vous savez, le développement industriel doit être porté par les gens qui vivent dans le pays. C'est un plan qu'on fait et qui permet aux nationaux d'avoir des unités industrielles. La manière d'investir induit la gestion. L'Etat investit des milliards dans la construction d'une unité industrielle, il nomme qui il veut pour sa gestion. Mais, celui-ci va gérer l'entreprise comme il le veut. Mais, dans un plan de développement industriel, l'Etat ne fait qu'accompagner les individus qui veulent investir dans ce domaine.

Nous avons encore beaucoup à faire. Prenons par exemple l'hévéa, nous ne faisons que la transformation primaire. Est-ce qu'on fabrique des pneus ? Des plaquettes de frein ? Mais, tous les brevets de fabrication de plaquettes de frein existent, il suffit de les prendre pour fabriquer ces produits en Côte d'Ivoire. Si on ne fait pas cela, on n'atteindra pas nos objectifs. Il ne faut pas que tout soit aux mains de l'Etat. C'est plutôt le secteur privé qu'il faut encourager et soutenir pour impulser le développement industriel. Mais, cela doit se faire selon un plan précis, en tenant compte des contraintes liées aux Accords auxquels la Cote d'Ivoire est partie.

Parlons maintenant politique. Vous êtes un militant de la première heure du RDR et aujourd'hui du RHDP. Quels enseignements tirez-vous du parcours de votre formation de l'opposition à la conquête du pouvoir d'Etat ?

Je voudrais avant tout saluer la clairvoyance de notre président qui a permis au parti d'atteindre les résultats que nous connaissons aujourd'hui. De même, je salue l'engagement des militants qui a été un facteur déterminant dans cette lutte. Aujourd'hui, nous sommes dans une nouvelle vision incarnée par le RHDP dont je salue la création, parce qu'elle a permis d'élargir la base de notre parti, d'avoir du sang nouveau, de renforcer les structures et l'implantation nationale.

Aujourd'hui, le RHDP est en pleine restructuration. Quel regard portez-vous sur ce processus ?

Comme toute activité humaine, après un certain temps, il faut toujours faire un bilan et se projeter vers le futur. C'est le cas du RHDP, avec cette restructuration qui vise à renforcer ses assises du parti. Et je salue ce processus qui permettra d'avoir une idée claire du nombre de militants que compte le parti, de s'assurer que ses structures de base existent, fonctionnent correctement.

Avant cette structuration, il y a des localités qui prétendaient avoir 600 militants, dix comités de base, 20 sections et quand on faisait les élections, on n'avait aucun élu. Comment comprenez-vous cela ? C'est tout cela que la restructuration vient solutionner et corriger. J'ai foi en cette restructuration en ce sens qu'elle permettra au parti d'avoir des données précises sur ses bases et ses militants.

L'un des défis majeurs qui attend les cadres que vous êtes, c'est la proximité des cadres que vous êtes avec les militants. Comment remobiliser la base qui a le sentiment d'avoir été oubliée par les cadres ?

Je suis l'un des exemples patents. J'ai fait les premières missions d'implantation du RDR en 1994, à Abobo où je n'avais trouvé qu'un seul militant. J'ai travaillé également pour l'implantation du parti à Dabakala, Odienné et dans la région du Folon, sans oublier d'autres localités.

Il faut regrouper ceux qui ont fait la lutter et mener avec eux la réflexion pour résoudre ce problème de frustration. Certes, on ne peut pas nommer tout le monde, le parti n'a pas cette capacité mais on peut exprimer la reconnaissance du parti à ces militants à travers une décoration par exemple. Savoir que le parti ne les a pas oubliés peut aider à effacer leurs frustrations. A cela s'ajoute la générosité des cadres envers les militants.

Les cadres qui sont à des niveaux de responsabilité ne doivent pas oublier que des hommes et des femmes ont tout donné pour que la lutte aboutisse ; certains ont sacrifié leurs biens, d'autres leur vie. Il est donc nécessaire que les cadres n'oublient pas d'où nous venons. Pour moi, il faut absolument régler cette question avant les futures échéances électorales car beaucoup de militants sont aujourd'hui déçus et démobilisés. Les militants de notre parti ne l'abandonneront jamais. Mais, il faut les motiver à entretenir la flamme du parti. Il faut absolument y réfléchir.

Mabri Toikeusse a signé son retour au RHDP, deux ans après avoir claqué la porte. Comment avez-vous accueilli cela ?

Je suis très content du retour du ministre Mabri. Il avait quitté sa maison et il y est retourné. Il n'y a pas grand-chose à dire sur cela. C'est la preuve que le parti grandit. Il faut ouvrir les portes du parti à tous ceux qui veulent y venir. Un parti se construit tout le temps. Je salue cette politique de grande ouverture et de tolérance du président de notre parti.

Vous avez été fait Officier dans l'ordre du mérite national. Comment percevez-vous cette distinction ?

Je l'avoue, ça a été une surprise pour moi. C'est une semaine avant que j'ai appris que je devais être décoré. Au-delà de la surprise, je voudrais remercier la grande chancelière et le président de la République qui ont permis cette décoration nationale. C'est une reconnaissance de la Nation qui restera gravée, à jamais, dans ma mémoire. Je suis infiniment reconnaissant au chef de l'Etat.

N'est-ce la reconnaissance de tout ce que vous avez fait, quand on sait que vous avez dirigé des structures de l'Etat comme le guichet unique automobile ?

J'ai un parcours atypique. Car, j'ai travaillé dans beaucoup de domaines. Je suis ingénieur des travaux publics et ingénieur géomètre. J'ai une expertise en développement industriel. J'ai été effectivement directeur du guichet unique automobile. J'ai aussi travaillé au ministère de l'Industrie où j'ai bénéficié de nombreuses formations sur le développement industriel. Je participé à la rédaction du premier Projet d'Indications géographiques en Côte d'Ivoire, qui a été repiqué, ensuite, dans l'espace de l'OAPI. J'ai également participé aux travaux de recherche sur les Corrélations entre les prises de vue aériennes et les données sur le sol avec l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de l'île de France. La ville de Bouaké avait été choisie pour ce projet cible.

Pour finir, avez-vous un message particulier à lancer ?

Je souhaite que mon parti le RHDP soit fort pour continuer le travail que nous avons entrepris. Ensuite, je voudrais que la Côte d'Ivoire soit un pays industrialisé. C'est mon souhait le plus ardent. L'industrialisation solutionnera la plupart des problèmes que nous avons : la question de l'emploi, la recherche, l'innovation, la sécurité, la richesse et induira le développement économique, social et culturel.

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