Tunisie: Gestion de la production - Le paradoxe

4 Novembre 2022

Qu'il s'agisse d'abondance ou pas, le pauvre consommateur ne se voit guère sortir de l'ornière. Il s'engouffre dans un cercle vicieux et son pouvoir d'achat s'érode de jour en jour.

Dimanche dernier, toutes les mosquées de la République ont accompli des prières rogatoires (salat el istisqa), suite au manque de pluies. En fait, c'est un acte rituel, en vertu duquel l'on s'en remet à Dieu pour conjurer la sécheresse. Un geste tout à fait naturel et qui ne sort pas de l'ordinaire, surtout que cela semble étroitement lié à la satisfaction de nos besoins vitaux et dépend, certes, de notre sécurité alimentaire.

Economiquement parlant, il faut savoir gérer son autosuffisance, notamment l'abondance des biens. Ce qui se déroule sous nos cieux est plus souvent incohérent : invoquer la pluie et rejeter les fruits ! Incroyables, mais vrai. Ce paradoxe explique bien le cas tunisien. En d'autres termes, obtenir une bonne récolte est contre-productif ! Combien de fois une filière agroalimentaire bien portante a fini par donner signe de crise et provoquer alors des pénuries. Et d'autres pratiques, louches et insensées, qui nous ont laissés traîner dans la misère. Toute saison agricole ne rapporte presque rien de plus.

Bonne ou mauvaise récolte, peu importe !

Cela dit, en temps de pluies ou de sécheresse, l'on peut aboutir, par conséquent, au même bilan. Et là, quoi qu'il arrive, on est toujours loin du compte. Qu'il s'agisse d'abondance ou de disette, le pauvre consommateur ne se voit guère sortir de l'ornière. Il s'engouffre dans un cercle vicieux et son pouvoir d'achat s'érode de jour en jour. Et les crises alimentaires se succèdent à n'en plus finir.

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Souvenons-nous encore des saisons agricoles écoulées, où l'abondance de production posait problème. Sans pour autant oublier le syndrome de l'excédent jeté sur la chaussée. Mais, aussi les suspicions de corruption qui en découlaient. Celle du blé périmé et les 17 mille quintaux de semences sélectionnées découverts, l'année dernière, mal stockés, à l'air libre, ce qui avait causé leur destruction.

L'affaire demeure entre les mains de la justice, dans laquelle plusieurs fonctionnaires seraient impliqués dont l'ancien ministre de l'Agriculture, Samir Bettaieb.

La crise alimentaire n'est guère une fatalité !

Jamais les crises alimentaires ayant secoué le pays ces dernières années, et qui continuent de le faire, n'ont été une fatalité. Tout est lié à une saisonnalité mal gérée, ne serait-ce qu'une fausse note intentionnelle. Surabondance - pénurie, cette dichotomie cyclique trouve sa juste expression dans des problèmes de gestion, dus essentiellement à des affaires de corruption.

Mais aussi à des opérations de spéculation qui paralysent profondément les circuits légaux de distribution. L'été dernier, la production de pommes de terre a perdu près de 35% de sa valeur, faute de stockage conditionné. Ainsi, le reste de la récolte n'a pas pu couvrir les besoins du pays.

De même pour la campagne du lait et des agrumes, en 2015 et 2016. Donc, prier pour conjurer un tel mauvais sort semble dénué de toute vérité ! Et ne reflète, à vrai dire, qu'une hérésie désavouée. Pourquoi accomplir la prière pour obtenir la pluie quand l'autosuffisance alimentaire n'est guère une gageure.

Elle ne saurait se réaliser que dans le cadre d'une bonne gouvernance agricole, doublée d'un plan de gestion de nos réserves par l'approche filière (élevage, céréaliculture, secteur laitier et autres).

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