Congo-Brazzaville: Gueorguy Tchepik - " La Russie et le Congo se connaissent bien "

interview

Dans une interview exclusive aux "Dépêches de Brazzaville", l'ambassadeur de Russie, Gueorguy Tchepik, loue l'excellence des relations qui unissent son pays et le Congo affirmant que celles-ci touchent plusieurs secteurs. Le diplomate russe revient aussi largement sur l'actualité internationale dominée par le conflit en Ukraine. S'il indique que la Russie est prête à négocier, Guorguy Tchepik nuance le propos en déclarant que cela ne se fera pas " au détriment de ses intérêts nationaux ". Il reconnaît néanmoins que la " guerre est la pire des choses au monde ".

Monsieur l'ambassadeur, vous êtes en poste à Brazzaville depuis trois ans. Dans le cadre de la coopération entre la Fédération de Russie, votre pays, et le Congo, pouvez-vous nous parler des secteurs dans lesquels des progrès sont enregistrés et de ceux où il reste encore beaucoup à faire ?

La Russie et le Congo sont deux partenaires traditionnels qui se connaissent très bien. Nous avons l'habitude de travailler ensemble. Nous partageons la même vision sur les sujets qui meublent le contexte international.

En ce qui concerne l'économie, nous avons plusieurs projets dans divers domaines dont celui des hydrocarbures, du numérique pour le transport urbain, de la construction de l'oléoduc, d'une série de centrale hydroélectrique d'une petite et moyenne puissance, un projet dans le domaine de la pisciculture.

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Durant mon séjour ici, la Russie a octroyé l'aide humanitaire au Congo trois fois : pour les sinistrés des inondations 2019-2020, afin de faire face à la pandémie de coronavirus, pour vacciner la population par le vaccin Sputnik qui par la suite a été sélectionné dans le cadre du Programme national de vaccination.

En matière de médecine, on a réalisé un projet humanitaire dans le domaine de l'oncologie au profit des personnes atteintes de l'albinisme. Cela a permis de lancer un projet de coopération entre les deux ministères de la santé qui sont actuellement en contact direct.

Nous espérons qu'un projet sera mis sur pied au Congo dans le domaine des études scientifiques pour les maladies infectieuses négligées. Concernant la formation des cadres, nous sommes passés, en trois ans, d'une centaine de bourses à 250 l'année prochaine. Cette coopération en matière de formation intègre d'autres filières, ce qui fait que près de 500 Congolais partent étudier en Russie chaque année.

Ceci dit, nous sommes satisfaits de la coopération militaire et technique. En matière de culture, nous avons de grands projets tels que les semaines croisées de la culture à Brazzaville et à Saint-Pétersbourg, les semaines du cinéma russe au Congo. Aussi, une coopération est en train de se développer dans le domaine des médias.

Le 23 septembre, une délégation russe conduite par le Premier vice-ministre de l'Energie, Pavel Sorokine, a réitéré aux plus hautes autorités congolaises la volonté de votre pays de réaliser le projet de l'oléoduc reliant les villes de Pointe-Noire et Ouesso. Le contexte du conflit actuel en Ukraine n'est-il pas un obstacle à la mise en œuvre de tels investissements ?

Le Premier vice-ministre a effectivement confirmé la volonté de la Russie de réaliser ce projet à travers une société. Ce projet est très important pour le Congo, d'où la décision de mettre au point un accord intergouvernemental, bien que le projet est purement commercial. Nous pensons qu'il n'y a pas de problème de finance même dans les conditions actuelles.

A propos justement de ce conflit qui dure depuis huit mois, quelle peut en être l'issue finale selon vous ?

Il faut dire clairement que la guerre est la pire des choses au monde. Les Russes le savent mieux que les autres. En ce qui concerne le conflit actuel, nous disons que chaque confrontation se termine par la paix et la Russie est prête à négocier mais pas au détriment de ses intérêts nationaux.

De l'autre côté, nous sommes en train de voir la conspiration de l'Occident à travers ce conflit de détruire notre pays. Tout ce qui se passe actuellement est le résultat direct de cette politique de deux poids deux mesures qui dure depuis des décennies.

Lors de sa visite au Congo en juillet dernier, le ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergei Lavrov, s'était félicité de la position de quasi neutralité adoptée par l'Afrique dans le conflit russo-ukrainien. Votre pays ne se sent-il pas, malgré tout, isolé sur la scène internationale ?

Il faut comprendre qu'il y a un groupe de pays assez important qui nous est hostile officiellement. L'Occident est en train de nous faire la guerre informatique, économique, financière et politique. Beaucoup de pays occidentaux sont impliqués directement dans le conflit en Ukraine à travers l'aide financière et militaire, au régime de Kiev. Ce sont les mêmes Occidentaux qui tentent de forcer d'autres à prendre une position hostile vis-à-vis de la Russie. Toutefois on voit une attitude neutre et bienveillante envers notre pays dans le monde. Notre ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est le plus sollicité pour les rencontres bilatérales lors des forums internationaux. La Russie est toujours prête à promouvoir des relations avec tous les partenaires qui sont ouverts à une coopération mutuellement avantageuse sur un pied d'égalité.

Les formats de ce genre ne manquent pas dans le multilatéral. Ce sont les BRICS, la Communauté des Etats indépendants, l'Organisation de coopération de Shanghai, l'Organisation du Traité pour la sécurité collective et bien d'autres. En ce qui concerne ceux qui sont atteints d'une crise d'hystérie anti- russe, qu'on les laisse balader.

Dans ses discours, le président russe insiste sur la promotion par la Russie de ce qu'il appelle les valeurs traditionnelles. Est-ce à dire que votre pays ne partage plus les valeurs universelles ?

Je dirais que la Russie ne partage pas les valeurs néolibérales que certains cherchent à faire passer pour universelles. Ces valeurs ne sont pas les mêmes que la Russie et beaucoup d'autres pays ont approuvé en signant la Déclaration des droits de l'homme (1948) et d'autres documents universels.

Par la doctrine néo-libérale, une minorité de pays veut imposer aux autres leur vision de l'éthique, de la culture et de l'histoire. Le néo-libéralisme prend l'allure d'une doctrine quasi-religieuse, intolérante qui réprime toute tentative d'exprimer une opinion différente.

Ils parlent de la démocratie, de l'égalité en droit mais ils ignorent la culture politique et les traditions d'autres pays. Ce n'est pas étonnant que la promotion des droits de l'homme dans leur version libérale serve de prétexte ou d'ingérence dans les affaires intérieures d'autres pays.

La culture de suppression est aussi le résultat direct du modèle néo-libéral qui ne tolère pas la diversité et la concurrence. Le but est de détruire tout ce qui est différent. La libre expression est passée dans les oubliettes. Les " médias internationaux " se sont transformés en mécanisme de propagande, de désinformation et de russophobie. Ce langage de haine vise le peuple russe tout entier, son histoire, sa culture et ses valeurs. Ce néo-libéralisme sape l'héritage politique et culturel de la civilisation européenne. En ce qui nous concerne, nous restons attachés à nos valeurs traditionnelles qui ont pour base le fondement des religions mondiales, l'héritage humaniste de la civilisation.

Un sommet Russie-Afrique est prévu à Saint-Pétersbourg en juillet 2023. Quelle garantie le gouvernement russe donne-t-il à la bonne tenue de ces assises ?

Il s'agit du deuxième sommet du genre. Le premier qui s'était tenu, il y a trois ans, a été un succès total. Du point de vue politique et économique, plusieurs buts avaient été assignés pour les trois dernières années. C'est le moment de faire le bilan.

La Russie attache une grande importance à ce sommet considéré comme un événement de première ligne pour l'année prochaine. Je n'ai donc aucune inquiétude qu'il se tiendra dans des bonnes conditions.

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