Cote d'Ivoire: Pourquoi le PDCI a perdu le Nord

13 Novembre 2022

"On ne peut pas construire une Côte d'Ivoire solidaire puisque c'est leur slogan si nous, on ne peut pas militer au Nord quand vous n'êtes pas du RHDP. Et nos parents et nos frères du PDCI qui sont là-bas sont victimes de cela".

Sur le plateau de PDCI TV, la télé propagandiste en ligne de ce parti politique, un porte-parole du PDCI, s'est fendu de cette déclaration tendancieuse qui tend à faire croire qu'une "interdiction" planerait sur sa formation, dans la partie septentrionale du pays. Pour autant, il ne s'arrête pas là. Et le porte-voix du PDCI d'ajouter : " C'est difficile de militer au PDCI à visage découvert au Nord. Le PDCI a fait appel à des candidatures pour les prochaines élections locales. Mais, il n'y a eu aucun militant du PDCI qui s'est proposé pour défendre le parti dans une des localités du Nord. Et pourtant des ressortissants du Nord se présentent comme candidats aux élections locales du pays".

Naturellement- les faits l'attestent amplement- ces allégations relèvent de la manipulation et ne sont que de pures mensonges. Autrement dit, c'est archi-faux ! Jamais, le PDCI n'a été empêché d'exister dans cette partie, encore moins d'y participer à une élection locale. D'ailleurs, au cas où les actuels dirigeants du vieux parti l'ignoreraient, le PDCI compte des élus au Nord, parmi les conseillers municipaux et régionaux.

L'un des animateurs parmi les plus irréductibles du PDCI, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, en la personne de Jean-Louis Billon, est un élu du Nord. Il est député de Dabakala commune et a battu un candidat du RHDP. Que dire des cadres du PDCI, dont Mme Sita Coulibaly, originaire de la région du Poro ou du Général Ouassenan Koné du Hambol, qui y mènent en toute quiétude et en toute liberté, leurs activités politiques sans qu'ils ne soient troublés par quiconque.

%

C'est vrai, autant une hirondelle ne fait pas le printemps, autant cette présence quasi anecdotique du PDCI dans le Nord ne saurait cacher son absence du terrain politique local. Mais, le constat étant fait, il faut chercher les causes ailleurs. " Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de rage ", dit l'adage. Manifestement, le porte-parole du PDCI cherche des excuses pour justifier le déclin de son parti au Nord. Faut-il le rappeler, pendant les quatre décennies de règne du Président Houphouët-Boigny, le Nord était acquis à sa cause et à celle du PDCI. Le Vieux y recrutait l'essentiel de ses fidèles lieutenants, parmi les plus militants, les plus combatifs et les plus engagés.

Pourquoi ces milliers de personnes ont-elles, subitement, tourné le dos à ce parti quand le Président Bédié en a pris les commandes ? C'est la vraie question que ses animateurs et communicateurs devraient se poser, au lieu de chercher à noyer le poisson. En effet, qu'a fait le PDCI pour renforcer son ancrage au Nord, après la mort d'Houphouët-Boigny ? Rien, absolument rien. Et si on veut être franc - une vérité que les courtisans de Bédié n'aiment pas entendre - c'est le PDCI qui a lui-même sabordé ses fondations au Nord du pays, sous la férule de son mentor. Plutôt que de préserver l'héritage d'Houphouët-Boigny, il a travaillé à déconstruire le capital confiance que le Père de la Côte d'Ivoire moderne avait bâti durant de longues années avec toutes les régions de Côte d'Ivoire.

Avec Bédié, le PDCI est passé, du jour au lendemain, d'un parti de paix à celui de violence, porté par une politique de division, de persécution, de tribalisme supportée par une politique d'exclusion, baptisée " ivoirité ". La cohésion sociale tant prônée par Houphouët-Boigny a fait place à l'autoritarisme sur fond de division. Conséquence, le Nord, qui aspire profondément à la paix et au vivre ensemble, s'est orienté vers le parti qui incarnait, le mieux, ces valeurs qui lui sont chères : le RDR, puis le RHDP aujourd'hui.

Mais, le choix n'a pas été aussi simple que des gens, au PDCI, pourraient le penser. Le RDR n'a pas conquis le Nord sur un plateau d'or. Au contraire, il s'est battu pour s'y imposer car, entre 1994 et 1999, s'afficher comme un militant du RDR au Nord était un crime de lèse-majesté aux yeux du régime Bédié. Combien de militants du RDR n'ont-ils pas été persécutés ou tués à cette époque ? Pour les cadres de l'administration, c'était la suspension, les mutations, voire la radiation. Cependant, malgré toutes ces intimidations, le RDR n'a pas baissé les bras. Il a lutté âprement pour occuper littéralement le terrain. Et ce sont ces acquis que le RHDP préserve aujourd'hui, au Nord du pays en ne dormant pas sur ses lauriers. Ce n'est pas de la magie, il suffit de savoir entretenir la base.

A la vérité, contrairement aux dires de ses dirigeants, si le PDCI a perdu le Nord c'est parce qu'il n'y a pas fait ce qu'il fallait pour y rester. Tout comme à l'Ouest du pays où il avait été évincé par le FPI, sous la gouvernance Gbagbo. Ne pas le reconnaître, c'est faire un mauvais diagnostic pour s'accrocher à de mauvaises solutions. Comme celles que Bédié et ses hommes brandissent en ce moment. Les complaintes mensongères.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.