Sénégal: 33èmes Journées Cinématographiques de Carthage - Les prix parallèles décernés

5 Novembre 2022

À 24 heures de la fin de la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc), la remise des prix parallèles a eu lieu, vendredi, en attendant le palmarès du Festival, prévu ce soir, à la Cité de la Culture de Tunis.

CARTHAGE - Près d'une semaine après son ouverture, la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc) tire à sa fin. Comme à l'occasion de chaque édition, en attendant la remise du Tanit d'or qui récompense les meilleures œuvres de la compétition officielle, prévue ce soir à la Cité de la Culture de Tunis, l'annonce du palmarès des Prix parallèles du Festival a eu lieu, hier, en présence des membres de jurys et des réalisateurs.

Le prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique (Fipresci), présidé par Henda Haouala, universitaire et auteure (France), a été décerné au long métrage de fiction tanzanien " Les Révoltés (Vuta N'Kuvute) " d'Amil Shivji. Ce film évoque les années de la colonisation britannique à Zanzibar en mettant en scène " Denge, un jeune combattant pour la liberté, qui rencontre Yasmin, une femme indienne zanzibarite, au milieu de la nuit, alors qu'elle est sur le point de se marier... ". Le jury a été séduit par le message de " révolution ", de la " guerre ", de " l'amour " et de la " noblesse " qui y est développé, mais aussi la grande esthétique sonore.

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Quant au Prix de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), il est revenu au long métrage documentaire tunisien " Les Gardiens du Margou " d'Akram Moncer. Cet opus parle de l'histoire d'une femme qui se bat au quotidien " derrière son métier à tisser pour revendiquer sa singularité et s'affirmer ".

Enfin, le Prix de la Fédération africaine des critiques de cinéma a été remporté par le long métrage de fiction " La vie d'après " d'Anis Jed de l'Algérie. Le Jury emmené par Charles Ayetan, critique de cinéma et journaliste togolais, a salué la maîtrise de la mise en scène du film, mais aussi toute l'histoire construite autour de la dignité des personnes vulnérables.

NAKY SY SAVANÉ, COMÉDIENNE IVOIRIENNE

Une militante du cinéma africain

Figure emblématique du cinéma africain, Naky Sy Savané fait partie des invités vedettes de la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc). La comédienne ivoirienne, qui vit actuellement à Marseille, vient d'être décorée par les Jcc pour le grand service rendu au cinéma africain.

C'est le film " Bal poussière " d'Henri Dupac qui l'a révélée au monde du cinéma. Naky Sy Savané, invitée prestigieuse de la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc) est devenue, au fil du temps, une figure incontournable du septième art africain. Aux Jcc de cette année, elle vient d'être honorée pour ce rôle éminemment joué. " Je suis une femme heureuse, parce qu'en général, dans notre cinéma, les hommages c'est pour ceux qui sont morts. J'ai la chance d'être honorée par un Festival qui a été construit par deux grands hommes : Tahar Cheriaa et Sembène Ousmane ", soutient-elle, sourire aux lèvres.

Née dans une famille fortement ancrée dans ses racines et sa tradition (petite-fille d'un imam), Naky Sy Savané a dû briser les solides barrières sociales pour intégrer le milieu du cinéma. Quand elle choisissait son métier, sa mère n'était même pas au courant... " Elle l'a découvert quand je suis devenue célèbre ", confie celle qui considère être dans le cinéma pour un combat.

Seulement, en dépit des préjugés, la comédienne a tenu à s'imposer face à la misogynie de certains hommes. Pour Naky " nom de scène), c'était la seule façon à elle de porter très haut la voix des femmes. Quand elle a vu, toute jeune, ce qu'endurait sa maman, qui était obligée d'aller tous les matins au marigot pour puiser de l'eau, quand elle a constaté la souffrance des femmes dans son entourage, elle était résolue à faire un métier lui permettant de parler directement aux décideurs. C'est d'ailleurs l'une des explications de son attachement à Sembène Ousmane qui a dédié la plupart de ses œuvres aux femmes. Selon elle, son dernier film (" Moolaadé "), considéré comme un testament, a été encore consacré aux femmes.

EXCISION ET VIOLENCE LIÉE AUX TRADITIONS

Ce film de Sembène Ousmane aborde la question de l'excision qui est " très chère " à l'actrice ivoirienne. Il y a quelques années, elle a créé l'Union des femmes du monde (Gams Sud), une association en Europe, qui travaille sur l'excision et la violence liée aux traditions. Naky Sy Savané s'est toujours battue pour porter la cause des femmes car, pense-t-elle, ce sont les dames qui portent l'Afrique. " Pour que nous puissions encore évoluer, faire de grandes choses pour notre continent, il faut qu'il y ait cette sororité, il faut reconnaître l'autre. Cette petite jalousie entre femmes, ça arrange les autres ", souligne-t-elle.

À la fois féministe et activiste, la grande dame du cinéma ivoirien a toujours vu le cinéma comme un instrument décisif dans son combat pour la cause féminine sur le terrain de tous les jours. D'ailleurs, cela se ressent dans les rôles qu'elle occupe dans les films. Aujourd'hui, Naky regrette tout de même le fait que la femme africaine ne soit pas suffisamment représentée dans le cinéma du continent. " La femme n'y a pas encore le rôle qu'elle a dans notre société d'aujourd'hui ", fait-elle comprendre.

Quand la crise a éclaté en Côte d'Ivoire, au début des années 2000, Naky s'exile en France. Mais quelques années plus tard, elle se servira de la culture pour bâtir une paix durable ainsi qu'une réconciliation sincère. La comédienne met vite en place le Festival international du film des lacs et des lagunes (Festilag) dont l'édition de cette année rendra encore hommage au grand cinéaste sénégalais Sembène Ousmane. " C'était ma contribution. Il fallait voir comment réconcilier les gens à travers le cinéma ", explique-t-elle.

Dans sa carrière, Naky Sy Savané a joué dans plusieurs films dont " Cheyenne et Lola ", " La Nuit m'appelle ", " Frontières ", " Moolaadé " ou encore " La Nuit de la vérité ".

(Envoyé spécial en Tunisie)

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