Maroc: Etablir la norme pour le financement climatique

La Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27) qui se tient en Egypte est le premier sommet de ce type organisé sur le sol africain depuis 2016. Cela fait de ce rassemblement un cadre idéal pour que les dirigeants mondiaux tiennent leurs promesses antérieures et annoncent un plan global pour atténuer les pires effets du changement climatique sur les pays du Sud.

Fournir aux pays en développement le financement dont ils ont besoin pour atteindre l'objectif de zéro émission nette est essentiel pour réaliser la justice climatique. Pour assurer une croissance inclusive et durable, il faudra investir des milliers de milliards de dollars dans l'énergie propre et les infrastructures vertes. Mais ce n'est que par des investissements de cette ampleur que nous pourrons atteindre l'objectif central de l'accord de Paris sur le climat de 2015 de limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2° Celsius, par rapport aux niveaux préindustriels.

Heureusement, depuis la signature de l'accord de Paris, les investisseurs institutionnels sont de plus en plus conscients que le changement climatique pourrait affecter de manière significative les résultats des entreprises et ont intégré les facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et de durabilité dans leurs analyses et valorisations des risques.

Mais aussi importantes et louables soient-elles ces mesures ne suffisent pas. L'élaboration de normes mondiales de divulgation des risques climatiques marque la prochaine étape de la lutte contre le changement climatique. A cette fin, nous devons fusionner la soupe alphabétique actuelle des différentes directives ESG et de durabilité en un seul cadre obligatoire. L'International Sustainability Standards Board (ISSB) et les normes de reporting sur la durabilité (ESRS) proposées par l'Union européenne, qui visent à créer des règles et des critères clairs pour les divulgations liées à l'ESG, sont tous deux des pas dans la bonne direction.

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Les normes obligatoires telles que l'ISSB et l'ESRS jouent un rôle simple mais puissant en créant un critère pour mesurer l'impact climatique de l'activité des entreprises. En fournissant aux entreprises du monde entier des outils partagés pour rendre compte de leurs émissions de gaz à effet de serre et mesurer les risques liés au climat, ils uniformisent les règles du jeu pour les investisseurs et les institutions financières, les aidant à prendre des décisions plus éclairées.

Bien qu'il y ait suffisamment de richesses dans le monde pour résoudre tous les problèmes de développement auxquels sont confrontés les pays à revenu faible ou intermédiaire, cela nécessiterait des marchés de capitaux locaux dynamiques et liquides. A cette fin, nous devons développer des normes mondiales qui permettraient des flux de capitaux sans entrave du Nord vers le Sud.

Les pays en développement, pour leur part, reconnaissent l'importance et les avantages potentiels des normes de divulgation mondialement acceptées. En septembre, un groupe de ministres africains des Finances, de l'Economie et de l'Environnement a publié une déclaration conjointe saluant le travail de l'ISSB. Le document exhorte les pays africains à travailler avec l'organisation pour introduire une "base mondiale de divulgation de la durabilité", ajoutant que "l'adoption précoce par les juridictions et les entreprises africaines a le potentiel d'attirer plus d'investissements et de stimuler le développement du secteur privé en Afrique".

Tout cadre de développement durable mondial doit intégrer des pays comme l'Inde, la Chine, le Brésil, le Nigeria, le Bangladesh et le Kenya. En adoptant de telles normes, les entreprises des pays vulnérables au climat pourraient devenir plus attrayantes pour les investisseurs mondiaux.

Toutefois, c'est plus facile à dire qu'à faire. Pour que les pays en développement imposent des normes de durabilité obligatoires, ils devraient d'abord former les régulateurs, les membres du conseil d'administration, les dirigeants d'entreprise, les comptables, les auditeurs, les analystes financiers, les cabinets comptables et les investisseurs à l'utilisation de ces cadres. Ils devraient également moderniser leurs systèmes de technologie de l'information et adopter des politiques pour s'adapter à ces changements. La communauté internationale doit soutenir et conseiller les pays vulnérables au changement climatique alors qu'ils renforcent ces capacités cruciales.

Mais le temps presse. Étant donné le besoin urgent d'adopter des normes mondiales obligatoires en matière de durabilité, la communauté internationale doit coordonner ses politiques pour tirer parti des ressources et des programmes existants. Les organisations multilatérales de développement telles que les Nations Unies, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'OCDE sont essentielles à ce processus, tout comme les associations professionnelles, les groupes industriels, les institutions universitaires et les fondations. De même, les nouveaux médias et les plateformes numériques pourraient permettre aux normalisateurs d'atteindre des millions d'utilisateurs potentiels.

De la signature de l'accord de Paris lors de la COP21 au lancement de l'ISSB lors de la COP26 l'année dernière à Glasgow, le monde a fait des progrès significatifs dans la traduction des objectifs climatiques en actions concrètes. Nous devons nous concentrer sur les pays du Sud et veiller à ce que les pays en développement obtiennent les investissements dont ils ont besoin pour atteindre l'objectif escompté sans sacrifier la croissance future.

Les dirigeants mondiaux devront reconnaître que le changement climatique ne concerne pas uniquement l'Europe, les Etats-Unis et la Chine. La bataille climatique sera gagnée ou perdue dans des pays comme la Colombie, le Nigeria et l'Inde. Cette conférence offre aux pays les plus riches du monde la possibilité de mettre leur argent là où ils le disent.

Bertrand Badré, ancien directeur général de la Banque mondiale, est PDG et fondateur de Blue like an Orange Sustainable Capital

Jingdong Hua, ancien vice-président et trésorier de la Banque mondiale, est vice-président de l'International Sustainability Standards Board.

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