Cameroun: Paul Biya, 40 ans au pouvoir - Roi fainéant ou démiurge ingénieux ?

analyse

Hier 6 novembre 2022, c'était un grand jour pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti de Paul Biya au pouvoir depuis 40 ans.

40 ans au pouvoir sans discontinuer, il faut le faire et Paul Biya l'a fait. Il n'y a que le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguéma Mbasogo, qui dit mieux avec 43 années passées à la tête de son pays. Encore que si l'on compte les 7 ans 4 mois, soit du 30 juin 1975 au 5 novembre 1982, pendant lesquels Paul Biya a été Premier ministre de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo, l'actuel locataire du Palais d'Etoundi, est dans les hautes sphères de l'Etat camerounais plus longtemps que Teodoro Obiang Nguéma à la tête de la Guinée équatoriale.

A bientôt 90 ans, il est le né le 13 février 1933, ce juriste de formation que son catéchiste de père destinait à la prêtrise, aime à éluder les questions sur son retrait du pouvoir. Il ne serait donc pas étonnant qu'à la fin de son septième mandat en cours en 2025, il rebelote pour un 8e mandat.

Ne riez pas de ces africaneries politiques ou, pour parler un langage soft comme Jean Yves Le Drian, l'ancien ministre français des Affaires étrangères, " ces arrangements à l'africaine " avec les principes démocratiques. En tout cas, Jean Nkueté, le secrétaire général du RDPC ne rigole pas quand il soutient dans un communiqué de presse publié en prélude à la célébration du 40e anniversaire de l'accession de Paul Biya à la magistrature suprême, que " Sans être exhaustif, l'on peut évoquer la mise en œuvre méthodique et irréversible des piliers de la démocratie et du développement durable, déploiement phénoménal des infrastructures communicationnelles, éducatives, médicales et énergétiques ; l'élargissement du tissu industriel ; la dotation du pays en ressources humaines de haute qualité ; le rayonnement de notre diplomatie dans la galaxie des affaires internationales ; les performances de nos athlètes et sportifs dans toutes les arènes du monde ; l'éclat de nos compatriotes sur les autoroutes mondiales de la recherche et de la science, etc. Le tableau des réalisations qui jalonnent la conduite sage et réaliste des affaires de la Nation tout au long des quarante années du Renouveau national est absolument reluisant et impressionnant. "

%

Excusez la redondance des superlatifs ! Elle procède de la rhétorique de lustrer par le verbe ce qui ne brille pas par l'action. Et le président Paul Biya, qui en 40 ans de pouvoir est le démurge du RDPC et du "renouveau national", mérite bien qu'on lui tresse une couronne de lauriers, lui que les mauvaises langues ou les observateurs avertis, c'est selon, qualifient de roi fainéant. Prompt à des séjours interminables à l'extérieur du pays, de préférence en Europe, il règne sur le Cameroun plus qu'il ne le gouverne. Jouant sur les rivalités ethno-communautaristes, ce fin psychologue du pouvoir aime à surfer sur le mysticisme et la veulerie des politiciens de son pays pour en tenir les rênes d'une main de fer dans un gant de velours.

Pour combien de temps encore ? On croise les doigts pour que la mauvaise graine de la sécession semée par les séparatistes des provinces anglophones du nord et du sud-est ne vienne remettre en cause l'unité du pays. Car, n'en déplaise aux thuriféraires du RDPC, cet anniversaire de la honte pour l'alternance démocratique en Afrique intervient après des scrutins présidentiels au cours desquels des observateurs indépendants ont toujours déploré des fraudes possibles. Plus graves, cette célébration unilatérale de son héros sénile par le RDPC intervient dans un contexte sécuritaire préoccupant pour le Cameroun notamment dans les régions en proie au séparatisme.

Et l'on croise de nouveau les doigts pour que le syndrome des longs règnes qui finissent mal comme ceux de Mobutu Sesse Seko, Abidine Ben Ali, Mouammar Kadhafi, épargne le Cameroun.

Pourtant la tentation de persifler nous égratigne la plume : les humains sont éternels, Paul Biya est un humain... Quand l'horloge biologique aura parachevé son œuvre, le fils, Franc Emmanuel Biya héritera-t-il du fauteuil présidentiel comme cela se murmure dans les cercles du pouvoir ?

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.