Ile Maurice: Affaire Kistnen - Sa veuve Simla appelle le DPP à rendre le rapport public

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Beaucoup de personnalités ont exprimé le voeu de voir le rapport complet de la magistrate Mungroo-Jugurnath publié. Dont Paul Bérenger, Rama Valayden mais aussi Alan Ganoo.

Le ministre du Transport, aussi avocat, a pris son collègue Attorney General à contrepied, vendredi, en émettant le souhait que le rapport de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath soit rendu public par le Directeur des poursuites publiques (DPP). Il explique que si sa position et celle du gouvernement ont changé par rapport à celle prise par Maneesh Gobin qui ne voulait pas de cette diffusion, c'est à la suite de la "confusion" créée par le leader de l'opposition, qui a brandi une partie du rapport au Parlement. Il se demande même : "Qui nous dit que la partie 'cachée' du rapport par Xavier Duval ne contient pas des commentaires favorables... " À qui ? Il ne l'a pas précisé, mais l'on peut supposer qu'il parle de Yogida Sawmynaden, entre autres.

Pour Simla Kistnen, que nous avons contactée, il devient maintenant urgent que tout le rapport soit rendu public, surtout après la déclaration d'Alan Ganoo qui a introduit un doute dans son esprit. "J'aimerais bien savoir s'il a raison ou non et s'il y a d'autres suspects ou pistes dans cette affaire, comme le suppose ce ministre, et qui seraient contenus dans la partie cachée du rapport."

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Trop de doutes

C'est pourquoi la veuve Kistnen prie instamment "et avec respect, le DPP de rendre le rapport public car mon fils et moi ainsi que les autres parents n'en pouvons plus d'attendre et d'entendre différentes versions". Elle nous rappelle que son avocat Me Rama Valayden a déjà fait la requête au nom des autres avocats des Avengers et d'elle-même. "Maintenant, je le demande ouvertement."

Pour Me Rama Valayden, il est encore plus nécessaire de le publier car l'enquête judiciaire a déjà mis en lumière des pratiques criminelles au-delà d'un assassinat, comme le cover-up de la police, "et, encore plus important, d'actes de fraudes et de corruption concernant l'achat de produits sanitaires contre le Covid. La population doit savoir si le gouvernement pensait à sa santé et à sa sécurité ou s'il pensait aux contrats qui allaient être accordés aux copains et copines".

Trop d'intérêts publics en jeu

Me Valayden est d'avis que d'autres éléments ont émergé, comme ceux entourant le vote abusif d'étrangers lors des dernières élections générales et l'utilisation illégale et exagérée de l'argent. Il nous rappelle qu'après l'incendie, en 1978, des locaux du journal Le Mauricien, le magistrat Sadek Namdarkhan avait rendu publique une partie, selon Navin Ramgoolam, du rapport de l'enquête judiciaire qu'il avait menée car une accusation grave avait été faite contre sir Seewoosagur Ramgoolam et le SSS, les services secrets de l'époque. "Avec l'affaire Kistnen, c'est toute la police et au moins un ministre qui sont pointés du doigt, et je ne parle pas du Premier ministre lui-même qui est concerné, que ce soit comme candidat aux côtés de Yogida Sawmynaden ou comme président du High Level Committee qui approuvait tous ces achats. Plus d'intérêt public que ça, tu meurs !"

Pour rappel, le DPP avait, lui-même, dans son communiqué du 17 octobre, souligné qu'il avait rendu public le rapport de l'enquête judiciaire sur les inondations ayant causé la mort de dix personnes, le 30 mars 2013.

On se souvient également de l'enquête judiciaire du magistrat Patrick Kam Sing sur la mort de Kaya (l'autre, le chanteur de seggae Joseph Réginald Topize) et dont le rapport n'avait pas été rendu public, même si sa mort avait provoqué les pires émeutes que le pays ait connues. Pourquoi ? Selon Me Rama Valayden, qui n'était pas l'avocat de la famille Topize à l'époque, "c'est peut-être parce que les proches n'avaient pas insisté. D'ailleurs, l'enquête judiciaire n'avait pas conclu à un homicide".

Me Kishore Pertab, qui était l'avocat des policiers dans l'affaire Kaya en 1999, ne comprend pas pourquoi dans la présente affaire Kistnen, le Premier ministre ne rejoigne pas officiellement Alan Ganoo et demande la publication in toto du rapport par le DPP. Pour cet avocat, le DPP devrait le faire et "pas en partie, car cela jetterait d'autres doutes parmi la population, déjà un peu perdue après la divulgation partielle du rapport non authentifié. Et puis, quelles parties choisir à publier ?" Cela dit, Me Kishore Pertab dit comprendre les hésitations du DPP. "Comment rendre public le rapport sans courir le risque qu'au moins une des personnes pointées du doigt s'enfuie, par exemple ? À moins que le DPP ordonne à la police d'inculper provisoirement certains suspects et d'imposer une objection to departure." Il tient à souligner qu'il est personnellement contre l'imposition de charges provisoires en l'absence de la tant attendue Police and Criminal Evidence Act. "Cependant, vu que la police use et abuse déjà de cette procédure, je ne vois pas pourquoi ne pas le faire contre ces personnes mises à l'index dans le rapport."

Crise institutionnelle

Et si la police refuse de le faire ? avons-nous demandé. "Ce sera une grave crise institutionnelle !" Nous ne sommes pas en mesure de dire avec certitude si le DPP pourrait inculper une personne sans passer par la police. Un autre avocat nous dit qu'en théorie c'est possible, mais que le commissaire de police pourra toujours objecter. "Et là, le DPP devrait s'y soumettre." Mais au moins le public en prendra note.

Me Kishore Pertab nous rappelle aussi que contrairement à une enquête policière, une enquête judiciaire est publique et toutes les indications et pistes sont déjà connues avant la soumission du rapport par le/la magistrat(e). "Bien sûr, il faut attendre les conclusions pour décider de la marche à suivre." Il reconnaît toutefois qu'à la suite des indications de l'enquête judiciaire, un suspect pourrait prendre la poudre d'escampette. Sauf si celui-ci est confiant qu'il ne sera pas inquiété !

Avec ces deux enquêtes judiciaires dont le rapport a été rendu public, la portée beaucoup plus vaste de l'enquête judiciaire de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, les doutes introduits par les déclarations d'Alan Ganoo et de Maneesh Gobin, la publication par Télé Plus d'une partie du rapport, la Private Notice Question de Xavier-Luc Duval à ce propos, les autres déclarations et la demande de Simla Kistnen, que fera le DPP ?

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