Le 14e Prix Ivoire pour la littérature africaine d'expression francophone, porté par l'Association Akwaba culture, sera décerné, le 26 novembre, à Abidjan. Cette édition distinguera l'écrivain togolais Sami Tchak pour son roman "Le continent du Tout et du presque Rien". Isabelle Kassi Fofana, présidente de ladite association, parle de l'ouvrage, du lauréat et de la cérémonie de distinction.

Qu'est-ce qui a fait la différence, selon vous, avec les cinq autres ouvrages finalistes ?

Sami Tchak, le lauréat du Prix Ivoire, dans son livre " Le continent du tout et du presque rien ", s'empare avec une grande force d'un certain nombre de problématiques liés aux entraves, aux mots qui empêchent la bonne marche de l'Afrique. Il s'agit ici d'images conçues, qui figent l'Afrique, et qui ne permettent pas aux Africains de relever la tête. L'auteur présente une Afrique méconnue, maltraitée, ballotée de toutes parts à partir du regard d'un anthropologue. Cet anthropologue qui vient en Afrique et permet de mettre en lumières des images d'Épinal afin que les Africains puissent se regarder droit dans les yeux, comme dans un miroir. C'est véritablement un ouvrage remarquable qui mérite d'être lu.

Quels sont les qualités qui ont été déterminantes dans votre sélection et votre choix final ?

Je ne suis pas membre du jury et je n'assiste donc pas aux délibérations. Mais je pense, de mon point de vue extérieur, que Sami Tchak convoque des prises de positions d'intellectuels africains contemporains vis-à-vis de l'Afrique ; en proposant ses regards, en tissant ses regards par une mise en bout, les uns les autres, il réussit à émouvoir le lecteur. Mieux, il invite le lecteur à se poser des questions sur le devenir de cette Afrique, qui va de sa démarche d'éclopée à travers le monde.

Les autres ouvrages n'ont pas démérités, ils sont tous de très haute qualité, mais comme dans tout prix littéraire, il faut bien un vainqueur, je pense que le jury a eu du mal à se décider.

Pouvez-vous nous faire part de vos plus belles découvertes littéraires depuis que vous avez initié le Prix Ivoire?

En général, tous les ouvrages finalistes du Prix Ivoire gagneraient à être lus, je dis bien tous, car ils ont fait l'objet d'une sélection préalable, par un pré jury sérieux. Le jury du prix ivoire, ainsi que le pré jury, jouent de leurs crédibilités. Il n'y a absolument pas de favoritisme. Être finaliste au prix ivoire est déjà une reconnaissance, un privilège. Très souvent, il nous a été donné de constater que certains ouvrages finalistes au prix ivoire ont remporté des prix littéraires importants. Mais évidemment, nous avons eu des coups de cœur, au risque de ne pas pouvoir être exhaustive, je vais tout de même en citer quelques-uns : "Félix Houphouet Boigny : La fin et la suite " de Frédérique Grah Mel, KARTHALA "Si d'aimer" de Hemley BOUM, éditions la Cheminante "Parlez-moi d'amour" de Bahaa Trabelsi, éditions la Croisée des Chemins " Camarade Papa " de Gauz, éditions le nouvel ATTILA "Mémoire d'une tombe " de Tiburce Koffi NEI-CEDA et bien entendu le tout dernier " Le continent du Tout et du presque Rien " de SAMI Tchak éditions LATTES.

Est-ce qu'à travers le Prix Ivoire, vous entendez faire rayonner de nouvelles voix littéraire ?

Le Prix Ivoire est une tribune destinée aux auteurs émergents d'Afrique et de ses diasporas francophones, qu'elles soient nouvelles ou plus anciennes, elles doivent être méritantes.

Quel est votre plus beau souvenir ?

Mon plus beau souvenir du prix Ivoire a été incontestablement, l'édition qui a accueilli sur les bords de la lagune Ébrié le père de Tribaliques, Henri Lopes, il y a un peu plus de onze ans en 2011, que de souvenirs heureux... Je me souviens précisément de ce monsieur qui avait effectué le déplacement depuis l'intérieur du pays et qui était en extase devant ce dinosaure de la littérature africaine, il en avait les larmes aux yeux, l'émotion était à son comble, comme dirait l'autre, on pouvait entendre les mouches voler.

Qu'est-ce qui a motivé l'institution de ce Prix littéraire ?

Au travers de ce programme, nous voulions faire d'Abidjan, un carrefour important de célébration de la Littérature Africaine d'Expression Francophone. Nous voulions célébrer, à partir du continent, des plumes méritantes, qui forcent le respect et l'admiration et ce, sur nos terres africaines, la terre de nos ancêtres.

En 14 éditions, quel bilan pouvez-vous dresser. Votre plus beau souvenir ? Et surtout votre plus belle rencontre ?

En 14 éditions, le bilan est plus que jamais positif. Le prix ivoire est un prix littéraire qui compte sur l'échiquier des prix littéraires important, le lauréat du Prix Ivoire est chaque année attendu et reconnu. Ce Prix a su s'imposer par son sérieux et sa régularité. Je vous parlerai encore d'un monsieur comme Henri Lopes, mais il n'est pas le seul, il y a eu Aminata Sow Fall, Seydou Badian Kouyaté et bien d'autres. Ce que je constate au fil des années, c'est la simplicité et l'humilité de ces grandes figures de notre littérature.

Mme la Présidente, en matière de littérature, comment peut-on se prononcer et départager des écritures aussi singulières...?

Je fais totalement confiance au Pré jury et au jury.

Quel est aujourd'hui l'impact du Prix Ivoire sur le monde littéraire africain ?

Le Prix Ivoire est connu et respecté dans le monde des belles lettres africaines francophones et des diasporas; le fait de faire simplement partie de la short liste des ouvrages nominés vous confère déjà une certaine visibilité et c'est peu dire.

Dans le cadre de la promotion du livre et de la littérature, l'Association Akwaba Culture a initié un forum littéraire. Pourquoi un tel forum?

Ce forum littéraire a lieu avant la remise du Prix ivoire; il permet une rencontre, un échange avec le lauréat, les invités spéciaux et le grand publique. Ce forum littéraire est Co organisé avec l'Institut Français il aura lieu le vendredi 25 novembre prochain à 17h00 à l'IFCI ; il est ouvert à tout le monde, aucune invitation ne sera exigée.

Comment peut-on réussir à créer l'émulation autour du livre malgré sa cherté sous nos tropiques ?Avec l'amour et la passion tout simplement, tout devient possible, et je voudrais paraphraser Robert Orben, " si vous trouvez que l'éducation coute chère, essayez l'ignorance ".

Quelles sont les perspectives du Prix Ivoire ?

A travers ce beau programme du Prix Ivoire, c'est l'Afrique Littéraire Francophone qui est célébrée, à partir du continent; mieux, à partir de la Côte d'Ivoire. Ceci est une tradition depuis plus de 14 ans. Et nous espérons pérenniser ce prix. Je plaide pour que nos autorités nous accordent plus d'attention et plus de moyens afin de maintenir toujours ce pari fou, celui de faire de la Côte d'Ivoire un pôle incontournable et essentiel de la consécration des belles lettres africaines francophones et des diasporas. Je profite pour remercier tous nos sponsors et mécènes; merci également à la Rédaction et à la Direction générale de Fraternité Matin qui nous offre cette belle tribune.

Quel commentaire faites-vous de la réaction de l'écrivain Tiburce Koffi, sacré Grand Prix National Bernard B. Dadié 2022, lors du Salon International du Livre d'Abidjan (SILA) 2022, qui a refusé la somme d'un million de FCfa qui accompagnait ce prix ?

Je me garderai de faire un commentaire sur ce sujet; je pense que c'est à mon grand frère et ami Tiburce Koffi de se prononcer sur la question.