Congo-Brazzaville: Musique - Un héritage artistique incommensurable laissé par Kiamwangana Mateta

Un à un, les précurseurs de la musique congolaise moderne, ceux qui en ont posé les fondements, sont en train de rejoindre, l'un après l'autre, l'au-delà. Toute une génération se vide au grand désenchantement d'un univers musical de plus en plus orphelin de ces sonorités ambiantes qui, autrefois, avaient porté haut l'étendard de la rumba congolaise.

Trente-trois ans après la disparition de Franco Luambo Makiadi, son mentor à l'ombre de qui il s'est forgé une stature musicale digne d'éloges, Georges Kiamwangana Mateta (78 ans), est passé de la vie à trépas un certain 13 octobre 2022. Victime d'un accident cardio vasculaire alors qu'il était depuis août dernier en réadaptation physique, Verckys (sobriquet que lui avait collé une de ses nombreuses conquêtes) laisse un héritage musical incommensurable. L'évolution de la rumba congolaise post indépendance est un peu liée à sa perspicacité et à sa détermination. Il lui a inculqué ce contenu substantiel qui lui manquait, particulièrement, en termes de vision entrepreneuriale. C'est sur ce registre qu'a excellé celui qu'on appelait " L'homme au poumon d'acier ". Son apport dans la structuration de la musique congolaise par la création des labels, studios d'enregistrement et maisons de disque force l'admiration.

Lorsqu'on sait que la diffusion, la distribution et la commercialisation de la musique congolaise étaient déjà contrôlées par des expatriés vers les années 1950 par le biais des éditions Olympia, Ngoma, Opika, Loningisa et autres, il a fallu inverser la tendance pour assurer l'émergence d'une industrie musicale locale. A la suite de Kallé Jeef, Franco Luambo Makiadi, Tabu Ley et autres qui se sont aussi investis dans l'industrie musicale en tant qu'éditeurs favorisant ainsi l'essaimage de plusieurs maisons d'enregistrement phonographique made in Congo, Verkys Kiamwangana n'était pas en reste. Il lancera, dans la foulée, son propre label " Vévé ". Ce fut le grand tournant de sa vie qui révélera son côté affairiste.

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Après son éviction du TP OK Jazz en 1968 à la suite d'un " zonzing " mal négocié, l'ex sociétaire de Conga Jazz de Paul " Dewayon " Ebengo, qui avait profité de sa proximité avec Franco Luambo Makiadi pour apprendre le management de l'industrie musicale, n'a pas eu de peine pour se réorganiser et voler de ses propres ailes.

Un flair artistique hors du commun

Dénicheur des talents, il eut à manager, dans son écurie " Vévé " au fil des années, le Trio Madjesi, Bella Bella, Empire Bakuba, Zaiko Langa Langa, Grands Maquisards, Lipua Lipua, Kiam, etc. Et vers les années 1980, il contribua largement à l'éclosion des groupes de la jeune génération tels que Langa Langa Stars, Victoria Eleison et Anti-Choc. Des chansons intemporelles telles que " Mbuta ", " Kamale ", " Nakomitunaka " portent la marque de son génie artistique, traduit par une capacité à utiliser et à mixer des talents, sans fausse note. Les groupes musicaux bénéficiaient des équipements de musique en contrepartie de la cession de leurs œuvres.

Kiamwangana Mateta fut, par ailleurs, le premier à installer un studio d'enregistrement à seize pistes par où sont passées plusieurs têtes couronnées de la chanson congolaise dont Tabu Ley avec " Maze ", la chanson culte de années 1980. Grand arrangeur, il eut à guider les premiers pas de Koffi Olomide dans la musique à travers la chanson " Etoile du Nord ", sa première expérience en tant que chanteur lead.

Souffleur attitré ayant aiguillé son talent chez les Kimbaguistes, Kiamwangana Mateta était, au-delà de sa dimension de manager-éditeur-producteur-mécène, un saxophoniste hors pair dont la doigtée s'est faite remarquer dans des œuvres telles que " Bolingo ya bougie ", " Course au pouvoir ", "Ngai Marie Nzoto ebeba " et tant d'autres. Avec son propre groupe " Vévé " créé en juin 1969, il s'est illustré dans des tubes à succès, tels que " Mfumbwa ", " Liwa na ngai bankoko bayoki ", " Fifi Solange ", " Bolingo Florence ", etc.

Homme à tout faire, mais aussi, dirigeant d'entreprise et meneur d'hommes, Georges Kiamwangana Mateta constitue un exemple parfait d'abnégation. Président de l'Union des musiciens congolais et du conseil d'administration de la Société congolaise de droits d'auteurs et des droits voisins, il a toujours été persévérant comme un vrai battant, une prédisposition qui lui a permis de se bâtir tout un empire dans le domaine musical.

De l'immobilier à l'édition des disques et leur commercialisation, la production des orchestres, la duplication des cassettes, la gravure des disques, etc., l'homme était véritablement multidimensionnel. Un exemple de courage et d'abnégation, pour ainsi dire. Aucun artiste congolais n'a une feuille de route aussi impressionnante que lui en termes de réalisations. Avec sa mort, c'est toute une partie de l'histoire musicale congolaise qui s'en va. Sacré Verkys !!!

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