Tchad: Les proches des manifestants décédés attendent toujours leurs dépouilles

Les manifestations sont autorisées au Tchad, mais les forces de sécurité peuvent toujours les réprimer violemment (photo d'archive).

Au Tchad, l'heure est au deuil après la répression sanglante des manifestations de jeudi 20 octobre. Officiellement, les événements ont fait une cinquantaine de morts, et plus de 300 blessés.

Quelque part dans le 7e arrondissement, au quartier Chagua, le quotidien bat son plein, les gens s'affairent, tout paraît normal. Mais derrière une barrière en tôle, une famille est affligée, pleurant son fils. L'ingénieur en bâtiment de 27 ans était sorti à 5h du matin le 20 octobre. Il n'est plus jamais revenu, raconte son oncle à notre envoyé spécial à Ndjamena, Yves-Laurent Goma : " Il est parti pour le travail, ce n'est pas un manifestant. Il a reçu une balle dans la poitrine. À l'hôpital, il était très difficile d'identifier le corps. Il a laissé deux femmes et trois enfants. "

Inconsolable, sa tante qui l'a élevé s'adresse directement au gouvernement : " Je suis une personne fatiguée, j'attendais tout de cet enfant et je me retrouve avec trois orphelins. Qu'est-ce que je vais devenir ? J'attends la réponse du gouvernement. " Dans le quartier, beaucoup de familles vivent le même drame.

Plus grave, des rumeurs annoncent que toutes les victimes du 20 octobre seront enterrées dans une fosse commune, mais Ali Haroun, maire de Ndjamena, dément : " Aucune victime ne sera enterrée dans une fosse commune.Nous ne pouvons pas enterrer des gens dans une fosse commune. C'est faux. " Chaque famille choisira le lieu de sépulture pour son parent, affirme-t-il.

De son côté, le procureur de la République a autorisé les familles à récupérer les dépouilles de leurs défunts et les inhumer dès ce lundi 24 octobre. Mais aucune dépouille n'a été sortie de la morgue, soit parce que les familles n'étaient pas bien informées, soit parce que l'information est tombée un peu tard, alors qu'un couvre-feu est en vigueur dans la capitale dès 18h.

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À Moundou, la deuxième ville du pays, où au moins 20 personnes ont été tuées, un père de famille a été empêché de récupérer la dépouille de son fils de 16 ans. Sous couvert d'anonymat, il a raconté à RFI comment il a perdu son fils et comment à la douleur s'ajoute la lourdeur de la procédure.

Témoignage d'un père à Moundou, confronté à des difficultés pour enterrer son fils

Christina Okello

Mahamat Idriss Déby Itno dénonce une " insurrection minutieusement planifiée "

Quatre jours après les manifestations, le président de la transition Mahamat Idriss Déby Itno s'est exprimé pour la première fois sur le sujet lundi soir, dans une allocution à la télévision nationale. Déplorant les morts et les blessés, il a assuré que la justice allait établir les responsabilités, mais il a d'ores et déjà dénoncé ce qu'il a désigné comme une " insurrection planifiée ".

Les auteurs ont attaqué des commissariats de police, des domiciles de personnalités politiques, des sièges de partis, ont intimidé des personnes jugées hostiles ou neutres à leur projet. Ce qui s'est passé témoigne de la volonté manifeste de déclencher une guerre civile.

Le président de la transition militaire pointe ensuite du doigt le président des Transformateurs Succès Masra mais aussi la coalition Wakit Tama. Tous auraient, juge-t-il, encouragé les manifestations par dépit, parce qu'ils n'avaient pas reçu ce qu'ils demandaient à l'issue d'un dialogue qu'ils avaient boycotté. Le tout coordonné avec les rebelles du FACT, selon Mahamat Idriss Déby, qui les désigne indirectement:

Les groupes politico-militaires non signataires des accords de Doha ont entretenu des relations directes avec les responsables de ces actes violents. Ils leur ont dit d'opposer une résistance de trois jours, à l'issue de laquelle ils interviendraient. Leur implication dans cet événement tragique ne suscite aucune ambiguïté.

Le président tchadien Mahamat Idriss Déby se prononce pour la première fois depuis les manifestations

Le président de la transition a ensuite annoncé un deuil de 7 jours dans tout le territoire tchadien.

Les manifestations de jeudi à l'appel de l'opposition entendaient contester la prolongation de deux ans de la transition à l'issue d'un dialogue national boycotté par une partie de l'opposition et des groupes rebelles. L'Organisation mondiale contre la torture parle d'un bilan d'au moins 80 morts, et a accusé ce lundi le pouvoir tchadien de " graves violations des droits de l'Homme ".

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