Tunisie: JCC - Chronique d'une mort annoncée

13 Novembre 2022

Revenir sur l'annualité des JCC après huit ans pour résoudre les problèmes structurels du festival est une aberration.

Quand feu Tahar Cheriaa a fondé le festival en 1966 sous la forme d'une biennale, c'est parce qu'à l'époque les productions arabes et africaines étaient trop rares pour en offrir une vitrine annuelle.

Aujourd'hui, la production de ces régions est non seulement de qualité mais en si grand nombre que plusieurs festivals concurrents aux JCC ont vu le jour dans le monde arabe avec de gros moyens et des récompenses très attrayantes.

C'est avec ce constat que nous avons œuvré en 2014 pour que notre festival devienne annuel, afin de l'ancrer davantage sur l'échiquier mondial des festivals et pour en assurer la pérennité.

Malgré son budget limité, les JCC restent l'un des festivals les plus prestigieux de la région et le plus couru par les cinéastes arabes et africains en raison de l'affluence du public et de la richesse des débats avec les spectateurs.

L'annualité et le tapis rouge ne sont en aucun cas responsables de leur mauvaise gestion par des équipes n'ayant pas ou peu d'expérience et des problèmes structurels inhérents à la direction et à la gestion du festival depuis sa création.

L'absence de bureau permanent, la nomination d'un ou d'une directrice quelques mois avant la date de l'événement, la mise en place d'une nouvelle équipe qui fait table rase de ce qui avait été fait par la précédente ne peuvent garantir une bonne programmation et encore moins une bonne organisation, malgré toute la bonne volonté du monde.

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Un(e)directeur(trice) doit avoir de l'expérience dans l'organisation, une connaissance du cinéma mondial et plus particulièrement du cinéma du Sud, un carnet d'adresses bien fourni et un pouvoir d'adhésion pour fédérer ses équipes afin d'être en symbiose avec elles.

La ministre a nommé une directrice qu'elle a choisies parmi plusieurs candidatures en dépit des réticences d'une partie des professionnels.

Je suis étonnée de voir cette directrice jetée en pâture et le ministère déchargé de toute responsabilité de " l'échec " (décrété par les réseaux sociaux) de cette édition. Ce n'est pas très responsable.

Quant au tapis rouge instauré en 2008 pour célébrer les acteurs et actrices, les réalisateurs et les réalisatrices et pour donner au festival un côté festif comme son nom l'indique, on lui attribue tous les maux de l'organisation.

Pendant les premières années de son existence, il a été foulé par de grandes et grands comédiens et grandes et grands cinéastes venus du cinéma local, régional et international sans jamais dévier les JCC de leurs " fondamentaux " mais leur apportant une touche moderne et un regard tourné vers l'avenir et en particulier la jeunesse.

Le " festif " et " l'engagé " ne sont pas antinomiques. Et si aujourd'hui le débat initial a dévié pour être nivelé par le bas, ce malheureux tapis rouge n'en est pas responsable.

La quasi-totalité des acteurs du secteur culturel sont dans le désarroi.

Ils ne comprennent pas les limogeages intempestifs au sein du ministère, qui se trouve décapité de ses valeureux cadres et pour des raisons qui échappent à tout le monde.

Le ministère rame à contre-courant des artistes qui font rayonner la culture de notre pays dans le monde et en particulier le cinéma. Il faudrait que la confiance entre artistes et autorité de tutelle soit restaurée.

Cette dernière décision impulsive de rendre le festival biannuel est le coup de grâce qui va enterrer les JCC à jamais...

N.B. : L'opinion émise dans cette tribune n'engage que son auteur. Elle est l'expression d'un point de vue personnel.

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