Ile Maurice: Endettement des ménages - Attention, terrain glissant !

Au crépuscule de 2022, la stabilité financière des ménages se voit mise à rude épreuve. Si la réalité des pressions inflationnistes pèse déjà lourd sur le coût moyen du panier de la ménagère, la fin des moratoires sur les prêts des banques commerciales en juin dernier et l'impact de la tendance à la hausse des taux d'intérêt risquent d'avoir un effet sur la capacité de remboursement des prêts bancaires à moyen et long termes.

En effet, la dernière édition du Financial Stability Report de la Banque de Maurice (BoM) prévient que si la capacité de remboursement de la dette des ménages n'a pas constitué une menace majeure pour la stabilité financière au dernier trimestre de 2021, par la suite, les ménages les plus vulnérables financièrement pourraient être affectés avec la hausse des taux d'intérêt, le taux directeur passant à 3 %, et l'inflation élevée qui se chiffre à 11,9 % en glissement annuel contre 5,4 % en septembre 2021.

Avant de passer en revue les éléments du rapport, voyons le contexte. Selon la dernière mise à jour du Fonds monétaire international (FMI), l'inflation mondiale devrait passer de 4,7 % en 2021 à 8,8 % en 2022, mais retomber à 6,5 % en 2023. Toutefois, il nous faut aussi prendre en considération l'éventuel impact de la baisse de production du pétrole par les pays de l'OPEC à partir du mois prochain sur le prix du baril actuellement à USD 92, et donc sur les pressions inflationnistes. En ce qui concerne la dette, aux États-Unis, par exemple, pour la première fois, la dette des ménages a dépassé les USD 16 trillions au deuxième trimestre, en raison de l'inflation galopante qui a fait grimper le prix des logements et de l'automobile.

%

Dans ce contexte difficile, les défis restent de taille au niveau local, surtout pour les consommateurs. La dette des ménages, incluant le logement, est en hausse, passant de Rs 127,4 milliards en janvier à Rs 138,9 milliards en août 2022, selon la BoM. De plus, le rapport National Accounts de Statistics Mauritius indique que les dépenses de consommation des ménages devraient afficher une hausse de 3 % en 2022 par rapport à 2021, représentant 72,6 % du Produit intérieur brut (PIB), soit une valeur de Rs 400 milliards en 2022 contre Rs 350 milliards en 2021. Les dépenses de consommation étaient de l'ordre de Rs 375,7 milliards en 2019. Or, il faut mettre en exergue que ce montant des dépenses des ménages inclut l'effet de l'inflation, c'est-à-dire, les consommateurs payent plus, les prix étant élevés, mais la hausse est moindre en termes de volume de consommation.

"Les consommateurs ont tout intérêt à réfléchir à deux fois avant de s'endetter (...) car rembourser n'est plus une mince affaire, d'autant plus que les taux d'intérêt continueront probablement d'augmenter."

Revenons-en à l'endettement des ménages. Dans son évaluation sur l'économie mauricienne il y a quelques mois, le FMI prévient du risque du niveau de la dette des ménages avec un ratio prêt/PIB des ménages de 38 %. Selon le Financial Stability Report de la BoM, la hausse du crédit aux ménages a maintenu un rythme soutenu au second semestre 2021, la croissance annuelle atteignant 8 % à fin décembre 2021, principalement en raison de l'augmentation des prêts de logement, qui représentent environ deux tiers des crédits aux ménages. Donc, la part des prêts au logement par rapport au total des crédits accordés par le secteur bancaire avait augmenté, pour atteindre 26,1 % à fin décembre 2021, contre 25,4 % à fin septembre 2021, grâce aux taux d'intérêt relativement bas, à l'assouplissement des ratios dette/revenu (DTI) des banques commerciales pour l'octroi des prêts et aux mesures annoncées dans le Budget 2021-2022, qui ont fourni des incitations supplémentaires aux emprunteurs potentiels.

Justement, la solvabilité des prêts aux ménages est restée globalement saine au cours du dernier trimestre 2021, en partie grâce aux mesures de soutien de l'État aux ménages et à la stabilité retrouvée de l'emploi. Selon la BoM, le ratio des prêts non performants sur le crédit aux ménages s'est amélioré, passant de 3 % à fin septembre 2021 à 2,8 % à fin décembre 2021. Toutefois, c'est maintenant que l'affaire se corse. "Interest rate hikes, aiming to bring down inflation over the medium term by anchoring inflation expectations, are expected to increase the debt servicing burden of households, especially those who have borrowed at high DTI ratios. The debt servicing capacity of the household sector was not a major threat to financial stability in the last quarter of 2021. Going forward, however, those households that are more vulnerable financially may face strains... ", peut-on lire dans le rapport de la Banque centrale.

En effet, la situation a changé Les mesures pour endiguer la tendance à la hausse de l'inflation rendent le service de la dette plus cher, alors que le coût de la vie augmente, tant de facteurs rendant la situation financière des ménages délicate, dans certains cas. Alors que le remboursement des dettes s'avère plus difficile, compte tenu de la conjoncture actuelle, il est intéressant de voir le niveau de l'épargne. La Gross Domestic Savings (GDS), qui inclut les ménages et les entreprises, devrait atteindre Rs 61,1 milliards en 2022 contre Rs 49,5 milliards en 2021.

Tout cela mis en contexte, les consommateurs ont tout intérêt à réfléchir à deux fois avant de s'endetter et surtout à bien ficeler leur projet, que cela soit pour un achat immobilier ou autres, car rembourser n'est plus une mince affaire, d'autant plus que les taux d'intérêt continueront probablement d'augmenter. Aussi, au niveau national, la stratégie de booster la croissance par la consommation, sachant que les revenus de la taxe pour l'État sont estimés à Rs 131 milliards pour 2022-23, est inappropriée, compte tenu de la conjoncture inflationniste. Finalement, la prudence reste de mise !

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.