Congo-Brazzaville: AKAA - L'artiste malien Abdoulaye Konaté invite à la découverte de la création africaine

Ses tapisseries, peintures, sculptures peuplent des collections et musées dans le monde entier. Né en 1953 à Diré, au Mali, Abdoulaye Konaté figure parmi les plus grands noms de l'art contemporain. AKAA, la plus grande foire française pour les artistes d'Afrique et de ses diasporas, accueille neuf œuvres monumentales du maître des toiles de bazin tissées avec leur gamme de couleurs infinie. Jusqu'au 23 octobre, au Carreau du temple au cœur de Paris. Entretien.

RFI: Vos œuvres majestueuses, exposées ici à AKAA par la Galerie 38 de Casablanca, représentent une sorte de traversée des cultures du Sahel et du patrimoine Touareg et Peul. À travers vos tableaux, créés à partir du bazin, ce tissu malien traditionnel, vous avez cherché à rendre hommage à l'art du tissage de cette région, mais aussi aux femmes qui jouent un très grand rôle dans la fabrication et la transmission de ce savoir-faire.

Abdoulaye Konaté: Sur cette œuvre, par exemple, vous avez un symbole dogon, en même temps, vous avez des cercles en rond qui sont des éléments brodés par les femmes marocaines. Et au centre de la pièce, vous avez le tissage d'un grand maître marocain, l'un des derniers grands maîtres des tissages textiles au Maroc. Avec le bazin qu'on trouve au Mali, j'essaie de fusionner tout cela pour rendre visible ce fil rouge qui passe entre le Maghreb et le Sahel.

Vos créations impressionnent par leur taille, par l'aspect physique du tissage qui nous fait presque ressentir les milliers de gestes effectués pour accomplir ce travail, mais aussi par la force d'une mosaïque de couleurs qui nous touche et nous invite à nous ouvrir. Quel est le rôle de la couleur dans votre démarche artistique?

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J'essaie d'étudier les couleurs. Je m'inspire beaucoup de la nature, des insectes, des animaux, du ciel... mais aussi de l'habillement de nos gens. J'observe ce que les gens portent, en Afrique, mais aussi en Europe ou en Asie. J'essaie de m'approprier tout cet environnement visuel, ce goût, et ce fait " nature " concernant les animaux, les insectes, les plantes. J'essaie de retravailler tout cela pour créer une nouvelle vision esthétique.

Dans la pièce décrite précédemment, le rouge domine. Dans une autre pièce cohabitent des couleurs très claires et très sombres. Quel est le point de départ de cette composition?

Cette composition est une étude des couleurs au niveau du gris. Cela va du noir jusqu'au blanc. À cela, j'intègre du rouge et du blanc. Ces trois couleurs, le blanc, le rouge et le noir, ont une certaine signification dans nos cultures anciennes. En faisant des sacrifices de ces couleurs-là - qu'il soit un objet, un textile ou sous forme d'animal -, les gens pensent que cela a une force et une énergie. Je me base sur ce concept de l'énergie des couleurs dans la tradition pour en faire une nouvelle composition de cette gamme de gris, de noir ou de blanc clair.

Quand on regarde ces innombrables bandes de textiles, ces pattes coupées et tissées de votre tableau, il y a une structure qui apparaît, sans savoir si elle pointe vers le bas, en direction du sol ou des racines, ou plutôt vers le haut, vers le ciel. Est-ce voulu?

Elles pointent dans les deux directions. Généralement, dans toutes ces compositions, il y a une valeur plus sombre en haut qui se dégrade vers le bas. Mais quand tu arrives en bas, tu es obligé de soulever la tête pour faire le circuit entre l'ensemble des couleurs.

Pour vous, tout a commencé au Mali, à l'Institut national des beaux-arts de Bamako. Ensuite, vous avez étudié à Cuba. Depuis que vous avez reçu le Grand Prix de la Biennale d'art africain contemporain de Dakar en 1996, vous exposez vos œuvres dans le monde entier, du Mali au Japon, en passent du Brésil aux États-Unis, du Royaume-Uni à la France. Vos installations et tableaux tissés ont été présentés aussi bien à l'exposition mythique Africa Remix que dans des institutions et musées très prestigieux comme le Smithsonian Museum à Washington DC, l'Institut du monde arabe ou le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, la documenta à Kassel ou la Biennale de Venise. Aujourd'hui, avez-vous le sentiment que la circulation de vos œuvres sur le continent africain est satisfaisante?

J'expose en Côte d'Ivoire, au Sénégal, dans les pays du Maghreb, en Afrique du Sud, en Ouganda, aux Seychelles... Mais la circulation des œuvres d'art en Afrique est très limitée. Même pour les artistes qui vivent en Afrique pour venir en Europe, c'est aussi limité. Il y a beaucoup de contraintes pour la circulation des œuvres. Des contraintes de transport, d'argent, mais il y a aussi énormément de contraintes administratives. En Afrique, on circule un tout petit peu, grâce aux Biennales et aux foires qui commencent à prendre de l'importance. Grâce aussi aux mécènes, mais, je dirais que tout cela, c'est un début...

Et vous essayez aussi d'aider les jeunes artistes.

Oui, il y a trois ans, nous avons créé le Fonds Africain pour la Culture (ACF) pour soutenir les jeunes en les aidant à financer leurs projets [le dernier appel de l'African Culture Fund a reçu plus de 1400 candidatures venues des cinq régions du continent africain, NDLR]. C'est l'effort de plusieurs artistes africains. Nous faisons des appels auprès de certains grands artistes [parmi la quarantaine de donateurs figurent le Sénégalais Soly Cissé, le Togolais Kossi Assou, la Béninoise Edwige Aplogan ou le Camerounais Barthélémy Toguo, NDLR] qui donnent des œuvres au fonds et que nous proposons une ou deux fois par an à la vente. Il y a un jury international qui sélectionne les artistes. On finance des projets de 2 000 dollars jusqu'à 10 000 dollars. Notre apport est complémentaire à un financement que l'artiste a déjà. Pendant l'épidémie de Covid, nous avons financé aussi des ateliers pour permettre aux artistes de tenir cette étape de difficulté où il n'y avait presque pas de ventes. Les artistes ne pouvaient même pas payer le fonctionnement de l'atelier ou la location de l'atelier...

►Les œuvres d'Abdoulaye Konaté, réunies sous le titre Les Plis de l'âme, sont exposées dans le cadre de la foire AKAA, du 21 au 23 octobre à Paris, Carreau du Temple.

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