Cote d'Ivoire: La " Cosmo-diplomatie " - Solution à la crise ivoiro-malienne?

Des soldats ivoiriens
14 Octobre 2022
analyse

LA DIPLOMATIE A L’ÉPREUVE DE LA CONSTRUCTION D'UNE COMMUNAUTÉ DE DESTIN FORTE, VRAIE ET DURABLE.

Le 10 juillet 2022, le gouvernement malien par l'entremise de son porte-parole, le Colonel Abdoulaye MAÏGA a annoncé avoir arrêté à l'aéroport de Bamako 49 militaires ivoiriens, accusés d'être des mercenaires venus déstabiliser le gouvernement malien. Quelques semaines plus tard, la justice malienne les a inculpés pour " complot contre le gouvernement et tentative d'atteinte à la sûreté extérieure de l'État ".

Pendant ce temps, Abidjan qui s'était étonné d'un tel comportement du gouvernement de Bamako jouait à l'autoritarisme en enjoignant aux autorités maliennes de leur livrer sans délai ses 49 soldats qui pour lui, avaient été envoyé au Mali dans le cadre des opérations de soutien logistique à la mission des Nations unies (Minusma).

Depuis lors, les positions des deux (2) pays n'ont guère évolué. Malgré une petite accalmie observée lors de la libération de 3 d'entre eux le 03 septembre 2022, il est à craindre que la tension monte à nouveau.

En effet, le 12 septembre 2022, le Colonel Assimi GOÏTA, Président de la République du Mali a appelé les autorités ivoiriennes à l'extradition de personnalités politiques maliennes résidant en Côte d'Ivoire. Rappelons que depuis l'accession des Hommes en armes aux hautes fonctions de l'État malien, plusieurs personnalités maliennes dont l'ancien Premier ministre Boubou Cissé et M. Karim KEITA, fils de l'ancien Président Ibrahim Boubacar KEITA ont fait l'objet de mandats d'arrêts internationaux.

La réplique ivoirienne ne se fit pas attendre. Le mercredi 14 septembre 2022, à l'occasion d'un Conseil National de Sécurité extraordinaire, les autorités ivoiriennes accusant les militaires au pouvoir à Bamako de " prise d'otage " de ses soldats arrêtés, ont appelé des chefs d'États africains, les autorités de la CEDEAO, de l'UA et de l'ONU à une résolution diplomatique de la crise qui a cours depuis le 10 juillet 2022 avec la République sœur du Mali. Elles ont souhaité la tenue d'un sommet extraordinaire de la CEDEAO à New York en marge des travaux de la 77ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies.

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Rappelons également qu'une mission diplomatique de médiation conduite par SEM Faure GNASSINGBE, Président de la République du Togo avait été sollicitée depuis les débuts sans parvenir à une résolution complète de cette crise. C'est dans le cadre de cette médiation que 3 soldates ont pu être libérées, ramenant le nombre à 46 au lieu de 49 à ce jour.

Ainsi, comme on peut le constater, les protagonistes ont déjà emprunté la voie de la tempérance et d'une résolution pacifique de cette crise. Sans doute avaient-ils déjà perçu l'échec d'une solution militaire, puisque les différentes menaces proférées ci et là, n'ont produit aucun effet salutaire. Pire, les positions de méfiance et de défiance se sont encore exacerbées.

Face donc à cette situation de ni paix, ni guerre et à un risque de guerre qui menace la paix dans notre sous-région, tant les propos de la Côte d'Ivoire semblent souvent être comme des ultimatum : " c'est un "chantage inacceptable" et "nous exigeons la libération sans délai" tels étaient les propos du Ministre Fidèle SARASSORO, Secrétaire Exécutif du Conseil National de Sécurité de Côte d'Ivoire lors du compte rendu de sa réunion extraordinaire du mercredi 14 septembre 2022 ", nous pensons et croyons qu'il y a la possibilité de solder ce différend sans recourir à la violence.

Mieux, la résolution diplomatique que nous souhaitons convoquer ici est de notre point de vue, la seule voie qui mérite une attention particulière des protagonistes et de l'ensemble des partenaires institutionnels comme privés de ces deux pays, de ces deux peuples frères et de l'ensemble de la classe politique sous-régionale et africaine.

Nos réflexions à ce sujet pourraient s'articuler autour de la démarche diplomatique que nous encourageons et qui se présente comme la solution à la crise ivoiro-malienne.

Pour ce faire, nous souhaitons proposer un concept nouveau à savoir la " Cosmo-diplomatie ".

Ainsi, il nous semble opportun de préciser le sens de cette approche avant d'en dégager les moyens de son opérationnalisation.

En effet, il convient d'admettre avec Martin WIGHT que la diplomatie est l'instrument nécessaire à la stabilisation des rapports entre États, il est aussi certain qu'elle doit s'appuyer sur des valeurs qui résistent au temps, à la perversité de l'Homme et à celle de son environnement. Sans se référer à un minimum de valeurs plus ou moins transcendantes de la nature humaine et de notre relation avec le reste de la création, toute approche de la diplomatie serait vouée à l'échec dans la perspective d'une paix vraie et durable, surtout avec le pays frère du Mali, une terre de tradition, une des plus illustres civilisations connues à ce jour. Pour s'en convaincre, on pourrait se référer à la grande bibliothèque et à l'université des savoirs de Tombouctou, aux savoirs en matière d'astronomie de l'école malienne.

Pour une meilleure compréhension de notre solution, nous allons d'abord définir le concept de " Cosmo-diplomatie ", ensuite présenter les fondements de cette théorie, et enfin opérationnaliser son approche dans le cadre de la crise ivoiro-malienne.

DEFINITION DU CONCEPT DE " COSMO-DIPLOMATIE "

Le concept de " Cosmo-diplomatie " est un néologisme composé de deux (2) mots : " cosmos " et " diplomatie ". Outre les différentes définitions que nous pourrions avoir de la diplomatie, il y a bien une qui nous échappe la plupart du temps.

Il s'agit de la dimension vertueuse de celle-ci, qui elle-même ne saurait exister sans un recours au sacré et aux valeurs fondamentales. Des valeurs qui doivent hisser l'Homme au rang d'ordonnateur et de maître d'ouvrage de ses actions en ce monde dont il est le régent en vertu de sa conscience qui le relie au divin et représente son juge le plus implacable.

En effet, dans la définition que nous lisons dans le dictionnaire Larousse, le mot " cosmos " issu du grec " kosmos " veut dire " L'univers et ses lois, ou, plus généralement, tout univers, réel ou issu d'une conception scientifique ou fantastique ". On pourrait en déduire " ordre de l'univers ".

Ainsi, le cosmos est l'ensemble de tout ce qui existe dans la création matérielle et immatérielle, constitué de sous-ensemble hiérarchisés, structurés et ordonnés qui obéit à des lois et à des principes.

Dans cette définition, il ressort que la convergence de la création matérielle et spirituelle se structure grâce à des lois et des principes qui en garantissent la force et la cohérence. Sans cela, l'on aurait pu assister à ce que les savants appellent le " chaos primitif, la désolation, la nuit " et tout serait dessus-dessous. Par conséquent, le " cosmos " s'oppose au chaos et au désordre, ce qui permet à l'œuvre de création de passer de l'état d'absence de structure, de ténèbres primitives et primordiales au structurant et à la lumière de la connaissance absolue tant matérielle, morale que spirituelle.

Aussi, dans la perspective de comprendre scientifiquement notre monde et les manifestations qui s'en dégagent, les savants et particulièrement les physiciens et philosophes ont adopté une approche intégrale du champ de la connaissance. Cette approche se veut être expérimentale, pragmatique, physique, matérielle et à la fois spirituelle (qui touche à l'esprit), c'est-à-dire qui explore les différents aspects de la pensée humaine.

A la différence donc de l'" univers " qui est un objet d'étude uniquement scientifique, le " cosmos " lui, relève aussi et surtout d'une interprétation philosophique et métaphysique. Il intègre l'étude d'un système ordonné et structuré comme base de la création, faisant intervenir des forces invisibles consubstantielles de la nature de l'Homme lui-même en tant qu'une unité de pensées et d'actions. Ces forces peuvent aussi et dans bien des cas provenir d'autres sources qualifiées d'immatérielles ou surnaturelles dont la finalité conduit à ce qui pourrait être appelé l'expression du " Sacré ".

En tant que concept de base que nous convoquons dans le champ des sciences politiques et dans le cadre de la résolution de la crise ivoiro-malienne, la dimension sacrée du terme " cosmos " peut être diversement interprétée, mal perçue, voire inappropriée. C'est pourquoi, nous allons convenir avec Alain GHEERBRANT et Jean CHEVALIER pour dire que la dimension sacrée fait intervenir la notion d'" intention ".

En effet, on peut considérer l'intention comme une force intérieure qui pousse une personne ou un État à faire des choix jugés appropriés et nécessaires pour ceux ou celles qui les initient ou pour d'autres dont on se sentirait investis d'une mission. A ce stade de sa capacité à vouloir une chose et non une autre, le penseur ou le sujet qui est l'objet de la réflexion tente de se connecter à une réalité qu'il souhaite matérielle et physique dans son vécu. Par son intention, le penseur veut donner vie à quelque chose, à une personne ou à une réalité dans ce monde.

Dans cette description de la pensée créatrice, Platon nous invite à donner corps à toute réalité à travers notre imagination, car l'imagination est le véhicule qui nous permet de transposer notre intention bien au-delà de notre capacité à saisir la chose pensée.

Le " cosmos " évoque donc une intention et celle-ci peut être reliée à la notion de " vie " en tant que phénomène qui ordonne la matière et permet de continuer la création dans cette dimension inférieure de ce que, la conscience collective appelle le monde de Dieu .

Convoquer le " cosmos " dans un cadre de résolution de crise ou de conflit n'est pas un égarement, ni une subjectivité intellectuelle encore moins une fuite en avant. C'est bien au contraire une tentative d'objectivité dans la recherche de ce que l'Homme en tant qu'être matériel aspire à trouver la paix et à vivre en harmonie avec ses semblables sans qu'il ne soit un loup pour l'autre.

C'est pourquoi dans la conscience de l'Homme ordinaire, l'on peut y déceler que le " cosmos " peut coïncider avec l'esprit de Dieu, c'est-à-dire tout ce qui doit nous porter à ordonner, structurer et harmoniser tout comme Dieu le fit, et continue de le faire.

De tout ce qui précède, on peut conclure que le concept de " cosmos " trouve bien sa place dans le cadre des grands phénomènes sociaux dès lors qu'il permet à l'Homme, le sujet politique de se connecter à la partie sublime qu'il a en lui pour aller vers l'autre dans une alchimie du bonheur et de la vie en communauté.

Le rapprochant de la diplomatie, ce concept devient la " Cosmo-diplomatie ", c'est-à-dire la diplomatie de la vie qui pose comme postulat de sa recherche et de sa finalité, l'intention et l'attention soutenue de l'Homme de vivre en paix et en harmonie avec lui-même et avec les autres.

Ainsi, lorsque nous disons que la " Cosmo-diplomatie " est une perspective salutaire de notre époque, nous en mesurons la portée et osons la soutenir pour un monde meilleur, plus pacifié.

Quels en sont ses fondements ?

LES FONDEMENTS DE LA " COSMO-DIPLOMATIE "

Comme nous l'avons vu dans sa définition, la " Cosmo-diplomatie " se soucie énormément de l'Homme en tant qu'être politique, c'est-à-dire fondamentalement un être de société. Il ne peut s'épanouir que dans une cohabitation intelligente avec l'autre. Il va sans dire qu'il doit se préserver lui-même et préserver les autres pour que la continuité de la race soit ; mais aussi, bien au-delà, pour que la conscience de cette race évolue de la perfection de sa nature première vers le créateur, c'est-à-dire le " bien " dans la globalité.

Il convient de rappeler, pour une bonne compréhension de notre approche, que la diplomatie classique se veut être un échange de civilités entre deux (2) pays, deux (2) nations ou deux (2) entités qui ont des intérêts à défendre. En fonction du rapport de force et d'autres conditions, l'un ou l'autre l'emportera et pourra ainsi imposer ses décisions sous le manteau d'accords habillement exposés et élégamment scellés.

Pour ce faire, la " Cosmo-diplomatie " se fonde sur quatre (4) piliers pour apprivoiser la nature rustique de la vie sur terre et en prendre possession de l'intérieur pour la transformer vers l'idéal d'une société plus humaniste, plus saine, plus pacifique et plus digne.

La présente crise entre la Côte d'Ivoire et le Mali nous donne l'opportunité d'offrir notre solution pour une paix durable, car pour que la paix soit durable elle doit être vraie et non corruptible. Elle doit donc s'ancrer dans des valeurs très fortes qui ont toujours maintenu la cohérence les sociétés humaines.

La " Cosmo-diplomatie " s'exprime donc à travers les piliers que sont la volonté suprême du peuple (1), la puissance économique et militaire de la nation (2), l'éveil des consciences (3) et la préservation de la vie comme vecteur sacré de l'existence (4).

La volonté suprême exprimée par le peuple

Le choix du peuple est la première condition de réalisation de la " Cosmo-diplomatie ". Si le peuple ne parvient pas à s'exprimer ou si la voix du peuple est étouffée et non audible, on ne peut s'étonner de constater que les différentes solutions qu'on pourrait lui présenter ne puissent fonctionner. L'un des problèmes connus des démocraties africaines, c'est la manipulation de la voix du peuple. Bien souvent, le peuple n'est pas écouté. Il est méprisé et infantilisé pour assouvir des intérêts qui ne sont pas toujours les siens.

Dans le cadre des régimes présidentiels en vigueur en Côte d'Ivoire et au Mali, les députés et les sénateurs pour la Côte d'Ivoire et les députés pour le Mali représentent le peuple et doivent donc s'exprimer chaque fois que cela est nécessaire et dans le sens inverse, rendre compte aux populations de leurs missions. Malheureusement, depuis le déclenchement de cette crise, ni l'un ni l'autre n'ont convoqué leurs différents parlementaires aux fins de les informer et de requérir leurs avis sur les sujets qui sont posés.

En effet, plusieurs sujets ressortent de cette crise, ce sont :

la négligence dans l'application des règles administratives des Nations unies,

la crise de confiance entre les autorités malienne et ivoirienne,

les deux (2) problèmes juridiques qui se posent dans le cadre de cette crise : l'exécution des mandats d'arrêt émis par Bamako contre certains de ses ressortissants soupçonnés d'être protégés par Abidjan et la qualité de " mercenaires " attribués aux militaires ivoiriens arrêtés à Bamako pendant qu'Abidjan estime que ses militaires sont des " otages " du pouvoir malien,

le manque de clarté et de visibilité dans les positions d'Abidjan et à certains égards celle de Bamako,

la rupture de ban entre Bamako et Paris et à contrario, le rapprochement militaire et économique de Bamako à Moscou.

Comme il est souhaité par la démarche " cosmo-diplomatique ", la voie du peuple doit être privilégiée.

C'est donc à juste titre que le respect de la volonté du peuple est le premier pilier de la " Cosmo-diplomatie ". C'est le point de départ de toute réforme fondamentale, car les peuples méritent leurs dirigeants en ce qu'ils doivent décider de qui doit conduire les destinées de leurs nations. Si ce n'est le cas, alors on ne peut leur infliger de supporter des dirigeants installés par les puissants lobbys d'intérêts particuliers ou par la Communauté internationale.

Enfin, disons que cette volonté ne peut s'exprimer véritablement que si l'Amour de la Patrie est au cœur des préoccupations du peuple et de ses dirigeants. Cet aspect de la question est fondamental dans le cadre de l'édification de la paix et de la construction d'une nation forte et puissante.

L'expression de la puissance militaire et économique de la Nation

Le deuxième pilier de cette solution est l'expression de la puissance militaire et économique de la nation.

Considérant que " les États n'ont pas d'amis, sinon des intérêts à défendre ", c'est aussi par le jeu subtil de l'équilibre de la force que deux (2) États peuvent se respecter et s'asseoir pour négocier d'égal à égal. C'est d'ailleurs l'un des points faibles de plusieurs pays africains qui sont dans l'incapacité de se doter de forces militaires sur la base d'une économie dynamique pouvant financer ses propres besoins en armement et en défense.

Sur la scène internationale, l'époque de la guerre froide a montré que le camp occidental et le camp de l'Est se neutralisaient mutuellement. Cela s'est démontré à plusieurs niveaux et à plusieurs reprises. Ce qui a permis d'ailleurs d'aller à la paix, puisque chacun étant fort et puissant, doté des mêmes armes de destruction massive, il n'y avait pas intérêt à continuer les hostilités.

C'est justement ce qui est constaté depuis le début du conflit Russo-Ukrainien. Un conflit qui est le théâtre des affrontements entre l'Est et l'Ouest, entre les pays du G7 porté par les USA et les pays du BRICS portés par la Russie.

Cependant, dans ses rapports avec l'Afrique de l'Ouest, le reste du monde pour ne pas citer la France, n'est nullement dans cette situation. L'on se souvient du bombardement de la ville de Bouaké en Côte d'Ivoire par l'aviation française ou de celui de la résidence de l'ex-Président GBAGBO Laurent.

Le rapport de force était en défaveur de la Côte d'Ivoire tant militairement, qu'économiquement. C'est aussi ce qui a surpris plus d'un qui ont estimé qu'il y a eu une utilisation disproportionnée de la force.

Dans une démarche de négociation, les parties en conflits ne peuvent avoir la même importance tant que l'équilibre de la force n'est pas partagé entre les parties au conflit. Il est donc utile de briser ce rapport de force quand il y a violation des principes universels pour agir et sauver des vies humaines et la vie en définitive. C'est plus ou moins ce rôle que devrait jouer l'ONU. Hélas, ses dernières prises de position et ses actions laissent à désirer et posent même le problème de la refonte de cette organisation pour une meilleure société des Nations.

Toute approche diplomatique lorsqu'elle intègre la dimension du cosmos telle que nous l'avons définie précédemment plus haut, ne peut qu'être alignée et adaptée au peuple concerné puisqu'à la vérité, chaque peuple a des besoins précis même s'il souhaite ne faire qu'un avec les autres.

La puissance militaire et économique est donc le deuxième pilier nécessaire à l'instauration de la " Cosmo-diplomatie ". Il suffit de jeter un regard rétrospectif sur les crises diplomatiques en République Centrafricaine entre la France et la Russie ou encore en Iran entre le soutien de l'armée russe au régime de Bachar EL Hassad contre les puissances coalisées sous l'égide de l'OTAN et donc particulièrement des USA.

La France, reconnaissant la force militaire et économique de la Russie, n'a pas osé franchir les limites de son implication dans le dossier centrafricain. Ainsi, lorsque nos États africains auront nettement évolué dans le cadre de leur capacité de se protéger eux-mêmes et protéger leurs peuples respectifs, leurs capacités de négociation et d'établissement de la paix n'en sera que meilleure et plus solide.

Naturellement, nous ne pourrions y parvenir que lorsque les ressources financières pourront être mobilisées comme il se doit et utilisées selon les règles de l'orthodoxie en matière de gestion des biens publics. Ce deuxième pilier est aussi une articulation de plus dans la lutte contre la corruption, une des causes endogènes, qui gangrène tous les efforts de construction véritable de nos États.

L'éveil des consciences pour l'intégration des valeurs humaines et républicaines

Dans le jeu diplomatique ordinaire contemporain, peu d'intérêt est accordé au peuple, à ses intérêts et à son éveil. Comme si la diplomatie était uniquement une affaire du sommet de la pyramide, des réunions de diplomates et de hauts fonctionnaires qui se retrouvent entre eux pour décider du sort des autres. Cette espèce de mépris pour le peuple peut être considéré comme l'une des faiblesses de la diplomatie traditionnelle.

En effet, toute l'organisation politique dans son ensemble concourt au bien du peuple, et rien n'est à proscrire quand on doit mener une réflexion sur les solutions aux conflits qui affectent précisément ce peuple et dans le cas d'espèce, les peuples malien et ivoirien.

Dans les différentes missions des organisations sous-régionales, il peut être déplorable de constater que les intérêts des peuples ne sont pas vraiment ce qui préoccupent au premier plan.

Pour s'en convaincre, on pourrait se référer aux décisions de la CEDEAO qui sont prises très souvent au mépris des intérêts des peuples d'une part et non appliquées quand il s'agit de certains Chefs d'État comme on a pu le constater à l'occasion de la crise post-électorale de 2021 en Côte d'Ivoire d'autre part.

Des différents constats qu'on peut faire, il est déplorable de constater que les sanctions de la CEDEAO n'affectent en vérité que les innocentes populations et non les véritables responsables.

Tel que stipulé dans les textes de la CEDEO, toute prise du pouvoir d'État est sanctionnée par des résolutions politiques et mêmes économiques comme les " embargo et la fermeture des frontières terrestres et aériennes ".

Le Mali et la Guinée pour ne citer que ceux-ci en ont fait les frais ces dernières années.

Travailler sur l'ouverture de conscience des peuples à travers la culture démocratique, l'alphabétisation de masse et le renforcement des capacités des différents corps sociaux, permettraient d'entrevoir une diplomatie plus responsable et plus inclusive de la destinée des peuples. On ne peut guider un peuple si celui-ci ne sait apprécier la direction à suivre. On ne peut faire de la diplomatie pour représenter un peuple si on infantilise celui-ci. On ne peut parvenir à faire le bonheur d'une personne ou d'un peuple contre son gré.

C'est pourquoi, il est capital de l'associer dans les prises de décision qui le concernent. Pour cela, il faut lui donner les moyens d'analyse, de compréhension afin qu'il puisse se faire sa propre opinion.

Le jeu démocratique, tel qu'il est pratiqué par les Nations démocratiques, nous révèle que la construction d'une grande Nation est l'affaire de tous et doit commencer par le bas avec l'impulsion du sommet.

Comment pouvons-nous en ce 21ème siècle nous entretuer ne serait-ce que pour une élection présidentielle ou législative ?

Comment peut-on encore penser qu'à part notre seule personne, tout un pays devrait sombrer dans la guerre, dans les ténèbres parce que nous serions le garant de la stabilité et de la paix ?

Comment concevoir encore aujourd'hui que la dimension messianique de la fonction de Chef de l'Etat puisse être un véritable produit marketing qui fasse de plus en plus d'émules ?

N'avons-nous pas fini avec l'ère des apparitions subites et programmées par Dieu des " Messies " pour sauver son peuple ?

Oui, les différents efforts que les diplomates avec la bénédiction des différents gouvernements pourront apporter pour faire des peuples africains des consciences éveillées et évoluées seront la bouée de sauvetage de la diplomatie. Cette dimension de l'éveil des consciences en tant que 3ème pilier renforce la " Cosmo-diplomatie ".

En effet, l'éveil des consciences se présente comme l'opportunité que les gouvernants devraient accorder à leurs peuples pour les sortir de ce fléau qu'est l'ignorance, l'obscurantisme qui est un des profonds vices de l'âme humaine. Car comme il est écrit dans le Corpus Hermeticum, " le vice de l'âme, c'est l'ignorance. En effet, quand une âme n'a acquis aucune connaissance des êtres, ni de leur nature, ni du bien, mais qu'elle est toute aveugle, elle subit les secousses violentes des passions corporelles. [...] Au contraire, la vertu de l'âme est la connaissance ". C'est bien ainsi, par la connaissance vraie et soutenue que les sphères politiques et diplomatiques pourront contribuer à une stabilité et une paix véritable et sincère.

Enfin, l'éveil des consciences est la dimension spirituelle de la diplomatie. Cet aspect que bien souvent les Hommes et les diplomates ignorent dans la pratique de cette profession aurait une forte propension à la spiritualité et à la transcendance. Transcender les intérêts partisans pour se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire le bien-être de l'Homme en tant que continuité de la présence du créateur dans l'ici et le maintenant.

Les différences expériences que la Côte d'Ivoire a connu dans ses rapports avec nos Institutions sous-régionales depuis 2010 pour ne pas trop nous éloigner, et le Mali tout récemment nous donnent à penser qu'il nous reste à explorer d'autres champs de la pensée pour trouver des solutions durables.

Ce pilier est très essentiel puisqu'il marque la prise de conscience véritable de l'Homme et naturellement des gouvernants.

Depuis la prise de pouvoir au Mali les militaires, il est évident que le peuple malien dans son aspiration profonde de se prendre désormais en charge a décidé de multiplier ses partenariats et donc l'a fait savoir à la France et aux autres partenaires traditionnels.

Le Mali en renonçant à son traditionnel partenariat militaire avec la France ou en voulant le modifié a exprimé une profonde aspiration qui doit être respectée par tous. Quant à ses problèmes avec la Côte d'Ivoire, il est à constater plusieurs zones d'ombres demeurant encore trop importantes. C'est pourquoi, une véritable solution ne pourrait être envisagée sans que les valeurs essentielles qui fondent la société des Hommes ne puissent être conjuguées.

Comme perçue et décrite, la diplomatie actuelle ne saurait apporter la solution aux problèmes de stabilité du monde. Il faut donc extraire d'elle ce virus du matérialisme absolu sans âme pour enfin lui infuser cette dose d'humanité contenue dans son aspect " cosmos ", " cosmique " ou " cosmogonique ", que dire, la restituer à son essence première : la dignité, l'humanisme et la vie.

La préservation de la vie à travers la sauvegarde de notre patrimoine humain

Le 4ème et dernier pilier de la " Cosmo-diplomatie " se fonde sur la préservation de la vie qui se traduit par la sauvegarde de la vie humaine et la préservation de l'espèce humaine en général.

Dans les différentes crises et les conflits que notre sous-région a connu, les différentes missions internationales n'ont pas fait de la préservation de la vie leur crédo. Elles ont fait de la préservation du pouvoir d'État de certains présidents leur mission. Et pourtant, le pouvoir politique s'exerce sur et avec des Hommes. N'est-il pas judicieux de protéger dans ce cas la vie humaine ?

Les dernières résolutions de la CEDEAO contre le Mali en fermant les frontières ont fait souffrir plus d'une fois les populations maliennes, effriter les relations transnationales qui existent entre ces pays frères. Et si nous remonter dans le temps un peu plus loin en arrière, l'embargo sur les médicaments en Côte d'Ivoire en 2010 et 2011 a entrainé beaucoup de perte en vie humaine, comme si tous les moyens étaient bons à être mobilisés pour faire infléchir les " gouvernements rebelles " qui s'insurgent contre l'ordre préétabli.

En effet, toutes les vies se valent selon la déclaration des droits de l'Homme et des peuples. Les conditions de conflits qui entrainent la mise en œuvre de la procédure diplomatique doivent savoir qu'il ne saurait être question de missions de paix, si toute ou une partie de la population était décimée. Nous encourageons vivement les missions diplomatiques dans leurs stratégies et dans leurs réflexions à centrer leurs actions sur la paix en vérité, mais aussi sur la vie, car les deux (2) sont en vérité une seule et même chose.

Plus de trois mille (3.000) morts en Côte d'Ivoire en 2011 avant que l'ONU n'autorise une mission militaire pour mettre fins aux souffrances des populations. Plus d'une centaine de morts selon l'opposition ivoirienne au cours de l'élection d'octobre 2020 avant que la diplomatie internationale africaine ne commence vraiment à s'intéresser en profondeur au dossier ivoirien. Enfin de compte, elle l'a juste effleurée puisqu'elle n'est pas parvenue à réconcilier les parties en conflits.

Les différents échecs de la diplomatie classique en disent long sur l'incapacité de celle-ci à trouver des solutions crédibles.

Rien ne vaut la vie, et si la démarche des sciences politiques ne trouve pas le moyen de la protéger, il est fort à craindre que notre monde connaisse de plus en plus de conflits, étant entendu que l'intelligence humaine continue de toujours développer des armes de destruction massive, plus intelligentes et plus efficaces.

Nous avons le devoir de nous investir pour trouver des solutions plus courageuses et innovantes qui auront le mérite d'avoir essayé en brisant les habitudes et coutumes de cette bureaucratie légendaire de la diplomatie traditionnelle.

A présent, quel est le mode opératoire que nous proposons pour rendre efficiente la " Cosmo-diplomatie " ?

L'OPERATIONNALISATION DE LA " COSMO-DIPLOMATIE "

Après avoir défini la " Cosmo-diplomatie " et présenté les fondements sur lesquels elle doit reposer, il est important de décrire son mode opératoire. C'est ce que nous avons nommé l'opérationnalisation et nous tenterons de la mettre en œuvre dans le cadre du règlement de la crise ivoiro-malienne.

En effet, tout concept qui fixe un cadre théorique doit envisager une approche pratique et opérationnelle pour une efficacité certaine. C'est pourquoi, nous estimons que la " Cosmo-diplomatie " ne peut se réaliser que dans le cadre de régimes démocratiques où les institutions républicaines fonctionnent correctement avec une parfaite séparation des pouvoirs, sans qu'aucune personne ne puisse ôter à l'autre le droit de s'exprimer, sans que l'abus de pouvoir soit le propre des autorités gouvernementales afin que toutes les composantes de la société puissent vivre en bonne intelligence avec les autres.

Mais avant cette finalité que nous poursuivons, il y a lieu de construire l'édifice. Et pour ce faire, il faudra rassembler tout ce qui est épars à tout point de vue. L'union faisant la force, on serait tenté de se demander que peut être une diplomatie si elle est isolée du champ de l'adhésion commune ?

Pour revenir à nos propos introductifs, le Mali et la Côte d'Ivoire traversent une crise diplomatique issue de l'arrestation de soldats ivoiriens à l'aéroport de Bamako. Pendant que le Mali accuse ces soldats d'être des mercenaires, les autorités ivoiriennes les victimisent en les considérant comme des otages du régime militaire de Bamako.

Au-delà des différentes positions que nous allons décrypter à travers les articulations de la " Cosmo-diplomatie ", il faut admettre que les Nations unies ont failli par leur silence et le manque de transparence dans leurs prises de positions. Et la dernière sortie de son Secrétaire général face aux journalistes de " France 24 et RFI " à l'occasion de la 77ème session des Nations unies à New York n'a fait qu'enfoncer le clou et révéler la partialité de cette Institution.

Car, après avoir désavoué les soldats ivoiriens, après avoir gardé le silence pendant des mois, il est tout de même surprenant de faire volte-face et prendre une telle posture sans une seule preuve pour consolider son point de vue.

Osons donc proposer les axes suivants dans la résolution stable de cette crise :

La méthode du dialogue direct

Cette méthode du dialogue direct a fait ses preuves en Côte d'Ivoire entre 2002 et 2010. Elle pourrait donc être encore convoquée, puisqu'à l'évidence la confiance est rompue entre le Mali et la Côte d'Ivoire son principal adversaire dans cette crise.

Nous suggérons dans ce cas au Président Alassane OUATTARA de la Côte d'Ivoire de prendre l'initiative de ce dialogue direct. En plus de nos us et coutumes africains qui lui en donnent le droit et permettent de trouver des solutions adaptées à nos réalités, la position de leader de la Côte d'Ivoire dans l'espace UEMOA justifie amplement que son Président soit à l'initiative de toutes démarches visant à l'harmonie dans cette communauté de destin.

L'établissement de la vérité et la pratique de la transparence

Naturellement, lorsque le dialogue direct sera entamé, la vérité des faits sera abordée et en toute transparence, les deux gouvernements pourront trouver des axes de solutions adaptées et originaux.

La perspective du renforcement de notre communauté de destin : la construction de la CEDEAO des peuples plutôt que des Chefs d'États.

L'un des défis aujourd'hui dans la construction d'une Afrique forte, unie et qui prend sa place dans le concert des Nations, réside dans sa capacité à réussir ses regroupements sous-régionaux et renforcer les différentes intégrations économiques, sociales, sécuritaires et politiques.

Dans ce cas, la CEDEAO doit réécrire son histoire, repenser ses textes et son mode de fonctionnement et surtout regagner la confiance des peuples pour lesquels, elle est sensée exister.

En tant que leader sous-régional, la Côte d'Ivoire peut peser de son poids pour faire prendre à la CEDEAO une direction nouvelle et différente de celle qui est en vigueur présentement.

Ainsi, il faut poser les fondements de l'émancipation de l'Etre dans sa globalité. Ceci passe nécessairement par l'éducation et la formation des classes dirigeantes aux savoirs transcendants, de la connaissance de soi et du respect de la dignité humaine.

La " Cosmo-diplomatie " n'est pas la diplomatie telle que pratiquée aujourd'hui. La " Cosmo-diplomatie ", c'est la diplomatie de l'Amour, de la Justice, de la Paix, en somme de la " MAAT ". Celle qui permet de construire une société humaine, plus équilibrée où l'affirmation des intérêts des uns ne représentent pas l'enfer des autres. Car, si aujourd'hui la course effrénée à l'accumulation et la réalisation de certains pays n'a pas de limites et les poussent à " violer l'Humanité ", il est à croire que le rapport de force pouvant toujours changer à n'importe quel moment, nous demeurerions toujours dans une éternelle spirale de " vendetta " qui entrainera notre perte à tous.

Il s'agit de transcender la perversité de cette diplomatie qui hélas sèment souffrances, désolations et morts partout sur terre. Il suffit de regarder dans le rétroviseur de l'histoire pour constater avec amertume les résultats de certaines missions diplomatiques. Les cas sont tellement légion qu'il n'est pas opportun de les rappeler ici, nous en avons déjà parlé.

En guise de conclusion, la lutte contre la corruption doit être extrêmement combattue dans l'univers diplomatique. Elle entraine et facilite la circulation d'énormes sommes d'argent pour acheter les consciences et maintenir l'Homme dans une certaine simplicité alimentaire rampante dont les finalités avilissent son âme et son esprit. Ce qui n'est pas fait pour aider notre continent qui cherche à s'affirmer dans cette ère de mondialisation sans limite.

Il faut aller en guerre contre la corruption pour pouvoir structurer l'Homme de demain en qui l'espoir réside pour illuminer notre monde et faire de cette terre un asile paradisiaque, une terre du bonheur partagé.

Pour rester dans l'actualité du moment au niveau de la diplomatie internationale, l'on assiste à un semblant de retour à la guerre froide de la Russie soutenue par les pays du BRICS, l'Iran et une bonne partie de l'Afrique d'une part, et les USA avec leurs partenaires l'OTAN, l'UE, le Canada et quelques pays africains d'autre part. Cette rivalité extériorisée des puissants autour de l'Ukraine démontre combien les intérêts des uns et des autres sont au cœur des actions diplomatiques.

C'est un des théâtres d'opération de plus qui mérite toute l'attention de la " Cosmo-diplomatie ", car elle doit nous permettre de recentrer les choses et positionner l'intérêt des peuples comme préalable à toute relation sur la scène internationale.

Avant de baisser définitivement le rideau sur cette communication, qu'il nous soit permis de conclure en rapprochant la solution de la " Cosmo-diplomatie " de la portée de l'" Ethique " dans le champ politique et par extension à la diplomatie. Il est souvent difficile et rare de concevoir la pratique de la politique empreinte de valeurs éthiques. Mais les résultats de l'avoir ignoré depuis trop longtemps n'ont pu produire de paix durable nulle part.

C'est pourquoi, l'Éthique trouvera à être mise en œuvre dans le cadre de l'opérationnalisation de la " Cosmo-diplomatie " et si l'exercice de la convoquer parait si difficile, c'est peut-on le dire, justement parce que toute voie de recherche de la vérité, du bien et du beau, relève toujours de travaux titanesques comme ceux confiés dans la mythologie grecque à Héraclès, fils de l'Homme et en même temps fils de Dieu.

La noblesse qui se dégagera d'une telle approche sera mesurée à la qualité de la vie qui sera en partage entre les Hommes et les peuples.

C'est pourquoi comme me l'a enseigné un de mes Maîtres, " il faut savoir pour oser, il faut oser pour vouloir, il faut vouloir pour avoir l'emprise et enfin pour régner, il faut se taire ! ".

Osons déployer les ailes de la " Cosmo-diplomatie " dans le cadre de cette crise ivoiro-malienne et laissons la dynamique de l'évolution et du bien faire son œuvre. L'histoire saura nous juger et plaise à la vérité de porter nos intentions dans les profondeurs de la pensée pour sauver l'Homme de sa propre turpitude.

Dr. Camille KOUAME

Analyste politique

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