Afrique: Allocution d'ouverture de l'Honorable juge Imani D. Aboud présidente de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des peuples à l'occasion de la 67ème Session ordinaire de la Cour

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ARUSHA, TANZANIE, 7 NOVEMBRE 2022

Honorable Vice-président de la Cour

Honorables Juges de la Cour

Monsieur le Greffier et madame la Greffière adjointe

Mesdames et messieurs les membres du personnel du Greffe

Chers collègues

Je voudrais vous souhaiter, à tous, la bienvenue au siège de notre Cour, à l'occasion de la 67e Session ordinaire de la Cour africaine. Vous êtes tous sans ignorer que lors de la 66e Session ordinaire, nous avons finalisé les recrutements aux postes de Greffier adjoint et de Chef de la division des finances et des ressources humaines. Je voudrais, au nom de tous mes collègues, de l'ensemble du personnel du Greffe et en mon nom personnel, officiellement et une fois de plus, adresser mes félicitations à notre nouvelle Greffière adjointe, Mme Grace Wakio Kakai, qui a pris fonction depuis le 1er octobre 2022. Dans l'esprit des Statut et Règlement du personnel de l'UA, et conformément à la règle 19(2) du Règlement de la Cour, " Au moment de son entrée en fonctions, le Greffier prête serment ou fait [une] déclaration [... ] devant la Cour ". Étant donné que nous sommes à la première Session de la Cour après sa nomination, immédiatement après mon propos liminaire, nous procéderons à une cérémonie solennelle de prestation de serment de Mme Grace Kakai en tant que Greffière adjointe de notre Cour.

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Honorables Juges et chers collègues,

Nous nous retrouvons de nouveau à Arusha pour une énième Session de notre Cour. Nos rencontres trimestrielles constituent désormais un rituel auquel nous sacrifions de plein gré depuis que nous avons fait le serment de servir notre continent. Mais comme je l'ai indiqué lors de la Session précédente de la Cour, nous devons nous interroger sur la nature de notre contribution à l'exécution du mandat de la Cour, en d'autres termes quel a été l'impact de nos activités au cours des 16 dernières années. Comment les personnes que nous sommes censés servir nous perçoivent-elles ? Combien de décisions rendons-nous à chaque session ? etc. Il s'agit là de quelques interrogations auxquelles nous devons nous employer à répondre toutes les fois que nous nous réunissons.

Honorables Juges et chers collègues,

C'est précisément parce que ces questions brûlantes continuent de nous tarauder chaque jour que nous avons décidé d'organiser une " retraite ayant bénéficié de l'appui de facilitateurs " avec notre organe frère, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Ceux d'entre nous qui ont pris part à ces consultations de trois jours seront d'avis avec moi que cette rencontre valait la peine d'être organisée. Nous avons été, pour la première fois, en mesure d'échanger avec les défenseurs et les experts les plus éminents en matière de droits de l'homme et qui continuent de travailler en étroite collaboration avec nos deux organes. Plus important encore, nous avons pu avoir des discussions franches et ouvertes.

Nous n'avons certes pas pu obtenir des engagements sur les questions majeures, mais nous avons convenu d'adopter une Feuille de route qui guidera nos relations à l'avenir. Comme vous le savez tous, nous sommes attachés à la lettre et à l'esprit de la complémentarité et je me suis réjouis d'avoir pu compter sur nos collègues qui ne pouvaient pas effectuer le déplacement, mais qui ont pris part à la réunion en ligne. Nous avons prévu que la Feuille de route sur la complémentarité soit examinée et adoptée officiellement lors de cette Session, afin de pouvoir commencer sa mise en œuvre, en ce qui nous concerne.

Nous continuerons à travailler avec la Commission de Banjul pour continuer à renforcer la complémentarité. Il n'est de secret pour personne que la Cour a été créée pour renforcer les fonctions de la Commission. Dans la mesure où la Cour et la Commission de Banjul ont pour mandat principal de superviser la mise en œuvre et l'application de la Charte, l'absence d'un accord viable sur la complémentarité compromet les résultats des deux institutions.

Honorables Juges et chers collègues,

Avant la Retraite avec la Commission, j'ai conduit une délégation pour une visite de sensibilisation en Éthiopie, dans le but d'amener ce pays à ratifier le Protocole et à déposer la Déclaration. Nous ne sommes, certes pas revenus à Arusha avec une ratification, mais je peux vous assurer que ce n'est qu'une question de temps. Nous avons eu des discussions très fructueuses et prometteuses avec les principales parties prenantes, qui ont bon espoir que le pays ratifiera la Charte à brève échéance. Le moment fort de notre visite a été la signature d'un protocole d'accord avec la Cour suprême d'Éthiopie, le premier de ce type avec un système judiciaire national.

Pendant l'intersession, j'ai également entrepris un certain nombre d'activités de sensibilisation et de mise en réseau avec les partenaires et les parties prenantes concernés, notamment en participant à la 2e Conférence judiciaire annuelle de la Cour de justice de l'Afrique de l'Est qui s'est tenue à Kampala, en Ouganda, du 26 au 28 octobre 2022. J'ai également prononcé un discours lors de la cérémonie d'ouverture de la 73e Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et de la commémoration du 35e anniversaire du démarrage effectif des activités de la Commission.

Honorables Juges et chers collègues,

Comme vous le savez tous, immédiatement après la dernière session, nous avons effectué une visite de pair à pair très fructueuse auprès des juridictions européennes, où nous nous sommes rendus à la Cour pénale internationale, à la Cour internationale de justice et à la Cour européenne des droits de l'homme. Lors de cette visite, nous avons partagé l'expérience de nos travaux, discuté des moyens de collaboration, de coopération et de synergie et de la manière dont nos juridictions devraient renforcer leurs relations. La Cour africaine est, certes, la plus jeune des trois juridictions et a énormément bénéficié de la riche expérience des trois juridictions sœurs des systèmes européens, mais je pense que nous avons également partagé avec elles des expériences précieuses du point de vue africain.

En plus de ce qui précède et au moment où nous approchons de la fin de l'année et que la présente session est la dernière que notre Cour tiendra en 2022, permettez-moi de vous présenter un bref rapport sur ce que nous avons réalisé ensemble au cours de cette année. Au début de l'année, nous avons commencé par institutionnaliser " la rentrée judiciaire de la Cour ", avec un discours d'ouverture prononcé par le Vice-président de la République fédérale du Nigeria. Nous devrions décider, lors de cette session, du ou des orateurs, ainsi que de la nature de l'événement de l'année prochaine, nous avons entrepris 4 visites de sensibilisation aux Comores, en Zambie, en Mauritanie et en Éthiopie, qui, nous l'espérons, aboutiront à la ratification du Protocole et/ou au dépôt de la Déclaration ; nous avons également pu porter, à l'attention de la plus haute personnalité de Tanzanie, à savoir Son Excellence Samia Suluhu Hassan - Présidente de la République Unie, le travail de la Cour et les défis auxquels la Cour est confrontée. À l'issue de cette visite de courtoisie du 10 septembre 2022, nous avons obtenu certaines assurances, notamment la probabilité que la Tanzanie dépose de nouveau la Déclaration, et la construction des locaux permanents de la Cour.

Nous nous sommes engagés dans une diplomatie judiciaire intensive auprès des États membres, du Comité des représentants permanents, des ambassadeurs et d'autres parties prenantes à la CUA sur un large éventail de questions relatives au travail de la Cour dans son ensemble et au bien-être des Juges en particulier. Cette diplomatie nous a permis de rétablir les avantages et le contrat des Juges à leur niveau d'avant Niamey.

Une autre victoire obtenue est la demande de la Cour de présenter une nouvelle structure de son Greffe. Le Greffe y travaille actuellement, et nous espérons qu'une nouvelle structure sera soumise en début d'année prochaine. Il a également été demandé à la Cour d'envisager de soumettre une demande d'amendement du Protocole à l'effet de modifier l'article 34(6).

Le dialogue judiciaire tripartite entre la Cour de la CEDEAO, la Cour de justice de l'Afrique de l'Est et la Cour africaine a été une grande réussite cette année. Au cours de ce dialogue, nous avons eu amplement le temps de discuter et de délibérer sur la manière dont nous pouvons travailler ensemble à la promotion et à la protection des droits de l'homme.

Nous avons tenu une réunion consultative très fructueuse avec le HCDH, à laquelle ont pris part les trois organes de l'UA ayant un mandat en matière de droits de l'homme. Lors de cette réunion, nous avons échangé sur les moyens de collaboration, de coopération et de synergie, et nous avons finalement signé le programme d'échange de personnel entre la Cour, la Commission et le Comité, afin de faciliter l'échange de personnel entre les trois organes.

Honorables Juges et chers collègues,

En dépit des réalisations susmentionnées, notre Cour est toujours confrontée aux défis traditionnels que sont le faible taux de ratification, le peu de dépôts de la Déclaration et la non-mise en œuvre de nos décisions, qui, à mon avis, n'est pas de notre fait. Pour ce qui est des défis internes, il s'agit de réfléchir à la manière de renforcer le Greffe, en particulier les unités des langues et des affaires juridiques, afin de garantir une préparation rapide et de qualité de nos documents de travail. Le Greffe y travaille activement et l'on a enregistré quelques améliorations et une meilleure coordination entre ces deux unités très importantes. Lorsque les projets de documents sont de très haute qualité, le temps passé en délibérations s'en trouve réduit.

Nous devons également veiller à accroître le nombre d'affaires que nous réglons à chaque session. Nous avons un objectif que nous indiquons à l'UA chaque année, sur la base duquel notre budget est adopté et sur la base duquel nous serons évalués afin de fixer le montant de notre prochain budget. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d'être en deçà de l'objectif que nous nous sommes fixés pour chaque année.

Honorables Juges et chers collègues,

Au cours de cette session, nous nous sommes fixés pour objectif de rendre 11 décisions. Il s'agit là d'un léger recul par rapport à notre dernière Session où nous avons réussi à rendre 17 décisions. Nous devons y réfléchir à nouveau et nous assurer que nous utilisons tous les mécanismes à notre disposition, et conformément au Protocole et au Règlement de la Cour, pour garantir que nous rendons la justice aussi efficacement et rapidement possible. J'ai donc grand espoir que nous serons en mesure de rendre davantage de décisions au cours de la prochaine session.

Les autres questions judiciaires qui seront abordées au cours de cette session comprennent : une Feuille de route sur la complémentarité entre la Cour africaine et la Commission africaine, la réunion du Comité de révision du Règlement pour examiner le projet d'Instructions de procédures révisées, le projet de Pratique interne en matière judiciaire révisée et le rapport sur la mise en œuvre des décisions de la Cour.

L'ordre du jour de cette session inclut également une étude comparative sur le nombre d'instances pouvant être jointes aux fins de rendre un arrêt sur lesdites instances jointes et la proposition de rendre un arrêt de ce type dans certaines requêtes dirigées contre la Côte d'Ivoire. Cette étude nous aidera à diligenter le traitement des requêtes qui nous sont soumises.

Des questions non judiciaires (administratives) sont également inscrites au programme de cette session, notamment : un exposé sur la santé, l'examen des propositions de réforme de la Cour, le projet de plan de travail annuel de la Cour pour 2023, le rapport de la visite de la Cour à la Cour européenne des droits de l'homme, à la Cour pénale internationale et à la Cour internationale de justice, la proposition d'adhésion de la Cour africaine au réseau des juridictions supérieures de la Cour européenne des droits de l'homme en tant qu'observateur, un exposé sur la mission/visite de sensibilisation en Éthiopie et les dernières avancées concernant la construction des locaux permanents de la Cour.

Nous avons également consacré quelques jours de la Session à la finalisation des entretiens oraux pour pourvoir le poste régulier d'Interprète/Traducteur de langue portugaise au grade P4 et le poste à durée déterminée de Juriste principal, chargé de la mise en œuvre des arrêts, au grade P3. En outre, certains comités auront l'occasion de se réunir.

Honorables Juges et chers collègues,

Au moment où l'année touche à sa fin, je tiens à féliciter chacun d'entre nous pour le travail accompli et à remercier le greffe et les fonctionnaires qui sont la force motrice de la bonne performance des Juges. Je vous souhaite également une préparation fructueuse de la retraite du personnel de la Cour.

J'ai l'honneur et le privilège de déclarer officiellement ouverte la 67e Session ordinaire de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et je vous souhaite à tous des délibérations fructueuses.

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