Afrique: «Forum sur le systèmes alimentaires» - Société civile et religieux dénoncent un changement «cosmétique»

26 Octobre 2022

Les agriculteurs, la société civile et les leaders religieux de l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique considèrent le double changement de nom de la révolution verte comme un aveu d'échec, une distraction cynique, et rejettent la nouvelle stratégie proposée par l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra).

Ils l'ont fait savoir dans un communiqué de presse dans lequel ils précisent que le double changement de marque voit le nom du Forum africain sur la révolution verte devenir « Forum sur les systèmes alimentaires en Afrique ».

Dans le même temps, dévoilent-ils, l'Alliance pour une révolution verte en Afrique insiste désormais pour n'être connue que par son acronyme AGRA, sans les mots « révolution verte » dans son nom.

Avant de préciser que les deux organes de la révolution verte tentent de se distancer du projet d'agriculture industrielle qui a échoué, tout en continuant à faire comme si de rien n'était.

C'est ainsi que la société civile et les chefs religieux ont rapidement dénoncé ce changement cosmétique. Selon Anne Maina de l'Association kényane pour la biodiversité et la biosécurité, « l'AGRA ne fait que mettre de nouvelles étiquettes sur les politiques ratées du passé ».

Avant de lancer : « Après 16 ans et un milliard de dollars, nous disons que le temps de l'AGRA est révolu ! Les donateurs devraient débrancher l'AGRA. »

 « Ils ne demandons pas un rebranding de l'AGRA, mais la fin du financement des programmes néfastes de révolution verte », a déclaré Gabriel Manyangadze de l'Institut de l'environnement des communautés religieuses d'Afrique australe. « Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'une restauration verte. »

Dans cette même dynamique, l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique rejette catégoriquement la nouvelle stratégie de l'AGRA, annoncée le mois dernier, qui promet la poursuite des mêmes approches défaillantes.

A en croire Million Belay, coordinateur de l'AFSA : « L'AGRA propage cette idée que les agriculteurs africains ne produisent pas assez de nourriture parce qu'ils n'utilisent pas assez d'engrais chimiques ».

D'après lui, « cela peut être vrai pour certains agriculteurs jusqu'à ce qu'ils passent à l'agroécologie, mais l'implication est que si nous pompons les sols et les plantes avec des produits agrochimiques, nous produirons plus de nourriture ».

Mais, a-t-il alerté, « nous savons ce que cela signifie en termes de pollution des sols, de dépendance des agriculteurs aux intrants externes, de compromission de la santé des agriculteurs et des consommateurs, de privation du droit à l'alimentation des agriculteurs et de vulnérabilité au changement climatique. »

550 millions de dollars de l'AGRA pour promouvoir semences commerciales et engrais pesticides

Une analyse de la nouvelle stratégie quinquennale de l'AGRA pour 2023-27, avec son budget de 550 millions de dollars, montre que l'organisation redouble d'efforts pour promouvoir les semences commerciales et les engrais et pesticides à base de combustibles fossiles.

AFSA qui a fait la révolution souligne que ce « butin de guerre » sert également à promulguer des réformes politiques qui menacent les systèmes de semences paysans et le droit à l'alimentation.

A en croire les militants de l'agroécologie, la stratégie ne prend aucun engagement en faveur de l'amélioration des rendements, des revenus ou de la sécurité alimentaire des ménages de petits exploitants agricoles.

Selon eux, les crises alimentaire et climatique obligent l'Afrique à se détourner des pratiques de la révolution verte qui sapent la capacité des petits agriculteurs à s'adapter à un environnement en mutation rapide.

Alors que l'Afrique accueille les négociations climatiques de la COP27 en novembre, nous constatons que l'AGRA a cruellement déçu les Africains qui subissent les effets de la crise climatique.

Pour eux, l'Afrique doit cesser de dépendre des importations de denrées alimentaires et des technologies liées aux combustibles fossiles et réduire sa vulnérabilité aux crises historiques et actuelles générées en dehors de ses frontières, notamment le changement climatique, les conflits, les pandémies et le néocolonialisme.

L'agriculteur kenyan Ferdinand Wafula a été catégorique dans son plaidoyer : « Nous exhortons les décideurs, les gouvernements et les donateurs à accorder davantage de fonds à l'agroécologie, qui offre des solutions claires aux problèmes de nutrition, à la crise climatique et à l'escalade des prix », lit-on dans le communiqué.

Les donateurs appelés à couper le robinet à l'AGRA

La même source de rappeler qu'il y a un an, 200 organisations ont signé une lettre de l'AFSA demandant aux donateurs de retirer leur soutien à l'AGRA.

Avant d'ajouter que certains donateurs de l'AGRA réduisent leurs contributions, laissant le projet de l'AGRA, qui est un canard boiteux, devenir de facto une filiale à part entière de son principal bailleur de fonds, la Fondation Bill & Melinda Gates, qui a rapidement promis 200 millions de dollars pour le plan quinquennal de l'AGRA.

Sur cette lancée, l'AFSA continue d'appeler les donateurs et les gouvernements africains à réorienter les financements vers des alternatives agroécologiques éprouvées plutôt que vers une stratégie de révolution verte.

Cette organisation assure que l'agroécologie est un système d'agriculture durable centré sur l'homme et un mouvement de justice sociale mené par des agriculteurs locaux et d'autres producteurs alimentaires pour conserver le pouvoir sur leurs systèmes alimentaires locaux, protéger leurs moyens de subsistance et leurs communautés, et défendre le droit de chaque Africain à une alimentation nutritive et diversifiée.

En réunissant des générations de connaissances indigènes, d'innovations scientifiques et d'initiatives d'agriculteurs, ainsi que les processus naturels d'un écosystème, poursuit-elle, les systèmes alimentaires agroécologiques peuvent s'adapter à la crise climatique et contribuer à la résoudre.

Pour eux, les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, les peuples autochtones et les communautés locales utilisent l'agroécologie pour gérer leurs terres de manière durable, produire des aliments nourrissants qui célèbrent le patrimoine culturel et renforcer les marchés et les économies locales.

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