Tunisie: Karim Amous, fondateur du groupe financier "Smarteco", à La Presse - "Acheter une voiture devient un projet d'investissement pour le Tunisien"

8 Novembre 2022
interview

Aujourd'hui, un bon nombre de produits de première nécessité connaissent des hausses vertigineuses aggravées par les circonstances internationales nouvelles, essentiellement la guerre en Ukraine. Plusieurs secteurs se trouvent dans l'impasse, comme l'automobile qui a connu des augmentations choquantes. Plus de détails avec Karim Amous, fondateur du groupe "Smarteco" spécialisé dans le conseil financier, l'assistance à la levée de fonds et dans l'accompagnement à l'international. Interview.

Quel est l'état actuel du secteur automobile en Tunisie ?

Le rythme des immatriculations en 2022 a été soutenu via les mécanismes de supports et d'incitations des institutions financières qui offrent même des véhicules à 0% d'autofinancement. En plus de cela, le gouvernement tunisien a promulgué dans sa dernière loi de finances des clauses incitant l'importation de véhicules hybrides supprimant 50% des droits de douanes et même 100% de ces droits pour certains types de véhicules. Une bonne nouvelle qui incite les gens à s'orienter vers les véhicules amis de l'environnement, mais trop chers à l'acquisition. Un arbitrage doit être effectué pour se décider.

Pensez-vous que le métier d'expert automobile va souffrir de la crise économique ?

Certes, la souffrance d'un secteur va impacter négativement tous les intervenants sur ce secteur, notamment les experts conseillers, mais force est de dire que c'est le rôle de ces experts de proposer des solutions qui vont sortir le secteur automobile du gouffre. Dans des interviews antérieures, nous avons proposé de travailler plus sur les composants automobiles (pièces de rechange), car le parc roulant dans le pays devient de plus en plus vieux, et aussi à investir plus dans les startup proposant des solutions innovantes pouvant résoudre des problèmes aux constructeurs automobiles. Nous avons même évoqué le cas de l'un de nos clients, une tannerie iAnnovante qui propose du cuir traité de façon biologique pour les sièges des autos et des avions. Cette usine basée à Sfax exporte actuellement vers l'Europe et l'Amérique. Ce sont de tels des forons comme ça que nous devons encourager et financer. Des sociétés qui enjolivent l'image de marque de la Tunisie à l'étranger et qui drainent de la devise.

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Le secteur automobile compte parmi les moteurs de l'économie tunisienne, qu'en pensez-vous ?

Lorsqu'on sait que les exportations des pièces de rechange fabriquées en Tunisie couvrent 175% des importations en matière de véhicules, nous déduisons que le secteur automobile en Tunisie est bien bénéficiaire, avec un taux de couverture important. Ainsi, il est incontestablement l'un des moteurs de l'économie tunisienne.

Où sommes-nous aujourd'hui dans le marché de la voiture ?

Avec l'effet de l'inflation et de la dégradation de la parité dinar-dollar et dinar-euro, acheter une voiture devient pour le Tunisien un vrai projet d'investissement. Un véhicule moyen coûtant 50.000 dinars va consommer 10 ans de salaires d'une personne payée au Smig en Tunisie. Alors que ce même véhicule coûtera à un Français moins d'un an de Smic. Est-ce que ça vaut le coup toute cette ruée vers les véhicules neufs, alors que le Tunisien manque de moyens de subsistance ?

D'après vous y, aura-t-il des réformes qui seront apportées prochainement au secteur ?

Ce que je propose solennellement au gouvernement actuel, c'est la suppression de la clause qui interdit l'importation de véhicules âgés de plus de 5 années. Ainsi, on pourra importer des véhicules en bon état de marche de l'Europe, qui a une obligation de muter vers les véhicules hybrides et électriques dans les années à venir.

Se débarrasser des véhicules consommant l'énergie fossile sera une nécessité pour ces pays. Les prix vont baisser drastiquement et nous pouvons avoir de très bonnes occasions. Ce sera, certes, moins d'entrées en matière de frais douaniers et un casse-tête pour les concessionnaires automobiles tunisiens, mais l'effet social sera là. Avec cette mesure, beaucoup de facteurs vont considérablement changer, notamment, un plus important pouvoir d'achat, plus d'investissements, moins de migration clandestine, plus de sentiment d'appartenance et surtout la reprise de la confiance du peuple envers son gouvernement.

La plupart des fabricants parlent de l'arrivée de véhicules électriques sur le marché tunisien, d'ici à 2050. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

On parle beaucoup de véhicules électriques, amis de l'environnement, sans émission de CO2, mais on ne parle jamais du fait que ces véhicules marchent, comme les téléphones mobiles, avec des batteries rechargeables. Arrivées à un certain âge, ces batteries ne sont plus rechargeables, et ici, on ne jette pas uniquement la batterie, mais tout le véhicule, car la batterie, indissociable, englobe toute la plateforme inférieure de l'automobile. On commence à voir affluer des photos venant de plusieurs pays qui nous ont devancé dans l'utilisation des automobiles électriques, montrant des "cimetières" de véhicules électriques qu'on ne peut plus utiliser, car leurs batteries sont à plat... Sans parler de l'effet encore plus dévastateur d'une batterie jetée en pleine nature, sur l'environnement, de véhicules dits "amis de l'environnement"... A moins que l'une des startup, que nous espérons tunisienne, ait trouvé une solution pour contrecarrer ce problème, je reste personnellement sceptique quant à la réussite des véhicules électriques dans notre pays.

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