Tchad: Crise sociopolitique - Silence, Deby fils massacre et déporte

Président du Conseil Militaire de transition, Général des Corps d’Armées, MAHAMAT IDRISS DEBY
23 Octobre 2022
analyse

Le 20 octobre dernier mérite d'être inscrit dans les pages noires de l'histoire du Tchad. En effet, ce jour-là, des dizaines de Tchadiens ont rencontré la mort alors qu'ils manifestaient pour contester la prolongation de deux ans, de la période de transition politique et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Deby, le fils de l'ancien président.

Sur le nombre de morts, les décomptes macabres divergent : Succès Masra, le principal opposant, parle de 70 morts. Le nouveau chef du gouvernement, Saleh Kebzabo, fait état d'une cinquantaine de morts. Parmi la cinquantaine de victimes recensées, les autorités déplorent " pas moins d'une quinzaine de membres des forces de l'ordre ". Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'attelage Deby/ Kebzabo est très mal parti. Pour l'Eglise catholique, " c'est la première fois, de mémoire de Tchadien, qu'on a autant de morts dans la répression d'une manifestation ".

Les deux camps qui se font face, se rejettent la responsabilité du drame. Pour les croquants et certains mouvements des droits de l'Homme, c'est l'œuvre de la soldatesque de Deby fils. Du côté du pouvoir, la responsabilité du drame incombe aux organisateurs de la manif. Succès Masra et Yaya Dilo sont particulièrement pointés du doigt. Saleh Kebzabo est allé jusqu'à accuser ces derniers de " tentative de coup d'Etat " et " d'insurrection populaire en vue de s'emparer du pouvoir par la force ".

On peut admettre que les responsabilités sont partagées, mais n'ayons pas peur des mots, le principal responsable, c'est le régime. Pour préciser davantage les choses, c'est Deby fils. C'est lui la racine du mal tchadien. En effet, il a, de manière méthodique, travaillé à réunir tous les ingrédients, pour brûler le Tchad. Et c'est contre son plan machiavélique de confiscation du pouvoir, que Succès Masra et ses camarades se sont insurgés ce jeudi.

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On peut en appeler à la communauté internationale pour qu'elle contraigne Deby fils à la retenue

Et personne ne peut leur dénier le droit, en leur qualité de citoyens, de dire non à la confiscation du pouvoir par la dynastie Deby et son clan. De ce point de vue, on ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer, face à la sortie de l'ambassadeur du Tchad à Paris, selon laquelle le pouvoir dans son pays ne se prend pas par " la rue " mais dans les urnes. Dans la même élucubration, il ne s'est pas gêné d'accuser Succès Masra " d'assoiffé de pouvoir ".

Tous les observateurs lucides et objectifs de la scène politique de ce pays, savent qui sont les assoiffés de pouvoir au Tchad. Ils savent également que le pouvoir n'est pas dans les urnes mais plutôt, pour reprendre la célèbre boutade de Mao, au " bout du fusil ". Dans le cas d'espèce, il est non seulement au bout du fusil, mais aussi il se transmet par les liens de sang. Et quelle que soit sa mauvaise foi, l'ambassadeur ne devrait pas nier cette triste réalité. Ne prenons donc pas les conséquences pour la cause.

Deby fils, encouragé par sa cohorte de Raspoutine, vient de faire ses premiers morts. Et comme il est dans une logique de confiscation du pouvoir, ces morts ne seront pas les derniers. Et il ne faudrait surtout pas compter sur ses collègues dictateurs de l'Afrique centrale, pour l'arrêter dans sa folie meurtrière. Il faut rappeler que le président de la commission de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), l'Angolais Gilberto da Piedade, a entamé une mission d'évaluation de la situation samedi dernier à Ndjamena.

Au terme de sa mission, il rédigera un rapport qui sera soumis à la 2e session extraordinaire des chefs d'Etat de la CEEAC, prévue demain 25 octobre en RDC. Deby fils n'a rien à craindre de cette session. En tout cas, tant que Sassou NGuesso et Teodoro Obiang NGuema seront en poste, il ne risque pas de se faire remonter les bretelles. Car, ils ont fait pire dans leurs pays respectifs. C'est pourquoi on peut en appeler à la communauté internationale, les Etats-Unis et la France en tête, pour qu'elle contraigne Deby fils à la retenue.

En effet, ce dernier, aujourd'hui, est sur une très mauvaise trajectoire. Non content d'avoir massacré ses compatriotes en grand nombre, il se livre à des déportations massives d'opposants vers des destinations inconnues. A ce rythme, il risque de faire pire que son géniteur et le sulfureux Hissène Habré. Pour le moment, il massacre et déporte à grande échelle.

Il pourra monter en puissance dans les mois et années à venir, dans son cheminement vers le pouvoir absolu, si on ne l'arrête pas ici et maintenant. Mais Deby fils doit se convaincre d'une chose. Les atteintes massives aux droits humains rattrapent presque toujours leurs auteurs. Et le cas de Hissène Habré, un de ses prédécesseurs, est là pour étayer ce constat.

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