Sénégal: Protection des œuvres artistiques - Sylvain Sankalé dépeint un tableau exhaustif des droits d'auteur

30 Octobre 2022

Le docteur en Droit Sylvain Sankalé, avocat aux barreaux de Dakar et de Paris et critique d'art, a animé, le 24 octobre dernier à la Galerie nationale, une conférence sur le thème : " Les droits d'auteur et droits voisins dans le segment des arts visuels ". Il a dépeint un tableau assez exhaustif des dispositions de la loi qui protège les droits d'auteur sur les œuvres de l'esprit, qu'elles soient visuelles, musicales, dramatiques, chorégraphiques, littéraires ou audiovisuelles.

La question des droits d'auteur a toujours suscité des débats, parfois passionnés, dans le milieu des arts. Et bon nombre de créateurs se perdent souvent dans les arguties juridiques qui entourent cette problématique. Pour y voir plus clair, la Galerie nationale a récemment organisé une conférence sur le thème : " Les droits d'auteur et droits voisins dans le segment des arts visuels ", animée par Sylvain Sankalé, avocat, collectionneur et membre de l'Association internationale des critiques d'art (Aica). Il a dépeint un tableau assez exhaustif de l'environnement juridique qui régule les droits d'auteur dans le milieu de la création en général, et qui concerne aussi bien les arts plastiques que le cinéma, la littérature, le théâtre ou la musique.

Le droit d'auteur, selon lui, comprend des attributs aussi bien d'ordre moral que patrimonial. " L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ", a-t-il expliqué, en se référant à la loi du 25 janvier 2008 sur le droit d'auteur et les droits voisins. Il y est stipulé que le droit d'auteur naît du seul fait de la création et que l'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique et de toute fixation matérielle, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur.

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Dans le secteur des arts visuels, ces œuvres vont du dessin à la peinture, en passant par la sculpture, l'architecture, la gravure, la lithographie, les œuvres photographiques et des arts appliqués comme les créations de mode, de tissage, de céramique, de boiserie, de ferronnerie ou de bijouterie. " Les dispositions de la loi protègent les droits d'auteur sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient la forme d'expression, le mérite ou la destination ", explique Me Sylvain Sankalé, qui fut président du Conseil scientifique de la Biennale de l'art africain contemporain de Dakar lors de l'édition de 2000.

ŒUVRE ORIGINALE OU DÉRIVÉE

Cependant, la loi précise que les œuvres de l'esprit ne peuvent bénéficier de la protection que si elles sont originales. Une œuvre dérivée d'une autre œuvre préexistante donne également prise au droit d'auteur s'il a été prouvé qu'elle est originale.

Par contre, la protection du droit d'auteur ne concerne pas les textes officiels de nature législative, administrative ou judiciaire, leurs traductions officielles, les idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques ou de simples informations, notamment les nouvelles du jour. Me Sankalé précise que l'auteur d'une œuvre est la personne physique qui l'a créée. " La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l'œuvre est divulguée. Le droit d'auteur sur l'œuvre dérivée s'exerce sous réserve du droit d'auteur auquel donne prise l'œuvre préexistante ", ajoute-t-il.

Cependant, il peut arriver que des œuvres soient le produit d'une collaboration entre deux ou plusieurs créateurs. Dans ce cas, les droits patrimoniaux et le droit moral appartiennent de manière égalitaire aux coauteurs et sont ainsi indivis, selon le terme juridique consacré. " En cas de désaccord, il appartiendra au tribunal de statuer. Chacun des coauteurs reste libre de poursuivre, en son nom et sans l'intervention des autres, l'atteinte qui serait portée aux droits patrimoniaux ou au droit moral et de réclamer des dommages et intérêts pour sa part ", argumente Sylvain Sankalé. À ce propos, il a fait référence aux œuvres audiovisuelles qui sont, très souvent, le fait de plusieurs auteurs : réalisateur, scénariste, dialoguiste, compositeur musical, etc.

Le conférencier a mis l'accent sur le droit moral, expression du lien entre l'œuvre et son auteur et qui est attaché à la personne de celui-ci. En cas de décès de l'auteur, il est transmissible selon les règles édictées par la loi. " Le droit moral est inaliénable et subsiste même après la cession des droits patrimoniaux. Il ne peut être l'objet d'une renonciation anticipée et est perpétuel ", rappelle-t-il.

Dans le cadre des droits patrimoniaux, l'auteur jouit de l'exclusivité d'exploiter son œuvre, sous quelque forme que ce soit, et d'en tirer un profit pécuniaire. Selon la loi, il a également le droit exclusif d'autoriser sa communication au public par tout procédé, notamment par voie de radiodiffusion, de distribution par câble ou par satellite, de mise à disposition sur demande de manière que chacun puisse avoir accès à l'œuvre (... ) et, pour les œuvres graphiques et plastiques, par voie d'exposition de l'objet matériel. " Ce droit s'applique, que la communication de l'œuvre soit totale ou partielle, qu'elle porte sur l'œuvre elle-même ou sur une œuvre qui en dérive, notamment par voie de traduction et d'adaptation ", ajoute-t-il.

Sur un autre registre concernant les droits patrimoniaux, l'auteur d'une œuvre a le droit exclusif d'autoriser la distribution des exemplaires matériels, notamment par la vente. Il peut aussi autoriser sa location par la mise à disposition pour l'usage, pour un temps limité et pour un avantage économique ou commercial direct ou indirect. " L'auteur qui cède son droit de location conserve le droit d'obtenir une rémunération équitable au titre de la location. Ce droit à rémunération ne peut faire l'objet d'une renonciation. Sa gestion peut en être confiée à une société de gestion collective ", explique le conférencier.

HÉRITIERS ET LÉGATAIRES

En ce qui concerne le droit de suite, les auteurs d'œuvres graphiques et plastiques et de manuscrits originaux ont un droit inaliénable de participation au produit de toute vente faite aux enchères publiques ou par l'intermédiaire d'un commerçant, postérieurement au premier transfert de propriété. Ainsi, le droit de suite consiste dans le prélèvement d'un pourcentage de 5 % sur le prix de vente. Dans le chapitre des droits voisins, la loi stipule que sous réserve du droit moral de l'artiste interprète et des droits à rémunération, ils sont cessibles en tout ou en partie. Ainsi, la durée des droits voisins est de 50 années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle de l'interprétation pour les artistes-interprètes.

" Les droits voisins dont bénéficient des personnes physiques sont transmissibles à leurs héritiers et légataires selon les règles du droit commun successoral ", explique le juriste. Les droits voisins du droit d'auteur sont accordés aux artistes interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, organismes de radiodiffusion et éditeurs, sous réserve, si l'œuvre est dans le domaine public. Par ailleurs, les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. En conséquence, aucune disposition ne doit être interprétée de manière à limiter l'exercice du droit d'auteur par ses titulaires.

Me Sylvain Sankalé a également abordé le volet lié aux sociétés de gestion collective. Celles-ci peuvent être créées par les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins afin de négocier avec les utilisateurs des répertoires dont la gestion leur est confiée. Elles peuvent aussi percevoir les redevances correspondantes et les répartir entre leurs membres, financer des actions sociales à leur profit, mener et financer des actions culturelles, ester en justice pour la défense des intérêts dont elles ont statutairement la charge, y compris les intérêts collectifs de leurs membres. Les sociétés de gestion collective sont constituées sous forme de sociétés civiles et ses membres doivent être des auteurs, artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, éditeurs ou leurs ayants droit.

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