Madagascar: Biodiversité de Madagascar - Un poids économique considérable

À l'heure où le monde entier se retrouve à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour discuter du réchauffement climatique et de la préservation de l'environnement, dans le cadre de la COP 27, l'Express de Madagascar s'intéresse au poids économique de la riche biodiversité malgache qui est appelée à contribuer fortement à l'atteinte des objectifs d'émergence durable.

Lors de ses deux interventions, ce lundi, à l'occasion de la 27e Conférence des Nations Unies pour le Climat, le président Andry Rajoelina n'a pas manqué de rappeler que Madagascar dispose d'une biodiversité unique au monde qu'il faudrait préserver jalousement. Mais elle a aussi besoin d'être mise en valeur à travers des initiatives de développement durable, au bénéfice des populations et de l'économie du pays. Pour sa part, le président français, Emmanuel Macron, a souligné dans son discours que " la bataille pour le climat est, de manière indissociable, une bataille pour la biodiversité ".

À savoir que l'utilisation du terme biodiversité, contraction de biologique et diversité, est relativement récente si la biodiversité en elle-même est très ancienne. La diversité biologique d'aujourd'hui vient de la longue évolution du monde vivant sur la planète, depuis les premiers organismes vivants connus il y a 3,5 milliards d'années. D'après les chercheurs, la biodiversité est le tissu vivant de notre planète. Cela comprend l'ensemble des milieux naturels et des formes de vie (plantes, animaux, bactéries, etc.), ainsi que leurs interactions. Actuellement, l'écosystème malgache compte environ douze mille espèces de plantes, trois cent soixante-trois espèces de reptiles, deux cent trente-huit espèces d'amphibiens, deux cent quatre vingt-trois espèces d'oiseaux, cent soixante-cinq espèces de poissons et quatre vingt dix-neuf espèces de lémuriens. Des richesses qui pèseraient plusieurs dizaines de milliards de dollars.

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L'évaluation et la valorisation économique des ressources issues de la biodiversité font partie des instruments mis en œuvre dans le cadre de la matérialisation de la politique environnementale malgache. Elles se conforment à une tendance mondiale qui consiste à mettre l'accent sur les stratégies permettant conservation de la biodiversité et développement. Plusieurs études ont été ainsi menées ces dernières années pour évaluer le poids et l'apport économique de la biodiversité de la Grande île.

Il est cependant utile de constater qu'à Madagascar, l'importance économique de la biodiversité est encore méconnue et largement sous-estimée par les populations. De cette méconnaissance surviennent souvent des remises en cause des initiatives de protection et de valorisation du patrimoine naturel, comme la création des aires protégées. Au sujet de ces dernières, une étude récente s'est penchée sur les services et produits qu'elles fournissent à l'échelle locale, nationale et mondiale.

Ce document, selon la Fondation pour les aires protégées et la biodiversité de Madagascar (FAPBM), s'adresse aux forces vives de la nation, aux autorités nationales et locales, à la société civile, aux hommes d'Églises, aux médias, aux intellectuels, à la jeunesse, etc. Il a été conçu pour les aider à intégrer au mieux la valeur de nos richesses naturelles dans la prise de décision politique et financière. Les résultats de l'étude démontrent qu'un développement durable à Madagascar passera inéluctablement par le développement des aires protégées et de la biodiversité.

Hotspot hautement menacé

Madagascar, en tant que hotspot de premier plan en biodiversité, possède plus d'espèces uniques de plantes et d'animaux- dont plus de 80% ne se trouvent nulle part ailleurs- que sur l'ensemble du continent africain. En raison de cette spécificité exceptionnelle de ses espèces, la perte d'un hectare de forêt dans le pays peut avoir un effet plus important sur la biodiversité qu'une perte de forêt ailleurs sur terre, faisant probablement de Madagascar la plus haute priorité de la planète en matière de biodiversité. Selon les partenaires techniques et financiers (PTF), les ressources écologiques constituent une richesse considérable, mais elles subissent des menaces de grande ampleur.

La pauvreté, aggravée par un taux de natalité élevé et des pratiques d'aménagement peu durable des terres, est un élément déterminant des menaces multiples auxquelles fait face la riche biodiversité de Madagascar. L'accroissement rapide de la population augmente la demande en terres et en ressources naturelles, tandis que la dégradation de l'environnement, due notamment à la culture sur brûlis et à la collecte du bois de chauffage, détruit les ressources de la biodiversité et rend certaines zones improductives à d'autres usages. L'exploitation forestière illégale, la pêche illicite et l'exploitation des plantes et des animaux menacés aux fins de trafic aggravent la situation de jour en jour.

Les populations locales sont de plus en plus indifférentes aux activités de subsistance respectueuses de l'environnement, afin de satisfaire des besoins immédiats de survie. Outre ces sources de préoccupation, les impacts du changement climatique menacent également le bien-être de la biodiversité du pays et de ses habitants. De par sa situation géographique, Madagascar est régulièrement soumis à des cyclones qui endommagent les écosystèmes, particulièrement sur les côtes, et le changement climatique devrait monter en gravité.

Les précipitations dans certaines régions du pays vont s'intensifier et provoquer une recrudescence des inondations et de l'érosion, tandis que les précipitations dans le Sud vont encore diminuer et devenir plus imprévisibles. La sècheresse prolongée dans cette partie de l'ile a déjà causé des souffrances considérables aux habitants et le lourd tribut à payer sur le long terme, sur les ressources biologiques de la région, doit encore faire l'objet d'une évaluation. L'augmentation du niveau de gaz carbonique dans l'atmosphère produit un réchauffement et une acidification des océans qui menacent les écosystèmes coralliens et les autres habitats marins à forte valeur économique et écologique. Enfin, l'élévation du niveau de la mer autour de Madagascar, qui a le littoral le plus long de tous les pays d'Afrique, font subir aux communautés et aux habitats des dégâts encore plus importants à cause des cyclones et des inondations, et contraindront les habitants à se déplacer.

Les aires protégées au centre du jeu

Pour les acteurs de la protection et de la valorisation nos richesses naturelles, les aires protégées tiennent un rôle de premier plan dans le volet économique et financier de la question de la biodiversité. Ces territoires délimités, terrestres ou aquatiques, possédant une importante valeur biologique et économique, comprennent les parcs nationaux et naturels, les réserves spéciales, les monuments naturels ou encore les paysages harmonieux protégés. Les aires protégées terrestres abritent principalement des forêts (humides, sèches ou épineuses), les zones humides et les savanes. Elles sont généralement entourées de " ceintures vertes " à gestion communautaire locale. Quant aux aires protégées marines, elles se composent principalement des eaux marines côtières, de récifs coralliens, de mangroves et de plages à zones de pêche associées, souvent intégrées ou contigües à des Aires marines gérées localement (AMGL).

La FAPBM explique que les services éco-systémiques sont les bénéfices que les populations tirent de la nature. Ces services sont encore considérés par un grand nombre comme sans valeur et intarissables. Or, les experts soutiennent que sa valeur est considérable. Pour obtenir un aperçu de la valeur de ces services éco-systémiques, ces mêmes experts ont effectué des estimations monétaires. Ainsi, rien que pour les ressources halieutiques dont bénéficient les Malgaches, grâce à la mise en place de réseaux d'aires protégées, elles sont évaluées à 719 milliards d'ariary (soit 182 millions de dollars) par an.

Au niveau national, les aires protégées contribuent aux secteurs économiques nationaux clés. La contribution économique nationale des aires protégées à Madagascar représente environ 450 millions USD par an, soit une moyenne de 59 USD par hectare et par an. Parmi les intrants essentiels qui soutiennent les économies, un nombre remarquablement élevé provient des aires protégées. Les secteurs économiques circulaires importants du tourisme, de l'énergie, de l'environnement, de la santé, de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche bénéficient à plusieurs niveaux du réseau des aires protégées de Madagascar. Les sources hydrauliques issues des aires protégées approvisionnent en eau potable les communautés locales, les populations urbaines, mais aussi les entreprises. Les aires protégées sécurisent aussi les sources et les bassins-versants à proximité des stations hydroélectriques contre l'ensablement et le tarissement d'eau.

On sait également que l'écotourisme dans les aires protégées favorise la création d'emplois verts à la fois directs et indirects, et contribue à pourvoir des devises. Pour l'agriculture, les aires protégées appuient la résilience agricole sous différentes formes, comme la distribution de semences ou plantules, l'irrigation agricole, le contrôle de l'érosion des sols et la pollinisation des cultures. Les lacs et les réservoirs au sein des zones humides protégées contribuent à la durabilité du rendement de la pêche et au développement de l'économie bleue. Sans oublier que les aires protégées captent et stockent un volume important de carbone à commercialiser sur le marché international, et pouvant devenir une source non négligeable de financements et d'emplois, à travers des activités de conservation des écosystèmes.

VERBATIM

Marie-Orléa Vina, ministre de l'Environnement et du développement durable

" Nous plaidons actuellement pour une campagne de levée de fonds commune qui inclurait les gestionnaires des aires protégées et le ministère. Une étude récente montre que les investissements annuels dans la conservation et la gestion des aires protégées et de la biodiversité sont inférieurs à 50 % de ce qui est nécessaire pour une bonne gestion, et la plupart de ces investissements sont des projets à durée déterminée. "

Alain Liva Raharijaona, directeur exécutif de la Fondation pour les aires protégées et la biodiversité de Madagascar (FAPBM)

" Madagascar possède une biodiversité de grande valeur et ayant un poids économique considérable. Mais il faut aussi investir massivement dans la protection de notre patrimoine naturel. Au niveau de la FAPBM, le financement se fait annuellement et est destiné à la conservation des aires protégées pour permettre à la biodiversité de jouer pleinement son rôle de levier de développement de Madagascar. Il s'agit d'apporter le soutien nécessaire pour faire fonctionner les sites de façon pérenne et durable. Le financement de chaque site varie entre 100 et 300 millions d'ariary dépendant de la biodiversité à conserver et de la superficie des aires protégées. "

Financement de la biodiversité - Une initiative multipartite

L'Initiative pour la finance de la biodiversité (Biofin) est menée sous l'égide du ministère de l'Environnement et du développement durable, du ministère de l'Économie et des finances et du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud). L'objectif en est d'identifier des solutions de financement afin de mettre en œuvre les stratégies et plans d'action nationaux pour la biodiversité et d'autres plans liés à la biodiversité. D'après les initiateurs, la Biofin est le fruit d'un partenariat mondial géré par le Pnud, avec notamment le support de la Commission Européenne et des gouvernements d'Allemagne, de Suisse, de Norvège et de Flandre. Pour Madagascar qui abrite environ 5 % de la biodiversité mondiale, c'est le gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne qui apporte, en particulier, son appui financier à la mise en œuvre du projet. Celui-ci privilégie une méthodologie qui vise à améliorer la gestion financière en faveur de la biodiversité et des écosystèmes.

Au cours de la période 2018-2022, les grands chantiers du projet couvriront l'évaluation du contexte politique, institutionnel et économique du financement de la biodiversité à Madagascar, l'analyse des dépenses actuelles en matière de biodiversité, l'estimation du financement nécessaire pour atteindre les objectifs de biodiversité du pays, et la comparaison de cette estimation aux dépenses actuelles relatives à la biodiversité et aux autres ressources disponibles. Au final, un plan de financement pour la biodiversité devrait être élaboré. Il identifiera et mobilisera les ressources et les politiques nécessaires pour mettre en œuvre les solutions de financement appropriées. " L'économie du pays, en général, repose sur les espèces faunistiques et floristiques qui constituent les matières premières pour ses activités de production. Ce qui justifie la place à donner aux valeurs de la biodiversité malgache dans son milieu écologique, son économie, sa société et sa culture ", soutiennent les parties prenantes dans cette initiative.

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