Afrique: Pourquoi le Qatar s'oppose-t-il à la création d'un fonds d'indemnisation des travailleurs migrants ?

communiqué de presse

À quelques jours du coup d'envoi de la Coupe du monde, la FIFA réfléchit encore au bien-fondé d'un fonds d'indemnisation

Michael Page

Directeur adjoint, div. Moyen-Orient et Afrique du Nord

Minky Worden

Directrice des Initiatives mondiales

Le ministre du Travail du Qatar, Ali bin Samikh Al Marri a rejeté aujourd'hui la création d'un fonds d'indemnisation pour les travailleurs migrants blessés ou tués.

Par ce refus, Al Marri fait fi des critiques de plus en plus nombreuses qui mettent en cause le bilan du Qatar en matière de droit du travail et appuient les travailleurs migrants qui ont subi des abus alors qu'ils bâtissaient l'infrastructure qui permettra d'accueillir la Coupe du monde de football. Le ministre a préféré mettre l'accent sur les récentes réformes du travail entreprises par son pays et a exprimé ses doutes sur la faisabilité d'un tel fonds d'indemnisation.

Si le Qatar a bien mis en place des réformes sensibles, les recherches de Human Rights Watch montrent qu'elles ont été tardives, de portée limitée ou peu appliquées : de nombreux ouvriers qui ont pris part aux travaux de construction des infrastructures de la Coupe du monde n'en ont pas bénéficié.

De même, les autorités qataries, tout comme les pays d'origine des ouvriers disposent bien de données et d'informations relatives aux traitements subis par les travailleurs migrants, y compris sur leur éventuel décès. Un fonds d'indemnisation permettrait de renforcer les régimes actuels de réparation et de toucher davantage d'ouvriers, y compris ceux qui cherchent à se faire verser les salaires qui leur ont été volés. Il bénéficierait également aux familles des ouvriers qui sont morts dans des circonstances que les autorités qataries n'ont pas cherché à élucider, ce qui les aiderait à subvenir à leurs besoins et à scolariser leurs enfants.

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Quelle que soit la réponse du Qatar, il incombe à la Fédération internationale de football, la FIFA, d'agir, elle en a les moyens.

À l'audience du Conseil de l'Europe consacrée au droit du travail au Qatar, qui s'est tenue le 13 octobre dernier, le secrétaire général adjoint Alasdair Bell a déclaré que la FIFA était " ouverte à la mise en place d'un dédommagement ".

Le groupe de travail de l'Union européenne des associations de football (UEFA) sur les droits des travailleurs au Qatar a rencontré la FIFA et l'a invitée à répondre aux appels à indemniser les travailleurs migrants avant la fin du mois d'octobre. En juin, la FIFA avait déjà déclaré à l'UEFA " réfléchir à des mécanismes de réparation " en vue de lui répondre sous quelques semaines.

Ces appels à dédommager les travailleurs migrants qui ont subi des violations de leurs droits alors qu'ils faisaient sortir de terre les infrastructures de la Coupe du monde sont sans précédent : même les fédérations de football, les sponsors, les dirigeants politiques, les joueurs et les supporters y joignent leurs voix. Des travailleurs migrants ont bravé les risques de représailles pour faire connaître les injustices dont ils ont été victimes.

La FIFA a depuis longtemps abondé à des fonds spéciaux pour soutenir des projets faisant suite à la tenue de la Coupe du monde. Elle a par exemple alloué au moins 260 millions de dollars étasuniens à d'anciens hôtes de la Coupe du monde comme l'Afrique du Sud (100 millions de dollars), le Brésil (100 millions de dollars) et la Russie (60 millions de dollars).

Alors que le lancement de la Coupe du monde approche, la FIFA devrait s'engager dès à présent à indemniser chacun des ouvriers qui a souffert pour que cette compétition ait lieu.

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