Madagascar: Le monde paysan en pleine révolution

Discours dans lesquels les dirigeants peuvent encore tirer des leçons aujourd'hui, les Kabary du grand monarque Andrianampoini-merina, " unificateur de son peuple et sage législateur " (Hubert Deschamps), reflètent souvent le souci de développer la prospérité du pays en poussant ses sujets à étendre leurs terres de culture. " Travaillez le sol qui vous rassasiera, que chacun de vous ait un champ à sa disposition... Ne permettez pas que les herbes folles envahissent le sol de mon royaume, car je n'ai plus, à l'heure présente, d'autre ennemi à redouter que la disette... Si vous m'entendez dire que le riz et moi, nous ne sommes qu'un, c'est parce que je n'ai pas de meilleur ami que lui et j'ai fait du riz mon meilleur ami car, vous ayant groupés en un royaume, c'est sur lui que je compte pour vous faire vivre. "

Les anciens règlements des fokonolona, communautés villageoises de l'Imerina, sont sévères à l'égard des paresseux. Ils exigent que " tous les bras, toutes les terres soient utilisés " pour le travail commun. " En voici quelques exemples. " Tout paresseux qui, pour ne pas être inquiété, se dira malade et s'abstiendra de participer aux travaux communs, sera puni d'une amende de 4 piastres et astreint à un travail sans trêve d'une semaine pendant laquelle on lui laissera juste le temps de prendre ses repas. " Il est aussi question des individus présents à leur domicile, mais qui laissent pourtant leurs rizières en herbes : " Ils seront passibles d'une amende de 3 piastres. " S'ils sont absents pour une raison qui n'est ni l'accomplissement d'une corvée royale ni pour un motif plausible, " le fokonolona mettra, pour son propre bénéfice, les rizières abandonnées en culture ".

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La famine, il est vrai, n'est pas rare à l'époque et nulle mesure de contrainte ne parait sévère pour en prévenir le retour. C'est ainsi que, lorsque les Français s'établissent dans la Grande ile, des populations à tradition agricole constituent, dans une grande partie de l'ile, un paysannat véritable. Cependant, à l'Ouest, au Sud et dans la région forestière, on rencontre des populations, surtout pastorales ou vivant des tavy, dont l'outillage est des plus primitifs. Les cultures vivrières ne forment que de minuscules ilots dans l'immense étendue des terres en friche, par manque d'hommes. Sur de vastes espaces, c'est un vrai désert. Les produits riches d'exportation sont presque inconnus. " Les régions cultivées restent des oasis.

Mais des oasis qui, sous l'égide coloniale, se sont considérablement étendues et multipliées. " Ainsi, les pasteurs reculent devant les agriculteurs. Les Antankarana, les Sakalava perdent beaucoup de leur importance ancienne. Les Bara, les Antandroy se plient progressivement au travail agricole, les premiers en créant des rizières chez eux, les seconds en allant s'employer pour quelque temps, loin du tombeau des ancêtres. Les Antesaka qui, bien auparavant, ont envahi le pays bara, profitent pour émigrer dans le Nord et l'Ouest, par suite des facilités nouvelles offertes aux déplacements. " Travailleurs isolés dans certaines régions, ils créent ailleurs des villages à eux, qui grandissent et prolifèrent.

" Les Antanosy débordent sur l'Androy, les Tsimihety sur la plaine sakalava. Quant aux Merina et aux Betsileo, on les trouve presque partout. L'agriculture gagne alors l'ile peu à peu. La forêt de l'Est, elle-même, depuis " l'interdiction des tavy, voit sa population quitter les petits villages saisonniers des clairières. Ils se groupent dans les basses vallées où le riz de marais est possible. En outre, " les grandes solitudes de l'Ouest, d'une irrigation facile, cessent peu à peu d'être un Sahara malgache et révèlent la richesse de leur sol ".

Parallèlement, l'administration modernise les procédés de culture. Des modèles simples et robustes de charrues sont cédés à moitié prix aux agriculteurs, et le labour d'un hectare qui a demandé quarante-cinq jours avec l'angady, est réalisé en moins de six jours avec la charrue. De fait, les cultures peuvent conquérir de nouvelles étendues, " avec une audace que le grand Andrianampoi-nimerina lui-même n'aurait jamais rêvée ". Les cultures vivrières qui font l'objet de ventes à l'extérieur (manioc, pois du Cap) sont assurées par le paysan sur qui reposent, pour une large part, l'économie et la prospérité de la Grande ile. D'ailleurs, les colons eux-mêmes ne sauraient se passer de la main-d'œuvre locale.

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