Congo-Brazzaville: Chris Moumbounou - " Aux Ateliers Sahm, l'art a sauvé des vies "

interview

Créés par la plasticienne et écrivaine Bill Kouélany, Les Ateliers Sahm ont mis à la disposition de jeunes artistes des infrastructures et des conditions de travail qui ont permis à plus d'un de trouver sa voix. Chris Lewis Moumbounou, coordinateur de cette plateforme, nous dresse le bilan de ces dix dernières années au service de l'art. Entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Les Ateliers Sahm célèbrent leurs dix ans d'existence, quel bilan pouvez-vous dresser de cette période ?

Chris Moumbounou (C.M.) : Dix ans que nous agissons! Et, disons-le, par amour pour l'art mais il y a encore beaucoup à faire ! L'art dans notre pays demeure complexe. Sans cesse, nous boxons la situation.

Dynamiques, effervescents, Les Ateliers Sahm sont devenus, au fil du temps, une école qui ne crie pas son nom. Au calme! Nous traçons! Nous traçons notre bout de chemin, à l'encre de Chine, grâce à la poésie, aux vocalises, à la danse, au son de la guitare ou du tam-tam, aux images en mouvements... Enfin, au rythme de toutes ces différentes expressions artistiques contemporaines que nous défendons aussi bien sur le plan national qu'international. Oui, on peut affirmer que le résultat est positif et nous sommes bien fiers de nos actions.

L.D.B.C. : Quels sont les progrès réalisés en dix années d'existence ?

C.M. : Le progrès demeure humain. Voir autant de jeunes se consacrer à leur passion artistique et culturelle, en faire un métier, en vivre autant que possible, développer sa carrière, voyager, aider leur famille, tisser des liens sociaux forts, trouver sa voie... , tels sont les progrès. Rien n'est acquis. Tout est à construire, en permanence. Seul le travail produit de forts résultats. Au-delà de nos faiblesses et de nos manquements, en dix ans, nous avons offert ou mis à disposition des peintures, pinceaux, ordinateurs, appareils photo et instruments de musique. En dix ans, nous avons logé des artistes dans nos locaux pour qu'ils trouvent repas, repos, inspiration et gratification, quand cela est impossible dans leur famille respective, méprisant parfois ce choix d'être artiste. L'art sauve. L'art aux Ateliers Sahm a bien sauvé des vies !

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En dix ans, chaque année, nous avons organisé une Rencontre internationale d'art contemporain (Riac), réunissant une centaine d'artistes nationaux et internationaux. En dix ans, nous avons donné l'opportunité à de nombreux artistes de sortir, pour la première fois ou pas, de leur pays. Particulièrement, de prendre part à ce grand rendez-vous de l'art : la Biennale Dak'art, à travers notre projet Esthétiques en partage au-delà des géographies, d'effectuer des résidences de recherche et de création en Afrique ou en Europe. Pendant ces dix ans, nous avons aussi, quelques fois, failli fermer nos portes par manque de soutien financier pérenne. Cette triste réalité nous rappelle ainsi la précarité, l'incompréhension et le mépris de l'art dans notre pays, dans nos sociétés.

L.D.B.C.: Avez-vous une idée du nombre d'artistes formés par Les Ateliers Sahm à ce jour ?

C.M. : Nous accompagnons, nous encourageons, nous conseillons, nous formons des hommes et des femmes du Congo, de la République démocratique du Congo, du Cameroun, du Tchad, du Mali, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, de l'Ouganda... La liste est longue. Nous ne comptons plus. La plupart des jeunes artistes qui marquent aujourd'hui la scène internationale ont un lien avec Les Ateliers Sahm. C'est tout simplement merveilleux.

L.D.B.C.: Pouvez-vous nous parler des motivations et de la visée culturelle qui ont conduit à la création des Ateliers Sahm ?

C.M. : Créés par la plasticienne et écrivaine Bill Kouélany, Les Ateliers Sahm ont pour but de mettre à la disposition de jeunes artistes des infrastructures et des conditions de travail contestablement absentes au Congo : un espace de travail, du matériel, de l'écoute et un suivi pointilleux de cette dernière, elle-même artiste pluridisciplinaire internationalement reconnue et lauréate de plusieurs distinctions à l'étranger. En voulant briser les archétypes, Les Ateliers Sahm imposent l'art contemporain au Congo, déclassant ainsi toute forme d'art traditionnel et destituant toute forme d'apprentissage académique. Aux Ateliers Sahm sont acceptées les idées nouvelles, les personnes de tout âge mais aussi une valorisation de la pratique artistique féminine, parce que la directrice, ayant elle-même un parcours de militante face aux stéréotypes d'une société machiste, a dû en découdre avec d'aucuns pour se faire une place. La scène artistique congolaise étant dominée par la gent masculine, valoriser les femmes reste l'une des missions premières des Ateliers Sahm.

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