Tunisie: Le réalisateur Marocain Mohammed Abderrahmane Tazi, à La Presse - " Nos cinémas gagneraient beaucoup à penser la collaboration Sud - Sud "

9 Novembre 2022
interview

Son film " Fatema, la sultane inoubliable " a fait l'ouverture des JCC cette année et il est également président du Jury dans la section longs et courts métrages de fiction . Les JCC lui ont également rendu hommage . Le réalisateur Marocain Mohamed abderrahmane Tazi nous a accordé cet entretien.

" Fatema, la sultane inoubliable " votre dernier film qui a fait l'ouverture des JCC est un biopic, un genre rare dans nos cinémas arabe et africain ...

Du vivant de Fatema Mernissi je l'accompagnais beaucoup. Nous étions dans la même mouvance aussi bien sur le plan sociologique que sur le plan des recherches . Je lui ai proposé de faire un film (documentaire ) sur elle surtout lorsqu'elle avait obtenu en 2003 le prix des Asturies et l'Erasmus en 2004, mais elle a refusé. " Ce n'est pas moi qui suis importante, ce sont mes livres ". Après sa mort c'est comme s'il y avait une mission que je n'ai pas remplie. Il fallait faire quelque chose sur cette icone marocaine et arabe classée parmi les cent femmes influentes dans le monde .

Cela dit un biopic est difficile. Il est d'autant plus difficile que lorsque vous le réalisez après quatre ou cinq ans de la disparition d'une personne . Parcque beaucoup de ses amis sont vivants et qu'il faut respecter le caractère de chacun pour qu'il n'y ait aucune forme de contestation . C'est l'une des rares fois où le cinéma arabe s'intéresse à des grandes figures de l'histoire.

Le fait que Fatema Mernissi soit votre cousine vous a facilité l'écriture ?

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Évidemment ! C'était plus simple pour moi de raconter ce que j'ai vécu avec elle et d'adopter le point de vue à travers mon subjectif. Même avec cela il y avait un tri difficile à faire.

Dans le film il y a un volet important sur son travail sur la religion...

Sa recherche et ses travaux étaient en rapport avec la position de la femme dans le Coran et la " Sira " du prophète . Elle a travaillé sur ce sujet en essayant de le décanter de tous les tabous qui existent autour de lui . En parlant du voile par exemple, elle explique qu'il n'a jamais été une obligation. Il y a des choses qui sont entrées dans la pratique de la religion et qui n'ont rien à voir avec les recommandations du Coran .

Peut-on dire que c'est un film sociologique ?

Je ne crois pas. Mais je vous dis sincèrement que c'est ma propre vision sur un personnage (qui était aussi sociologue) dans ses activités durant quarante ans . Mais je ne peux pas dire que c'est un film sociologique. C'est une vision avec comme toile de fond le Maroc qui évolue pendant quarante ans puisqu'on passe d'une époque à l'autre dans le film. Le fil conducteur de cette quarantaine d'années est Fatema Mernissi.

Ce film est monté par la tunisienne Kahena Attia ce qui est un parfait exemple d'une rare collaboration Sud- Sud ...

Tout à fait ! Avec Kahena Attia c'est une collaboration pérenne en ce qui me concerne. En 1991 j'étais aux JCC avec mon deuxième film " Badis ". Kahena est venue me féliciter pour mon film après la projection. C'est là que j'ai appris qu'elle était monteuse . Je lui ai demandé quel film elle avait monté et elle m'a répondu "Sabots en Or" de Nouri Bouzid . C'est un film que j'apprécie beaucoup. Et je lui ai répondu "Mon prochain film c'est vous qui allez le monter !". Depuis, c'est Khena Attia qui est la monteuse de tous mes films.

Qu'est ce qui explique la pérennité de cette collaboration ?

Il y a d'abord un point de vue partagé sur la vision d'une société. Cette harmonie est très importante. Le montage est une part très importante de la création et la cheffe monteuse a un apport capable de transformer mes films de fond en comble. Parfois un réalisateur s'attache beaucoup à certaines scènes qui le racontent en quelque sorte et Kahena est intraitable lorsqu'une séquence ne répond pas à un rythme ou à une nécessité et elle arrive à me convaincre pour l'enlever. C'est une entente parfaite. Après trente ou quarante ans à travailler avec une personne on devient visionnaire de ce qu'elle veut mettre à l'écran et Kahena arrive à saisir tout cela . C'est aussi un exemple sur le plan de la création de cette collaboration Sud-Sud . Nos cinémas africains et maghrébins gagneraient beaucoup à penser la collaboration Sud -Sud.

Cela fait des années que vous n'êtes pas venu au JCC . Quelle est votre évaluation de cette session d'autant plus que vous êtes membre du Jury?

Je suis très satisfait de cette sélection des membres du jury . Je ne suis pas revenu pendant au moins 15 ans pour les JCC, mais je retrouve l'ambiance et je retrouve surtout cette motivation du public pour le cinéma qui fait la file devant les salles de cinéma . Cela me fait un grand plaisir. C'est la phase la plus importante et qui manque au cinéma arabe. Le fait de voir des jeunes dans ce public cela donne espoir pour le futur de ce cinéma qui a disparu à cause de la télévision et du piratage. Je rends hommage à Tahar Cheriaa qui nous a permis d'être dans le monde cinématographique international avec nos idées et nos images .

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