Les autorités de Malabo ont entrepris une chasse aux étrangers et parlent d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière sur le territoire équato guinéen
Par dizaines, des citoyens camerounais ont regagné leur pays, contre leur gré. Depuis la semaine dernière, la première vague de ces "expulsés" est arrivée dans la ville de Limbé, dans la région anglophone du Sud-Ouest, sur laquelle viennent s'échouer les eaux de l'océan atlantique. Ils sont arrivés, en provenance de Malabo, la capitale équato-guinéenne, sur des embarcations de fortune -des pirogues- au terme de voyages nocturnes souvent éprouvants. Quatre heures de trajet en moyenne. Un supplice supplémentaire après avoir connu la faim cinq jours durant.
Les témoignages font état d'un séjour dans les commissariats et autres lieux de détention à Malabo où il n'était pas possible de se nourrir. Souvenirs aussi, selon les "expulsés", de ces centres où certains ont subi des tortures : bastonnades sur la plante des pieds exhibée par quelques infortunés à des reporters locaux accourus sur le lieu de rassemblement à Limbé. Sans compter que ces Camerounais sont arrivés sans bagages, leurs biens passés par pertes et profits. Dans certains cas, cela représente deux ou trois années de labeur, d'accumulation et d'économies, aujourd'hui partis en fumée. Un cauchemar pour ces centaines de personnes, parties "se débrouiller", "se chercher", "se battre" au pays du président Obiang Nguéma. Baptisé nouvel "eldorado" d'Afrique centrale, la Guinée équatoriale représente, à leurs yeux, le décollage économique envié par beaucoup dans la région. Elle attire les étrangers en quête des retombées de la manne pétrolière.
Dans un communiqué signé le 17 octobre dernier, Désiré Jean Claude Owono Mengue, ambassadeur du Cameroun en Guinée-équatoriale, " invitait tous ses compatriotes qui souhaitent rester sur le territoire équato-guinéen à venir déposer à l'ambassade des photocopies de leurs passeports, et/ou de leurs anciennes cartes de résident au plus tard le 19 octobre 2022 ".
A l'ambassade de Guinée équatoriale à Yaoundé, les officiels sollicités vendredi pour fournir des éclaircissements étaient sans voix.
Il est vrai que ce n'est pas la première fois que des Camerounais sont considérés comme indésirables en Guinée équatoriale. Il est arrivé qu'un banal accident de la circulation mette le feu aux poudres. Il y a trois ans, un commerçant camerounais à moto, dans la localité frontalière de Kyo Si à la pointe méridionale du Cameroun, heurtait un Equato-guinéen. La levée de boucliers s'organisa immédiatement contre la communauté camerounaise et se solda par la mort du malheureux automobiliste. Cette localité frontalière est du reste le théâtre des tensions épisodiques entre les ressortissants des deux pays.