Sénégal: " Xalé - les blessures de l'enfance ", film de moussa Sène Absa : Un conte moderne sur la quête du bonheur

3 Novembre 2022

Après une première mondiale au 66ème Bfi London Film Festival, " Xalé : Les blessures de l'enfance " a été projeté, mardi 1er novembre, à la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage. Ce long métrage de fiction de Moussa Sène Absa met l'accent sur des personnages aux destins inverses et constitue un récit contemporain sur la quête du bonheur et les vices de la société.

CARTHAGE - Viol, inceste, immigration clandestine, violence faite aux femmes, mal gouvernance... le long métrage de fiction de Moussa Sène Absa, projeté mardi soir, dans une salle archicomble de la Cité de la culture de Tunis, pointe du doigt presque toutes les tares de la société sénégalaise. Des vices qu'on essaie parfois de maquiller, mais qui insistent comme pour rappeler les responsabilités des uns et des autres. Le réalisateur a choisi d'aborder, comme un fil rouge, les problèmes de la jeunesse, mais aussi de la société en utilisant des perspectives et des destins complètement différents. Son objectif est de circonscrire la thématique, à travers plusieurs sous-thématiques, enveloppées dans une narration, un récit musical persistant avec des messages forts. " Xalé : Les blessures de l'enfance " en compétition officielle dans la catégorie des longs métrages de fiction de la 33ème édition des Journées cinématographies de Carthage (Jcc) met le focus sur des personnages aux destins opposés, mais qui se battent toute de même pour arriver à leur but. C'est une sorte de course effrénée après chaque lever du soleil contre un destin déjà tracé.

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Dans ce film, Atoumane est ce gueux qui traîne tous les maux de son milieu social. Ce personnage, interprété par le comédien Ibrahima Mbaye Tché, est détesté de tous ou presque parce qu'il incarne le mal dans son expression la plus lâche. Il a violé sa nièce Awa. Sa vie ruinée, cette dernière sera obligée de mettre un terme à ses études. Atoumane violente aussi quotidiennement sa femme, Fatou. Il lui est impossible de se départir de ses travers, de ses agissements sataniques et débridés. Même marié avec sa cousine, la belle Fatou, pour satisfaire la volonté de la famille (leur grand-mère), ce chauffeur de taxi ne réussira pas à consommer son mariage. Il est ensuite exclu de la ville, pendant dix ans, pour payer le viol commis contre sa nièce de 15 ans, Awa. Atoumane va errer jusqu'à sa rencontre avec la mort.

Viol incestueux

De son côté, la jeune Awa, malgré un viol incestueux qui a été l'origine de la naissance de sa fille Binta, trouvera le bout du tunnel après une longue nuit d'horreur. Binta devient cette lumière inespérée qui illumine ses journées. Mieux, elle va se réconcilier avec son amoureux Tafa qui n'a désormais d'yeux que pour elle. Sa tante Awa aussi, après avoir échappé aux griffes d'Atoumane, goutte désormais aux délices de l'amour auprès de son copain (Nandité), avec qui elle a fini par se marier.

Dans cette fiction, l'autre personnage qui assure les premiers rôles, Adama, le jumeau d'Awa, a réalisé son rêve de quitter son pays pour la France. Seulement, cet Eldorado tant rêvé par ce marchand ambulant se transformera en cauchemar.

Le réalisateur Moussa Sène Absa a voulu que ses différents personnages connaissent des fortunes diverses dans leur quête du bonheur. Une réalité inhérente à la condition humaine. " Xalé : Les blessures de l'enfance ", qui arrive deux décennies après " Madame Brouette ", est donc la dernière page d'une trilogie qui a commencé avec " Tableau Ferraille " au mitan des années 90. Ce film est éminemment puissant, avec une dimension sociale et psychologique frappante. Celle-ci agit d'ailleurs sur le destin et le comportement des personnages, telle une pesanteur socio-culturelle. Les personnages de Moussa Sène Absa n'ont pas l'air d'être tout à fait libres. Dans le film, ils sont traqués jusque dans leur intimité par un groupe de femmes ou souvent d'hommes ou les deux à la fois pour leur faire revenir, soit à la raison, soit pour leur rappeler leur responsabilité.

Pour y arriver, le réalisateur a usé des techniques des chœurs et des rumeurs portant des messages poétiques et parfois politiques. Il fait appel aussi à la justice populaire portée par la rumeur ainsi que par la musique. Pour le réalisateur, les " chœurs sont la voix du peuple, la rumeur, les démons des personnages avec des effets de disparition et d'apparition ". Cette façon de faire suit Moussa Sène Absa depuis " Tableau ferraille ". Elle est exactement le reflet de son milieu culturel, son rattachement à ses racines. C'est d'ailleurs ce qui explique la profusion des codes culturels dans cet opus. " Je suis issu d'une tradition orale très forte, je viens d'une famille de griots. Les chants populaires m'ont toujours fasciné. J'ai voulu apporter ici toute la mythologie de la purification, du sacrifice, de la punition ", soutient-il. " Xalé : Les blessures de l'enfance " est porteur aussi d'un message politique, une dénonciation d'une certaine façon de gouverner en Afrique plongeant les populations dans la pauvreté.

Certaines séquences filmées à Sébikotane et à Ponty, sont une manière pour Moussa Sène Absa, d'exprimer la ruine de l'Afrique, la pauvreté. Le cinéaste reste convaincu que le " cinéma est politique " comme toute œuvre d'art.

ROKHAYA NIANG, ACTRICE ET ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE DE " XALÉ... "

" Moussa est fidèle à ses comédiens "

Dans ses films, Moussa Sène Absa a aussi cette tendance à conserver certains de ses comédiens mythiques. C'est le cas surtout de la talentueuse actrice sénégalaise Rokhaya Niang. Elle apparaît presque dans tous les films du réalisateur, depuis son rôle majeur dans " Madame Brouette ". Dans " Xalé : Les blessures de l'enfance ", elle a pris le rôle de Fatou, mais y travaille aussi en tant qu'assistante à la mise en scène.

" Moussa est toujours fidèle à ses comédiens. Ibrahima Mbaye était dans " Ça twiste à Popenguine ", Thierno Ndiaye Doss qui était dans " Tableau ferraille " est revenu dans " Madame Brouette " pour nous encadrer. Akela Sagna était aussi dans " Tableau ferraille ", elle a tourné dans " Madame Brouette " ... Certains de ces gens sont décédés, aujourd'hui, c'est pourquoi ils ne sont pas dans ce film ", soutient-elle.

La lauréate, en 2003, du prix de la meilleure actrice francophone à Namur, puis de la meilleure actrice aux Journées cinématographiques de Carthage en 2004, ne cache pas son " plaisir " de jouer dans les films de Moussa Sène Absa. Elle confie que ce dernier pense toujours à elle quand il écrit ses films. Depuis 20 ans, ils cheminent ensemble pour le grand bonheur du cinéma sénégalais. " Quand je suis sur le plateau, je comprends tout ce qu'il veut ", souligne-t-elle. Dans " Xalé : Les blessures de l'enfance ", Rokhaya Niang s'est aussi occupée de l'encadrement des jeunes comédiens.

(envoyé spécial)

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