Sénégal: Quartier Ndiolofène à Saint-Louis - Une belle cohabitation entre Wolofs et Bambaras

9 Novembre 2022

Ndiolofène, situé dans le faubourg de Sor à Saint-Louis, est un quartier dont la partie nord a accueilli, depuis les années 1800, une grande communauté bamanan (bambara) de l'ethnie malienne Sénéfo.

Tandis que la partie sud a reçu une forte communauté du Djolof depuis la nuit des temps. Dans ce Grand Ndiolofène, les Wolofs, les Bambaras et d'autres ethnies sénégalaises continuent de cohabiter dans la paix, l'unité et la cohésion.

SAINT-LOUIS- En cette belle matinée du jeudi 3 novembre 2022, nous sommes sur la digue de Ndiolofène. Il fait 12h30. Un bouquet de nuages charmants fleurit le ciel. Le Soleil oblique darde ses rayons sur ce petit bras du fleuve et ce quartier de Sor. La digue-route qui ceinture ce terroir est écrasée de chaleur. Le visiteur est obligé de mettre ses mains en abat-jour pour avancer.

Par tous les moyens, on recherche l'ombre. Entre le garage des mécaniciens automobile, le parcours sportif aménagé par la municipalité et le tronçon routier qui débouche sur la médiatrice principale communément appelée " Coumba Dieng ", Ndiolofène est à nos pieds. Ici, nous avons une superbe vue panoramique qui n'a pas encore fini de nous émouvoir. Juste à l'entrée de cette avenue, nous avons droit à un spectacle beau.

Plus loin, devant un chantier de reconstruction d'une vaste concession, deux jeunes ouvriers maçons, bien habillés, dorment d'épuisement sur un tas de gravats. Notre interlocuteur à la voix rauque qui ricoche sur l'écho du vent est un sportif passionné. Ce colosse aux bras nus jusqu'aux épaules se déplace à l'aise et à grandes foulées sur ses espadrilles. Pour répondre à nos questions, il nous désigne du doigt une jeune fille qui jette dans tous les sens un regard à la dérobée.

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Cette dernière est disposée à nous indiquer le domicile de Demba Sangaré, délégué de quartier de Ndiolofène Nord, ex-Sénéfobougou. Quelques instants plus tard, nous avons la chance de retrouver devant la maison du délégué, son collègue de quartier de Ndiolofène Sud, El Hadj Mamadou Khaly Sow, assis sur une chaise en attendant le retour de son collègue chef de quartier, qui habite à côté de l'école primaire Insa Coulibaly (ce dernier était un grand intellectuel, un ancien Inspecteur de l'éducation, un frère d'Alioune Badara Coulibaly, actuel président du Cercle des écrivains et poètes de Saint-Louis).

Présence des Djolof-Djolof

El Hadj Mamadou Khaly Sow, un octogénaire très disponible, accepte de remonter avec nous l'histoire de ce quartier, en rappelant la présence des Djolof-Djolof dans ce terroir, qui date de très longtemps.

Selon le vieux El Hadj Mamadou Khaly Sow, Ndiolofène viendrait du terme Diolofène, qui signifierait l'endroit où ces habitants du Djolof étaient installés. Au fil du temps, Diolofène s'est transformé en Ndiolofène. Il a fait savoir que de nombreuses localités de notre pays portent le nom de Ndiolofène, en nous citant l'exemple de Ndiolofène Diourbel. Il évoque aussi le vieux Mademba Diouf, qui a été en 1938, le délégué de quartier de ces deux Ndiolofène de Saint-Louis, jusqu'en 1965.

Lorsque les autorités municipales ont scindé, en 1965, en deux ce grand Ndiolofène, Mademba Diouf a été maintenu comme chef de quartier de la partie nord, ex-Sénéfobougou. Si on tient compte de ses deux fonctions de chef de quartier du Grand Ndiolofène et ensuite de Ndiolofène Nord, on se rendra compte qu'il a régné pendant 48 ans, de 1938 à 1986, souligne El Hadj Mamadou Khaly Sow. En 1965, Abdou Karim Gueye fut nommé chef de quartier de Ndiolofène Sud.

Le délégué de quartier, Demba Sangaré, 74 ans, ancien gérant de magasin de commerce à Peyrissac, semble confirmer ces propos, précisant avoir remplacé depuis 25 ans El Hadj Moussa Diarra, qui fut le successeur de Mademba Diouf à Ndiolofène Nord.

Plus explicite, Demba Sangaré a laissé entendre qu'à Ndiolofène Sud, les Djolof-Djolof, vers 1890, avaient l'habitude de quitter leur localité natale, à dos de chameau, pour venir chercher du sel dans le Gandiolais. À force de fréquenter cette zone, ils finirent par s'y installer.

Sénéfobougou, fief des Bambaras

Quant à Ndiolofène Nord, a-t-il souligné, il abrite près de 10.000 habitants. Il s'appelait vers 1800, Sénéfobougou et a été créé par une forte communauté bambara qui venait d'une région située entre le Mali et la Haute-Volta (actuel Burkina Faso). " Il s'agissait notamment des Diarra, appelés Ndiaye par les Wolofs, Traoré ou Diop, Koné, Sidibé, Coulibaly, etc. ", informe Demba Sangaré. Le premier chef de village de Sénéfobougou, poursuit-il, était Diatigui Niouma Coulibaly. À Ndiolofène, a-t-il poursuivi, ces Bambaras musulmans et chrétiens parvenaient à conserver leurs traditions, leurs valeurs culturelles, us et coutumes.

À Sénéfobougou, les Bambaras avaient l'habitude d'organiser des week-ends culturels autour des danses populaires dénommées le Kiring (destiné aux notables), le Guéré (qui permettait aux jeunes et aux femmes de se défouler). C'était l'occasion, informe Demba Sangaré, pour le jeune garçon d'esquisser des pas de danse vers la jeune fille qui pouvait devenir son épouse ; c'était une forme de chorégraphie expressive, pleine de sens, une manière très galante et respectueuse de déclarer son amour à cette dernière.

Selon M. Sangaré, c'était la sortie du Como (le Coma comme l'appelaient les Wolofs), qui était organisée avec la permission des autorités coloniales, qui aura marqué d'une empreinte la présence des Bambaras à Saint-Louis. Le Coma est la version bamanan du Kankourang mandingue, qui sortait les samedis à partir de minuit. Seuls les initiés pouvaient avoir une idée précise de la nature de son apparition. Jusqu'à présent, ils n'ont jamais dévoilé ce secret. À partir de minuit, toutes les lampes étaient éteintes dans toutes les concessions de la ville. La parade du Como s'effectuait dans une obscurité totale jusqu'à 5 heures du matin. Elle était accompagnée de chants, de danses, de cris stridents, d'un bruit assourdissant.

Pour reprendre les termes de Demba Sangaré, " les jeunes avaient l'habitude de plaisanter en disant à leurs amis, aujourd'hui, avec la sortie du Como, personne n'osera aller à Pithios (au cinéma), hélas, avec l'éclairage public, cette tradition a disparu et on n'en parle plus dans ce quartier ".

Gestion des ordures, pavage et éclairage public : Le satisfecit des populations

Le Maire de Saint-Louis Amadou Mansour Faye et sa famille habitent Ndiolofène. Une localité qui a bénéficié au même titre que les 33 autres quartiers de la vieille cité de la politique relative à la gestion des déchets, au pavage des rues et à l'éclairage public, mise en œuvre par la municipalité.

Le jeune boutiquier, Yéroyel Sow, nous fait comprendre qu'il opère depuis trois ans à Ndiolofène, à quelques encablures de la digue-route : " Même si je ne fais pas de la politique, je peux au moins vous dire que les tas d'immondices qui jonchaient le sol sur la berge ont disparu, grâce au travail de nettoiement entrepris régulièrement par les autorités ". Dans le même sens, Rokhaya Samb, vendeuse de cacahuètes, ne cache pas sa satisfaction de voir un système performant d'éclairage public mis en place par la municipalité, lui permettant d'écouler en toute quiétude sa marchandise jusqu'à 23 heures.

" Ici à Ndiolofène, les rues transversales, les avenues des Grands Hommes et Thierno Ousmane Sy sont éclairées par des lampes solaires, durant toute la nuit, ce qui nous permet de vaquer tranquillement à nos occupations ", avoue Rokhaya Samb.

Mourchid Ahmed Iyane SY (1913-1984) : Un géant de l'islam et de la poésie

Le grand Gamou annuel de Ndiolofène, organisé chaque année par la famille de Feu Thierno Ousmane Sy, occupe une place importante dans la vie culturelle de ce quartier. Le Doyen Abdou Aziz Bathily, ancien Professeur de Photographie au Cesti et membre actif du comité d'organisation de cet événement religieux de grande envergure, revient ici sur la vie du Murchid Ahmeth Iyane Sy. Né le 17 avril 1913 à Saint-Louis, cet érudit, grand Saint de l'islam, guide spirituel, éducateur émérite, est aussi l'un des plus grands poètes d'expression arabe du Sénégal.

À en croire M. Bathily, l'importance qu'il accordait au savoir et à l'acquisition des connaissances explique probablement la décision de Ahmed Iyane Sy, en 1947, d'envoyer ses frères, El Hadj Malick Iyane Sy (1915-1973) et Moustapha Iyane Sy (1916-1990), poursuivre leur formation à l'étranger. Ces derniers iront au Maroc et en Algérie pour des études supérieures et deviendront par la suite des fonctionnaires de l'Administration coloniale, puis des diplomates en Arabie Saoudite après l'accession du Sénégal à l'indépendance.

Ayant reçu une solide formation religieuse auprès de plusieurs maîtres, parmi lesquels son père, le bras droit et disciple de celui-ci, Thierno Mody Adj et Thierno Seydou Nourou Tall, Mourchid Ahmed Iyane Sy a été, à son tour, un grand éducateur et a orienté de nombreux fidèles sur le droit chemin. Plusieurs générations d'apprenants ont bénéficié de ses enseignements en fréquentant son école coranique.

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