Ghana: Alidu Seidu, le défenseur qui trace sa route

Alidu Seidu est une des valeurs montantes du Championnat de France (Ligue 1). Pour RFI, ce défenseur polyvalent de 22 ans raconte son parcours des terrains de Kumasi au Ghana, à l'académie Jean-Marc Guillou en Côte d'Ivoire, puis à Clermont où il vient de prolonger son contrat jusqu'en 2027. Une ascension rapide (mais parfois difficile) qui lui a ouvert les portes de la sélection ghanéenne alors que la Coupe du monde 2022 au Qatar approche.

Alidu Seidu n'en revient toujours pas : à 22 ans, il est titulaire en Championnat de France (Ligue 1), l'une des meilleures ligues européennes, et n'est plus très loin d'une participation à la Coupe du monde 2022 (20 novembre-18 décembre) avec l'équipe du Ghana. " C'est vrai que ça a été très très vite pour moi, savoure celui qui a récemment prolongé son contrat jusqu'en 2027 avec le Clermont Foot [1]. Franchement, je ne m'attendais pas à ça. Je me disais 'ok, je vais arriver en Europe, découvrir un pays, un club et ça va aller tout doucement'. Et aujourd'hui, je passe de remplaçant à titulaire puis je suis en sélection. Ce n'est que du bonheur ".

Il était en effet difficile de prédire un tel destin à ce fils de mécanicien, deuxième d'une fratrie de neuf enfants. D'autant que ses parents n'étaient pas du tout passionnés de football. C'est en effet parce qu'un de ses oncles l'a amené vers l'âge de 10-11 ans dans une école de football de Kumasi - la ville où il a grandi - que le petit " Ali " a ensuite forcé son chemin jusqu'à la Ligue 1.

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Du Ghana à la Côte d'Ivoire

Car sa route jusqu'au professionnalisme n'a pas toujours été dégagée. Il a ainsi dû s'y reprendre à plusieurs fois pour intégrer la Jean-Marc Guillou Academy, du nom de cet ancien joueur français qui a formé plusieurs générations de stars africaines, dont les Yaya Touré, Didier Zokora, Gervinho. " Ils me disaient qu'il me manquait encore beaucoup de trucs avant qu'ils ne me prennent. Alors je suis retourné dans mon académie à Kumasi pour bosser ", se souvient Alidu Seidu. Le gamin revient ensuite régulièrement à la charge. " Le directeur a apprécié le travail que j'avais fourni et il m'a dit que je pouvais rester à l'académie pendant huit mois, en attendant que Jean-Marc Guillou vienne ".

La JMG Academy d'Accra ferme toutefois ses portes en 2016. Ses pensionnaires déménagent quelques mois plus tard à Djékanou, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Yamoussoukro, la capitale politique ivoirienne. Avec les quelques mots de français qu'il a déjà appris, Alidu Seidu, alors âgé de 16 ans, part vivre loin de sa famille. " Ce n'était vraiment pas difficile du tout pour moi, au contraire, assure-t-il pourtant. Pour moi, la priorité, c'était le football. Et puis j'étais content d'aller là-bas, je me disais que je voyageais ".

Des tests en France gâchés par les blessures

En 2019, lui et ses camarades de promotion se distinguent durant un tournoi en France, près de Saint-Etienne. Il tape dans l'œil des recruteurs de Troyes qui l'invitent à passer des tests. Mais l'expérience tourne court. " Dès le premier jour d'entraînement, je me suis blessé, explique-t-il. Une de mes chevilles a tourné. Heureusement, le président du club m'a vu jouer le premier jour et il était très content de ma séance ". Les Troyens décident de le garder malgré tout. Pendant trois mois, le joueur tente ainsi de se remettre au plus vite. Mais deux semaines après la reprise, il se blesse à nouveau. Au genou cette fois et l'opération est nécessaire. " Troyes n'a pas voulu me prendre parce qu'ils me voyaient comme un joueur fragile. "

Alidu Seidu déprime dans le train qui le ramène vers Paris et un vol retour pour l'Afrique. " J'étais vraiment vraiment inquiet, glisse-t-il. Parce que, à l'académie, je n'étais généralement blessé que 3 ou 4 jours. En plus, c'était mon premier voyage en Europe. Pour moi, c'était ma seule chance et les blessures m'avaient empêché de la saisir. Je n'étais vraiment vraiment pas bien ".

Mais le Clermont Foot 63 (CF63) contactent alors ses agents. Ce club de deuxième division française (Ligue 2) propose d'accompagner sa rééducation. " Je suis parti là-bas en béquilles ", se souvient l'intéressé. La convalescence se déroule bien. Le joueur débute peu après avec la réserve locale. Puis, après une pause due à la pandémie de Covid, il intègre le groupe professionnel, avec la réussite que l'on sait : montée en première division (Ligue 1) à l'issue de la saison 2020-2021, puis maintien en Ligue 1 à la fin de l'exercice 2021-2022. " Dieu merci, aujourd'hui, je suis en Ligue 1, je suis content, je fais mes matches ".

Valeur montante

Une cinquantaine de rencontres plus tard avec le CF63, Alidu Seidu est reconnaissant envers la formation clermontoise. " L'adaptation s'est bien passée. Ils m'ont accueilli comme un petit frère ", souligne celui qui se sent également bien dans l'élite française. " Tout le monde nous voit redescendre ou quelque chose comme ça. Notre objectif est donc de rester en Ligue 1 le plus longtemps possible. "

Un Championnat qui lui a d'ailleurs permis d'affronter son idole de jeunesse. " Mon joueur préféré, c'était Sergio Ramos, confie-t-il. Aujourd'hui, je le croise en Championnat et ça me rend très très fier parce que j'ai réalisé mon rêve ".

Comme l'Espagnol, le Ghanéen peut évoluer aussi bien dans l'axe que sur le flanc droit. Une polyvalence appréciable mais qu'il ne cultive pas par opportunisme. " Je n'ai pas de poste préféré, jure-t-il. C'est le plaisir de jouer qui me guide avant tout. Que le coach me dise de jouer en tant que 9, 10 ou même dans le but, ce sera avec plaisir. Le football, c'est ma passion ".

Le Qatar en ligne de mire

Une passion qui pourrait le conduire jusqu'au Qatar, Alidu Seidu ayant intégré l'équipe nationale du Ghana, en juin dernier, à l'occasion de la Kirin Cup. Malgré des débuts délicats, avec une défaite 4-1 face au Japon puis une expulsion face au Chili (0-0), le sélectionneur Otto Addo semble avoir toute confiance en son droitier. " C'est un coach qui veut jouer et qui veut montrer qu'on est capable de le faire face à tout le monde, même face aux grands pays de foot ", estime le Clermontois. " On a récemment joué contre le Brésil [défaite 3-0, Ndlr]. C'est vrai que les Brésiliens ont une bonne équipe. Fraichement, ce match nous a mis dans le bain, ça nous a réveillés, ça nous a montrés le haut niveau ".

Bref, un avant-goût d'un Mondial où les Black Stars affronteront consécutivement le Portugal (24 novembre), la Corée du Sud (28 novembre) et surtout l'Uruguay (2 décembre). En 2010, les Uruguayens avaient brisé le rêve des Ghanéens en quart de finale du tournoi. " C'est vrai que l'Uruguay a marqué l'histoire du football au Ghana, sourit Alidu Seidu. Là-bas, tout le monde attend ce match ".

Il espère évidemment en être. " Il y a de grands grands joueurs qui n'ont pas eu la chance de faire la Coupe du monde, rappelle-t-il. C'est le rêve de tout footballeur sur terre ". Cette fois, le natif de Kumasi ne devrait pas avoir à se battre pour que celui-ci se réalise...

[1] Cet entretien a été réalisé le 11 octobre dernier.

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