Afrique: À la COP27, l'ONU réclame la libération d'Alaa Abdel Fattah, sa sœur craint pour sa vie

L' Egypte accueille les dirigeants mondiaux, les envoyés pour le climat, les délégués et la société civile du monde entier au Sommet sur la mise en œuvre du climat de Charm el-Cheikh de cette année, où l'action rencontre l'ambition.

La 27e Conférence des Parties (COP) s'est ouverte lundi 7 novembre à Charm el-Cheikh (Égypte). Cette 5e COP " africaine " se tient dans un contexte international peu propice pour progresser sur le chemin de la lutte contre le réchauffement climatique, qui fait sentir ses effets de plus en plus fréquemment partout dans le monde. Tous les soirs, " Un jour à la COP " livre un condensé de ce qui s'est dit et noué durant la journée de négociations, et part à la rencontre de quelques-uns de ses acteurs. Que faut-il retenir du deuxième jour ?

C'EST DIT !

Quoi qu'il arrive, Alaa a remporté le combat symbolique

a déclaré Sanaa Seif, la sœur d'Alaa Abdel Fattah, militant égyptien pro-démocratie en grève de la faim, et de la soif depuis plus de deux jours.

À LA COP AUJOURD'HUI

♦ Le sort du militant et opposant politique égyptien Alaa Abdel Fattah accapare désormais une partie de l'attention de cette COP27. Sa sœur a tenu une conférence de presse (lire ci-dessous " les coulisses en image ") pour alerter sur le cas de son frère, en grève de la faim depuis 7 mois et de la soif depuis plus de 48h. Dans le même temps, l'ONU demandait sa " libération immédiate ".

♦ Le sommet des chefs d'État s'est poursuivi toute la journée par les déclarations de près de 40 chefs d'État africains. Parmi les déclarations saillantes, celle du président de l'Afrique du Sud, pays qui compte parmi les plus pollueurs de la planète et peine avec sa transition énergétique. Cyril Ramaphosa a critiqué des aides financières multilatérales " hors de portée " notamment en raison d'une politique de prêts. " À l'heure actuelle, l'aide multilatérale est hors de portée de la majorité de la population mondiale en raison de politiques de prêts peu enclines à prendre des risques, assorties de coûts et de conditions onéreux ", a-t-il reproché. " Les banques multilatérales de développement doivent être réformées pour répondre aux besoins des économies en développement en matière de développement durable et de résilience climatique ", a-t-il poursuivi, prônant une " équité internationale " et une transition " juste et inclusive ".

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♦ 2 400 milliards de dollars d'ici à 2030. C'est justement le montant dont auront besoin les pays du Sud pour mettre en place leur plan d'action climatique. Le chiffre émane d'un rapport commandé par la présidence de la COP publié aujourd'hui. La finance climat est au centre des enjeux de cette COP africaine. Il s'agit en particulier de mobiliser pour financer l'adaptation. Ces investissements dans les marchés émergents et les pays en développement - hors Chine - doivent servir à " réduire les émissions, renforcer la résilience, faire face aux pertes et dommages causés par le changement climatique et restaurer les terres et la nature ".

♦ La ministre de l'Environnement de RDC, Eve Bazaïba, a réclamé plus de justice climatique en faveur de l'Afrique. Le continent reçoit une part infime des " fonds climat " alors que ses forêts, en particulier dans le bassin du Congo, rendent des services immenses, qui ne sont pas rémunérés à leur juste valeur (au micro de Claire Fages).

Depuis qu'il y a des fonds, qui sont glanés par-ci par-là pour le fonds climat, depuis 1972 - cela fait 50 ans - l'Afrique n'a reçu que 2%, la RDC encore moins. Donc c'est totalement injuste. Deuxièmement, il est inconcevable que la tonne de carbone coûte en Afrique 5 dollars et au Nord, dans les pays industrialisés pollueurs, c'est entre 60 et 100 dollars et dans un marché bloqué. Et nous on nous laisse les marchés volontaires où nous nous battons à négocier. Même la Banque mondiale nous fait signer des contrats de 5 dollars la tonne de carbone. C'est pourquoi nous disons qu'il faut une justice climatique proportionnelle, revoir le prix de la tonne de carbone à la hausse et nous les pays africains, par principe de solidarité, nous allons ponctionner une quotité pour mettre dans le fonds d'adaptation pour aider les autres pays qui n'ont rien, qui sont en danger, qui risquent de disparaître d'ici à quelques années, comme les pays insulaires.

Eve Bazaïba, ministre congolaise de l'Environnement

♦ Fatten Aggad est conseillère en diplomatie climatique à l'African Climate Foundation. Elle résume les attentes des pays africains pour cette COP (au micro de Claire Fages).

Pour les pays africains, le fil rouge est clairement la question du financement, pour assurer la transition, y compris énergétique, sans pour autant alourdir le fardeau de la dette déjà bien lourde pour plusieurs pays africains ; c'est le financement des " pertes et dommages ", un mécanisme pour financer les dégâts causés par le dérèglement climatique [...] L'une des autres demandes est d'éviter aussi l'effet choc qui peut être causé par un désinvestissement trop rapide et non contrôlés des énergies fossiles, vu le coût du capital pour financer les énergies renouvelables [...]

Fatten Aggad

♦ Ils profitent de la tribune de la COP27 pour réclamer davantage d'aides pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique : les États insulaires sont en première ligne. Situés juste au-dessus du niveau de la mer, souvent pauvres, ils subissent de plein fouet les catastrophes naturelles qui se multiplient, comme l'a rappelé le président des Comores, Assoumani Azali.

Pour les petits États insulaires en développement, il est vital qu'ils puissent s'aider aux financements mondiaux. Par exemple, le Cap-Vert doit mobiliser environ 2 milliards d'euros au cours des dix prochaines années. Dans ce contexte, j'appelle la communauté internationale à considérer la possibilité de transformer la dette des petits États insulaires en développement en investissement climatique, dans l'éducation, la santé, dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités.

Assoumani Azali, président des Comores

Le Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda, Gaston Browne, également représentant de l'Alliance des petits États insulaires (Aosis) dont les Comores font partie, a tenu un discours fort à la tribune de la COP27. Il réclame la taxation des profits des géants pétroliers et gaziers afin de financer l'aide aux pays les plus touchés par les bouleversements climatiques.

♦ En coulisse, les négociations entre les diplomates de chaque pays ont débuté pour tenter d'arriver à un consensus plus ambitieux pour lutter contre le changement climatique. Mais à l'agenda des discussions, plusieurs dossiers épineux et importants ont été écartés de l'agenda officiel des négociateurs pour cette COP. D'abord, la nécessité de verdir la finance privée, c'était une demande forte de l'Union européenne portée par la France. Ensuite, le suivi des promesses faites l'année dernière de doubler l'aide à l'adaptation des économies et des infrastructures des pays pauvres au changement climatique. Ce suivi était réclamé par les pays africains. Enfin, alors que seulement 29 pays sur 196 ont annoncé de nouvelles ambitions de réduction de gaz à effet de serre, plusieurs États, notamment la Suisse, demandent à ce que ces nouvelles ambitions soient bien éditées chaque année, comme les pays s'y étaient engagés lors de la dernière COP. Ce ne sera pas non plus discuté. Dans les discussions officieuses toutefois, les pays continuent de plaider pour que ces trois points figurent dans la déclaration finale de la COP. Ils ne renoncent pas à voir des avancées d'ici à la fin de la conférence. (Par Jeanne Richard)

♦ De plus en plus de grandes entreprises, institutions financières, villes et régions affirment s'engager à la neutralité carbone. Face à la multiplication de ses engagements - dans des secteurs parfois très polluants - difficile de voir la vérité des faits. Des engagements pris par le secteur privé qui, s'ils ne sont pas tenus, risquent d'empêcher d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et celui du réchauffement à 1,5 degré. Face à ce constat lors de la précédente COP, le secrétaire général des de l'ONU avait demandé la formation d'un groupe d'experts de haut niveau sur les engagements d'émissions carbones net zéro de la part des entités non étatiques. Cet après-midi, Catherine McKenna, la présidente de ce groupe de 17 experts, a livré les conclusions et recommandations à Charm el-Cheikh en présence d'Antonio Guterres.

"Vous ne pouvez pas prétendre être neutre en carbone et continuer à construire ou à investir dans de nouveaux projets combustibles fossiles. Ce n'est pas seulement notre groupe d'experts qui le dit. C'est basé sur la science et les rapports de l'Agence internationale de l'énergie. Vous ne pouvez pas acheter des crédits bon marché et nuisent souvent aux communautés locales et aux peuples autochtones plutôt que de donner la priorité à la réduction des émissions de l'ensemble de votre chaîne de valeur. Et vous ne pouvez pas dire que vous êtes un leader du climat et faire du lobby contre l'action climatique, y compris par le biais d'associations professionnelles. Nous avons besoin que les gens soient tenus pour responsable. Comment pouvons-nous en assurer ? Nous devons créer un portail public de données ouvertes sur le climat qui fournira des données comparables, transparentes et vérifiées. Pour que les entreprises puissent être tenues responsables de l'engagement net zéro. Mais soyons honnêtes, il y a une limite aux engagements volontaires. Pour assurer des conditions de concurrence équitables et garantir que tout le monde joue le jeu et pour lutter contre le greenwashing, nous appelons les gouvernements à réglementer les engagements neutres en carbone en commençant par les grands émetteurs."

LES COULISSES EN IMAGE. La conférence perturbée de Sanaa Seif, sœur de l'écrivain et militant pro-démocratie Alaa Abdel Fattah.

Alaa Abdel Fattah, figure de la révolution égyptienne de 2011, a été condamné en décembre 2021 à cinq ans de prison pour " diffusion de fausses nouvelles " après un post sur Facebook. Il est en grève de la faim depuis avril dernier (220 jours) et a cessé de boire depuis le début de la COP27, il y a plus de 48h. " Sa vie est en grand danger ", a déclaré le Haut-Commissaire aux droits de l'homme à Genève, qui demande sa libération immédiate, au lendemain des demandes en ce sens du Premier ministre britannique (Alaa Abdel Fattah a la nationalité britannique depuis 2021) et du président français Emmanuel Macron. Accompagnée de deux représentants d'ONG (lire rencontre ci-dessous), la sœur d'Alaa Abdel Fattah, Sanaa Seif, a expliqué, lors d'une conférence de presse ce mardi midi, être sans nouvelle de son frère depuis qu'il a commencé sa grève de la soif. " Ma mère a attendu pendant dix heures hier devant les portes de la prison pour lui donner une lettre hebdomadaire. Ils ne lui en ont pas donné une seule ", a-t-elle indiqué. " Quoi qu'il arrive, Alaa a remporté le combat symbolique ".

La prise de parole a été perturbée par l'intervention orale, lors des questions réponses, de deux hommes. L'un d'eux est l'avocat et parlementaire d'un parti pro-pouvoir Amr Darwich. " On parle d'un citoyen égyptien détenu de droit commun, pas d'un détenu politique, n'essayez pas de vous servir de l'Occident contre l'Égypte ", a-t-il déclaré micro en main. Alaa Abdel Fattah " s'en est pris à l'armée et à la police de son pays ". Le député a été sorti par des agents de sécurité de l'ONU. À la sortie, les médias, déjà nombreux dans la salle, s'étaient massivement regroupés pour attendre. RFI y était.

"Alaa a arrêté de boire de l'eau depuis 50 heures. Il est en grève de la faim partielle depuis plus de 200 jours et désormais, il a totalement arrêté de se nourrir. Depuis qu'il ne boit plus d'eau, nous ne savons rien de son état de santé. Nous avons demandé au gouvernement britannique de nous fournir une preuve de vie mais nous n'en avons ont pas obtenu. Et ma mère va à la prison, elle y est allée hier toute la journée, elle est toujours devant les portes de la prison à l'heure où je vous parle. Elle attend cette preuve de vie que nous n'obtenons pas. Et nous appelons le gouvernement britannique à sauver son ressortissant. Ce n'est pas fini, tant qu'il est en vie, on peut le sauver."

Jeanne Richard

ILS FONT LA COP. Rencontre avec... Asad Rehman

Engagé depuis près de vingt ans dans les mouvements de justice climatique, le Britannique Asad Rehman est une figure médiatique dans la galaxie des mouvements écologistes anglo-saxons. Il dirige l'ONG War on Want de lutte contre la pauvreté, créée en 1951. Aujourd'hui, il était aux côtés de la sœur d'Alaa Abdel Fattah, dans le cadre de la campagne de soutien en faveur du militant égyptien. Pour lui, le combat pour le climat n'est pas qu'une question de carbone et d'ours polaires. Une rencontre à découvrir ici.

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