Soudan: Un an après le coup d'État au pays, les manifestants toujours déterminés

Des manifestants dans les rues de la capitale du Soudan, Khartoum, en avril 2019.

Des milliers de personnes ont manifesté ce mardi 25 octobre contre le coup d'État du général al-Burhan, survenu il y a un an jour pour jour et qui a fait dérailler la transition démocratique amorcée à la chute d'Omar al-Bachir en 2019. Face à la répression violente et l'incertitude dans laquelle le Soudan nage, un certain fatalisme se fait sentir dans les rangs des manifestants.

Depuis un an, dans les manifestations au Soudan, les mêmes slogans résonnent dans les rues de la capitale, avec la même rage contre le pouvoir militaire. Pour Reef, une étudiante en chimie, le coup d'État survenu il y a un an est un échec. " Abdel Fattah al-Burhan disait qu'il voulait "rectifier le cours de la révolution". Mais un an plus tard, il n'a rien rectifié, rien changé, c'est pire, dénonce-t-elle. Moi, je suis favorable à un accord qui soit dans l'intérêt de notre pays. Je ne suis pas contre négocier avec les militaires si c'est pour la stabilité. Mais regardez dans le Nil bleu: la région est à feu et à sang. Si l'armée veut agir dans l'intérêt de son pays, qu'ils y aillent, qu'ils arrêtent les massacres. Mais ils préfèrent s'en prendre aux manifestants qui s'opposent à eux en leur tirant dessus à balles réelles et avec des lacrymogènes. "

Au milieu des cortèges, de nombreuses pancartes rendent hommages aux victimes des affrontements au Sud du pays. Pour Imad, une écrivaine, la multiplication des conflits armés est un aveu d'échec pour la junte au pouvoir :

" Les militaires se sont mis tous seuls dans une impasse. Ils ont mis de l'huile sur le feu dans des conflits communautaires ou tribaux aux quatre coins du pays. Si on regarde ce qui se passe dans l'État du Nil Bleu, dans le Kordofan, au Darfour ou dans l'Est du pays, il n'y a pas une seule région du Soudan qui est épargnée. Des massacres sont en train d'être commis chaque jour. Comment la junte peut-elle encore prétendre être garante de la stabilité ? "

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" Les militaires raffermissent leur emprise "

Se protégeant des gaz lacrymogènes, Ayman, se dit solidaire avec les habitants des régions en conflit. Il estime qu'à Khartoum ou ailleurs, la junte est responsable des massacres :

" À chaque mort, ils s'en lavent les mains, ils disent que ce n'est pas eux. C'est comme ici dans les manifestations, si quelqu'un reçoit une balle dans la tête, ils nient toute responsabilité. Mais venez voir au-devant du cortège, vous verrez que les blindés, les pick-up qui répriment la foule sont bien des véhicules de l'armée. Ce que je veux vous dire, c'est que nos forces armées soudanaises ne sont pas unifiées, ce sont des milices qui appartiennent à des individus, aux ordres d'al-Burhan, de Hemetti ou des autres putschistes. Nous sommes aussi dans la rue pour exiger une réforme de l'institution militaire dans un État de droit. "

Pour l'anniversaire du coup d'État, les manifestants ont voulu marquer le coup. Ils étaient plus nombreux que d'habitude ce mardi. Mais les forces de l'ordre ont à nouveau réprimé violemment les cortèges, malgré les appels à la retenue de plusieurs chancelleries occidentales. Elles ont saturé l'air de gaz lacrymogène et les cortèges ont dû reculer.

Chaque semaine, le même scénario se répète, déplore Walid, ingénieur. " Les militaires sont en train de gagner du temps. Ils disent qu'ils sont prêts à remettre le pouvoir aux civils [le général al-Burhan a affirmé que l'armée était prête à rendre le pouvoir à un gouvernement civil, et des négociations sont en cours avec quelques partis politiques, NDLR]. Mais dans le même temps, ils raffermissent leur emprise. Je ne vois pas comment nous pouvons sortir rapidement de l'impasse. Il faudrait que beaucoup plus de gens descendent dans les rues. Bien sûr, chaque semaine, nous sortons, mais nous sommes un nombre constant. Je ne vois pas où ça mène et nous perdons du temps. "

Les manifestants ont dû se replier dans les rues des quartiers. Internet est toujours coupé, mais une nouvelle s'est vite répandue : un manifestant a été tué à Oumdurman, renversé par un véhicule de la police. Depuis un an, le bilan s'élève à 118 morts.

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