L'atelier de Kaïs Dhifi, il faut vraiment le mériter. Au fond -- mais vraiment au fond -- de Bhar Lazreg, au bout -- mais vraiment au bout -- d'une rue cahoteuse, si vos pneus et vos chevilles s'en sortent indemnes, un grand hangar abrite la prochaine exposition de ce jeune homme talentueux, véritable touche-à-tout des arts.
Mais revenons au lieu choisi pour implanter son espace atelier-galerie: Bhar Lazreg a été artistiquement adoubé par le B7L9, plate-forme d'art contemporain de la fondation Lazaâr, choisi par Lina Lazaâr pour la raison, qui lui semblait évidente, que c'était là où se trouvait la plus grande école de Tunisie. Cela semblait beaucoup moins évident au public qu'elle invitait à ses évènements, le lieu ayant longtemps traîné une solide réputation d'insécurité.
Le temps semble lui donner raison, le président Saïed y était récemment, inaugurant de nouveaux aménagements dans cette fameuse école, pépinière de différentes activités de la plate-forme.
Kaïs Dhifi y était déjà, c'est à lui que l'on doit la façade zébrée de B7L9.
Et puis tout le monde a suivi: la Ruche réunit un collectif d'artistes et de designers, Yosr Ben Ammar y installe sa nouvelle galerie, Selma Feriani y ouvrira bientôt la sienne.
Pour conclure, Kaïs Dhifi est en bonne compagnie.
Mais il y bénéficie de la discrétion suffisante pour ne dévoiler son travail que lorsqu'il a décidé de le faire. Sa dernière exposition, rappelons-le, n'était pas banale. Elle présentait ses photos--car cet artiste est graphiste, photographe, et, on le découvrira bientôt, graveur sur métal. Sa dernière exposition, donc, présentait ses photos au milieu d'un troupeau de chèvres, dans un champ à la Maalga, sur des tréteaux bâchés que l'on utilise habituellement dans les souks hebdomadaires des cités rurales. Quant au catalogue, il refusait tout texte et toute légende aux photos. Les photos étaient superbes, et présentaient les lieux désertés par l'humain, où la nature reprend ses droits.
Son travail actuel est bien plus sophistiqué : Kaïs Dhifi travaille sur des plaques de métal qu'il découpe, grave, agence, gratte, cisèle presque, en de subtiles compositions. Ses thèmes sont cosmiques, sacrés, légendaires, oniriques. Le métal support est également part de l'œuvre car la lumière, le reflet, l'éclat en sont une composante. C'est pourquoi Kaïs Dhifi cherche, pour exposer son travail, un lieu de lumière. Mais il serait dommage de vous en dire davantage.