Madagascar: Recherche et exploitation pétrolière - Encore un énorme chantier

Selon les données disponibles, seuls 40% des bassins sédimentaires de Madagascar sont explorés. Les potentiels restent donc encore largement sous-explorés. Le chemin est encore long pour que la Grande ile puisse aspirer à devenir une destination phare des investissements pétroliers.

Selon les économistes qui se sont penchés sur le secteur du pétrole amont de la Grande ile, la conjoncture internationale n'a pas toujours été en faveur de Madagascar. Les investisseurs n'ont commencé réellement à s'intéresser au potentiel pétrolier malgache que vers la moitié des années 2000. On recensera par la suite seize compagnies opérant dans le pays. Bien qu'insuffisant, ce chiffre était jugé satisfaisant pour une phase de démarrage. Mais la crise financière mondiale de 2007-2008 va provoquer des hésitations chez ces compagnies.

Aujourd'hui, les sanctions lourdes contre le gaz et le pétrole russes pourraient pousser les compagnies occidentales à s'intéresser davantage aux richesses pétrolières malgaches. Mais l'appel de Glasgow, lors de la COP26, à abandonner le financement des énergies fossiles en Afrique, risque de glacer cette perspective. Raison pour laquelle Omar Farouk Ibrahim, secrétaire général de l'Organisation des pays producteurs de pétrole africains (Appo), a soutenu vivement cette semaine que le continent n'est responsable que de 3,8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et doit pouvoir exploiter pleinement son potentiel en hydrocarbures. " Pour que les compagnies viennent, il faut que les responsables publics démontrent que le pays réunit certaines conditions dont la stabilité ", note cependant un analyste spécialiste des hydrocarbures, avant de soutenir que les campagnes de promotion pétrolière doivent se multiplier. " Elles doivent se tenir périodiquement car c'est l'unique moyen permettant de faire connaître les potentialités, les clauses et les conditions d'investissement dans un pays, tout comme les termes contractuels, les termes légaux et réglementaires en vigueur ", souligne-t-il.

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Dans le domaine de la recherche pétrolière, tout démarre par un appel d'offres axé sur les bassins sédimentaires ou blocs pétroliers disponibles. L'État fournit les informations et expose les conditions requises. Puis, l'on entre dans la phase de " préannonce " suivie du " data-room " au cours duquel les compagnies peuvent consulter les données disponibles. Le pays n'étant pas en mesure d'accéder à toutes les demandes des investisseurs potentiels, un minimum de critères techniques et financiers est exigé. Les compagnies doivent ainsi présenter certaines références techniques. L'exploration requérant un important investissement, les opérateurs doivent posséder une couverture financière assez conséquente. À la suite de la consultation des données, ils peuvent soumettre leurs offres, choisir leurs blocs et présenter une offre technique et financière. L'État malgache évalue les propositions, choisit les offres intéressantes et entame les négociations.

Toutefois, dans le domaine pétrolier, il y a toujours une part de risque importante. C'est un investissement à risque que les compagnies doivent assumer. L'État malgache n'est pas contraint d'engager des charges si l'exploration n'aboutit pas. La compagnie assure et prend en charge les frais y afférants. Même si les recherches sont infructueuses, Madagascar ne sort pas perdant puisqu'il va disposer de nouvelles données. À l'Office des mines nationales et des industries stratégiques (Omnis) d'en tenir compte dans la réorientation des recherches ultérieures. Il se peut qu'à proximité, l'on découvre d'autres gisements. Dans le cas où l'on trouverait du pétrole, le contrat stipule clairement le partage de la production.

Selon l'Omnis, la période d'exploration s'étend sur huit années avec une possibilité d'octroi de deux années supplémentaires. La durée de l'exploitation s'étale sur vingt-cinq ans avec cinq années d'extension éventuelle, trente à trente-cinq ans pour le gaz. L'État perçoit des redevances évaluées entre 8 et 20% selon la tranche de production. Il faut savoir que dans le domaine pétrolier, les productions augmentent progressivement, les redevances ont donc été fixées à un taux échelonné. Par ailleurs, les compagnies sont tenues de verser à l'État les impôts directs sur les hydrocarbures, établis par la loi des finances, fixés à 24% de la production et le " profit oil ". Aussi, pour une production de cent barils par jour, et après déduction des 8% de redevance, l'État gagne donc huit barils. Mais dans certains cas, sur cent barils, l'État pourrait percevoir jusqu'à quarante-deux barils, durant les premières années de la production. Outre ces différents bénéfices, l'exploitation pétrolière génère également des emplois directs ou indirects.

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L'Omnis au devant de la scène

Les premiers travaux de recherche pétrolière à Madagascar remontent à l'époque coloniale. L'Office des mines nationales et des industries stratégiques (Omnis) a été créé en 1976 pour valoriser et promouvoir les ressources pétrolières et minières par le développement de l'exploitation minière, en partenariat avec les compagnies étrangères. Depuis sa création, cet organisme qui s'autofinance dans son fonctionnement, jouit d'une certaine marge de manœuvre grâce à la contribution des compagnies d'exploration opérant à Madagascar par le biais de frais administratifs et par les frais de formation.

Avec le contexte et la situation politique qui ont prévalu à Madagascar, l'Omnis a été sujet à d'autres mutations comme son évolution pour devenir un établissement public à caractère administratif, en 1997. En 2009, l'Omnis a organisé la Journée du pétrole en amont, qui a permis aux opérateurs et au grand public de situer l'état des prospections pétrolières à Madagascar. Si cette pratique est déjà courante dans le monde entier, ce fut une première fois dans la Grande île. L'année passée, lors de la célébration du 45e anniversaire de l'organisme, l'opération a été renouvelée à travers des journées portes ouvertes.

Sur le plan géologique, la Grande île s'est séparée de l'Inde et de l'Afrique il y a plusieurs millions d'années. De ce fait, elle partage avec ces pays les mêmes provinces pétrolières. Les expériences acquises aussi bien en Afrique qu'en Inde peuvent être appliquées à Madagascar. Récemment, l'on a fait des découvertes au Mozambique. Selon les spécialistes, la Grande île doit en profiter pour acquérir des informations supplémentaires, par exemple sur les genres de réservoir trouvés au Mozambique, leur profondeur maximale... Ces expériences doivent être capitalisées dans la réorientation des recherches. A remarquer également qu'en Afrique, les forums permettant aux compagnies pétrolières d'échanger les expériences et aux pays d'attirer les investisseurs se multiplient. La Semaine africaine de l'énergie se déroule actuellement en Afrique du Sud. L'évènement est mis à profit par de nombreux pays africains pour attirer de nouveaux investisseurs.

" Nous devons toujours savoir tirer profit de ces échanges pour ne pas être à la traîne. Madagascar n'est pas le seul pays à vouloir faire des promotions pétrolières. Il n'y a pas mal de nations en compétition. Ainsi, notre politique doit être toujours agressive. Elle s'avère indispensable étant donné le nombre de pays en avance sur nous et qui font bonne figure aux yeux des investisseurs. Nous devons être très actifs et nous devons aussi être compétitifs vis-à-vis des termes et des dispositions qu'on présente ", explique un ancien haut cadre de l'Omnis.

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Des blocs pétroliers à proposer

L'État malgache, à travers l'Office des mines nationales et des industries stratégiques, a annoncé, en novembre 2018, le lancement d'un appel à investisseurs pour des licences pétrolières à Madagascar. Quarante-quatre blocs pétroliers offshores sur le bassin sédimentaire de Morondava étaient prévus pour être proposés aux investisseurs via une campagne programmée dans le cadre de l'Africa Oil Week à Capetown en Afrique du Sud. Des roadshows ont été ensuite programmés.

" Dans le but d'intensifier les activités d'exploration offshore, l'Omnis va approcher les opérateurs intéressés à investir au cours d'une phase d'octroi des licences débutant en novembre 2018 ", a-t-on aussi fait savoir lors d'une rencontre à Houston, aux États-Unis. Pour cette opération, l'Omnis avait indiqué qu'il bénéficiait de l'expertise de TGS, une société norvégienne spécialisée dans les services de géoscience pétrolière, et de BGP, une filiale de China National Petroleum Corporation.

Mais Madagascar avait aussi accueilli, deux fois en 2013, des missions d'investisseurs japonais à la recherche de partenariats dans le secteur pétrolier avec un grand intérêt pour " des blocs qui ne sont pas encore pris ". Ces investisseurs, dont Mitsibushi et Japan Oil and Gaz national Corporation, seraient attirés par deux cent vingt-cinq blocs libres en offshore, contre deux en onshore où seize compagnies opèrent déjà. " Ils voulaient des données sur les potentialités pétrolières et sur les réalisations alors que les informations que détiennent les compagnies sont confidentielles pour une période de sept ans ", avait alors indiqué le directeur général des Hydrocarbures de l'époque.

Plus récemment, en septembre 2021, l'Omnis a participé en ligne à l'Africa E&P Summit and Exhibition. Madagascar était également nominée au " Big Five Board Awards " dans le cadre de cet évènement tenu à Londres, au Royaume Uni. Sur le site internet de l'Omnis, il est indiqué que " dans le but d'attirer des investisseurs pour nous accompagner dans le développement des activités pétrolières à Madagascar, des campagnes promotionnelles sont menées par la participation à des manifestations internationales organisées pour l'industrie pétrolière durant lesquelles nous exposons, entre autres, les potentialités des blocs à promouvoir à nos éventuels partenaires ". Bref, des initiatives sont menées pour valoriser le potentiel pétrolier malgache. Mais force est de reconnaitre qu'il s'agit d'un énorme chantier qui s'inscrit dans la durée.

VERBATIM

Omar Farouk Ibrahim, Secrétaire général de l'Organisation des pays producteurs de pétrole africains (Appo)

" La campagne de promotion des ressources pétrolières sera lancée. Nous sommes condamnés à avancer dans ce sens, car il est impossible de maîtriser le cours international du baril de pétrole, qui cause de graves impacts sur notre monnaie nationale. Comme nous ne pouvons pas maîtriser le cours international, il faut agir en interne. Il faut faire cette campagne de promotion. Il est temps de parler de Bemolanga, Tsimiroro, Mahaboboka, etc., pour réduire notre dépendance envers l'extérieur. "

Stéphanie Delmotte, présidente du Conseil d'administration de l'Office des mines nationales et des industries stratégiques (Omnis)

" Madagascar dispose d'un énorme potentiel en termes de ressources. Selon toutes les données dont dispose l'OMNIS, nous sommes convaincus que Madagascar deviendra l'un des plus grands pays producteurs de pétrole dans les quarante-cinq prochaines années. Pour rendre cela possible, nous avons l'intention de dynamiser le secteur pétrolier en amont et de favoriser les partenariats avec les IOC en promouvant tous les blocs pétroliers gratuits que nous avons. "

Plateau continental

Délimitation en partenariat avec la Chine

L'Office des mines nationales et des industries stratégiques et le Second institute of oceanography (SIO) ont signé, le 16 avril 2021, un Protocole d'entente sur la coopération pour délimiter le plateau continental de Madagascar, ainsi qu'un accord de mise en œuvre y afférent. Cette signature fait suite à la décision prise en Conseil des ministres du 3 mars 2021, portant sur la coopération scientifique entre les deux entités. La cérémonie s'est tenue dans la salle des conventions du ministère des Affaires étrangères à Anosy. La délégation malgache a été menée par le ministre des Affaires étrangères et celui des Mines et des ressources stratégiques. La délégation chinoise a été conduite par le Dr Wang Hong, vice-ministre des Ressources naturelles et administrateur de State Oceanic Administration. Rasolonirina Nantenaina, directeur général par intérim de l'Omnis, et le Dr Fang Yinxia, directeur général adjoint du SIO, ont été les signataires de ces protocoles. " Des travaux de levés sismiques marins de la zone concernée seront menés par les techniciens sino-malgaches à la suite de cette signature. Viendra ensuite le traitement de ces données qui sera réalisé, toujours conjointement, par les scientifiques des deux pays ", indiquait-on à cette occasion. Notons par ailleurs, qu'au moins de juin, Tolojanahary Randriamiarantsoa a été élu nouveau membre de la Commission des Limites du plateau continental (CLPC) pour la région Afrique ce 15 juin à New York. Ce géophysicien de formation qui a, à son actif, plus de quinze années d'expériences dans la gestion de banques de données en exploration pétrolière, est devenu ainsi le deuxième Malgache et agent de l'Omnis à faire partie de cette commission. Selon les données disponibles, la Grande ile dispose d'environ 840 000 km² de bassin sédimentaire qui comptent soixante-treize forages sur les 160 000 km2 explorés.

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