Mauritius Telecom (MT), sous Sherry Singh, s'est-il fait avoir en s'embarquant dans un projet de Rs 1,2 milliard avec un "downpayment" de Rs 300 millions pour la pose d'un câble qui allait relier Maurice au Sri Lanka d'un côté et l'Afrique du Sud de l'autre ? Au final, le projet d'IOX Cable s'est effondré. Sherry Singh donne une première explication. Le journaliste auteur de l'enquête n'en démord pas.
"Zamé sa boug-la finn fil enn kab téléfonn dan so lavi ek MT inn sign enn kontra Rs 1,2 miyar ar li pou 1 kab soumarin", ironise Rajen Valayden au téléphone. Le "bougla" en question, c'est un Indien du nom d'Arunachalam Kundasamy, CEO de IOX Cable (IOX). Selon une enquête documentée que le journaliste a publiée le week-end dernier, IOX et MT ont signé, le 21 septembre 2017, un contrat de USD 30 millions pour que MT soit un "anchor tenant" d'un des quatre câbles que IOX déploierait et qui relierait East London (Afrique du Sud), Maurice, Rodrigues, La Réunion et Mount Lavinia (Sri Lanka). Le contrat prévoit un downpayment de USD 10 millions (Rs 400 millions) dès sa signature. Or, alors que le câble devait entrer en opération en 2019, IOX Cable présente des difficultés en octobre 2018 jusqu'à sa mise sous administration en décembre 2020. Le câble, lui, entre-temps, a été fabriqué par Alcatel Submarine Networks, mais n'a pas été posé au fond de l'océan.
Ce que le journaliste reproche à MT, c'est de n'avoir pas pris en compte les nombreux "red flags" qui flottaient au-dessus de IOX Cable. "C'est une one-man company sans aucun credential. L'actionnaire-directeur est un ex-employé de SEACOM (propriétaire d'un câble qui longe l'est de l'Afrique sur toute sa longueur jusqu'à Marseille (France) et Mumbai (Inde). Julian Rawle (NdlR, un expert mondialement reconnu et respecté dans le domaine des câbles sous-marins) avait émis des réserves sur la viabilité même du projet." Dans son article, Rajen Valayden, qui est allé jusqu'à enquêter sur des deals fonciers suspects de Kundasamy en Inde, se demande même si MT est réellement une victime, ou complice d'un "money heist" au profit de Kundasamy.
Nous avons contacté Sherry Singh, hier (férié), avec une liste de questions. "En l'absence de toute documentation à portée de main, je peux vous répondre dans les grandes lignes et m'engager à répondre à vos questions précises ultérieurement. Le plus important c'est que ce n'est pas un projet secret. Le board de MT avait validé ce projet et a été tenu au courant de tous les développements. Plusieurs ministères, plusieurs institutions, dont le BOI, soutenaient ce projet qui avait d'énormes attraits technologiques et commerciaux. La présence d'Alcatel Submarine Networks était une garantie. Et au final, même si le promoteur initial s'est retiré, le projet continue."
En effet, le projet IOX serait devenu le projet T3 et l'investissement du downpayment ne serait donc pas "à l'eau" car une renégociation avec Kundasamy aurait permis à MT et ses partenaires de se baser sur les travaux déjà accomplis (étude du terrain, fabrication du câble par Alcatel) pour réaliser le projet T3. Mais Rajen Valayden n'est pas pour autant rassuré. "Des garanties bancaires avec des banques comme SBM et Barclays (aujourd'hui ABSA) totalisant USD 37 millions sont engagées. Il y a beaucoup de questions à poser à MT et Sherry Singh. Ce dernier ne peut pas constamment se réfugier derrière le board. Il était grassement payé pour aider le board à prendre les meilleures décisions."
A-t-il une dent personnelle contre Sherry Singh ? "Absolument pas. Je suis autant virulent contre le management de Sherry Singh que je l'ai été avec Sarat Lallah. Et je suis un grand critique de Pravind Jugnauth. Donc, je suis totalement indépendant."