Nzongo Soul a quitté ce monde le 10 janvier 2018 et nous revient, du moins par la publication de son ouvrage à titre posthume, " Nzongo Soul Wa Semo, le livre de l'apprenti sage", préfacé par son fils Nelson et paru aux Editions Axis Mundi.
" Toute ma vie, je t'ai passé mes mots et mes gestes pour qu'ils soient encore plus puissants à mon absence, parce que remplis de ma présence. Tu vois, je pars, je resterais pour toi présence d'une absence, mais aussi absence d'une présence. Et souviens-toi que le présent est toujours le meilleur présent, de la présence elle-même. Dans le temps circulaire, aujourd'hui est demain d'hier. En kikongo : lumbuki ni tchia ma zono ", ainsi Soul distillait ses conseils Faustin Nzongo, alias Wa Semo Nzongo, plus connu sous le nom de Nzongo Soul.
Nzongo Soul a eu le destin qu'il souhaitait en étant auteur, compositeur, interprète. Il a débuté sa carrière musicale à seulement 17 ans. En 1977, il fonde à Brazzaville les Walla Players auxquels il fait gagner le "Prix du Groupe d'Afro soul d'Afrique centrale".
Dans la foulée, il développe et crée son propre style musical, novateur et urbain : le "walla", né de la fusion des rythmes du peuple Kongo, de la rumba congolaise, de la soul, du rock, du rythm and blues et du funk. En langage kongo, "walla" signifie l'écoute de la vie.
Dans son livre, il décrit la culture congolaise comme une culture qui a gardé des traditions ancestrales, des rites et des symboles qui sont souvent muets, pour l'Homme moderne. Wa Semo Nzongo y dissèque la culture bantu dont il est issu, et y retrouve un langage "inconscient" qui échappe souvent au locuteur.
Il y dissèque aussi le langage caché de toutes ces langues premières recèle d'informations capitales sur notre rapport métaphysique au monde qui nous entoure. Pour étayer son propos, il convoque souvent des anecdotes où parfois il a pu rencontrer "l'effroi métaphysique". Il ne prétend pas avoir trouvé un savoir, mais une connaissance exigeante qu'il n'a pas créée mais qu'il a tout simplement, découverte ou redécouverte, en la questionnant.
Au cours de cette lecture vous serez bousculés, interpellés, comme si vous parliez avec un donneur de leçons. C'est normal il s'agit d'une praxis, d'un discours destiné à être chanté et dansé. C'est une ascèse, une discipline " musicosophique ".
Vous aurez par moment des envies de ne pas continuer à lire, tellement cela va vous chambouler. Ce sera bon signe cela voudra dire que le panache d'une culture aussi exubérante que celle-là peut nous apprendre à désapprendre.
Enfin, avec cet ouvrage, il voulait tout simplement créer une banque de données de sauvegarde des savoir êtres de nos ancêtres. Ils nous ont légué un testament oral pour que nous puissions l'écrire... . Il essaie avec les lumières du passé d'éclairer au présent l'obscurité de l'avenir.
Ce traité "musicosophique" est en hommage au lauréat du prix Découvertes RFI en 1984 et co-interprète de " Noir et Blanc", un des plus grands succès de Bernard Lavilliers. Il retrace l'aventure d'un enfant du Congo qui, après son passage à la Sorbonne et à l'Olympia, rêvait de créer un pont entre les cultures et faire que toutes les différences culturelles deviennent un socle commun, à travers une vision anthropologique universelle.
C'est l'histoire d'un artiste céleste qui, avec sa guitare, de l'Afrique à l'Europe, proposa une vision moderne du monde à travers la "musicosophie". Cette hybridation de la musique et de la philosophie va toucher à la fois la tête, le cœur et le ventre de tous les hommes, et elle ne pouvait être explorée que par un seul contemporain : Wa Semo Nzongo.
À lire absolument !
ISBN : 978-2-36851-713-7
