Cote d'Ivoire: PPA-CI - Zéro pointé, un an après sa création

9 Novembre 2022

Zéro pointé. Voici résumé en deux mots le bilan de l'an 1 du PPA-CI. Il y a en effet un an, jour pour jour, que Laurent Gbagbo, trois mois après son retour au pays, battait le rappel de ses troupes.

Objectif mettre sur pied " un nouvel instrument politique " qui a été baptisé Parti des peuples africains Côte d'Ivoire (PPA-CI) pour mener sa lutte politique. L'idée était simple, abandonner " l'enveloppe vide " du Front populaire ivoirien (FPI), son propre bébé qui l'a révélé au monde en 1990 à la faveur du retour du multipartisme, à Affi N'guessan et créer un parti capable de rivaliser avec le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) d'Alassane Ouattara. Initiative très louable pour de nombreux Ivoiriens qui rêvaient de voir le champ politique s'animer davantage par la multitude des propositions et contre-propositions. C'est tout naturellement que la naissance du nouveau bébé a été attendue avec enthousiasme.

Les médias en avaient fait leurs choux gras durant des semaines. Ils annonçaient, pour ceux qui étaient proches de l'ex-chef d'Etat, un tsunami politique qui bouleverserait tout sur son passage. 168 journalistes s'étaient mobilisés durant les deux jours qu'ont duré les assises pour porter sur les fonts baptismaux le nouveau parti. Elles étaient nombreuses, les personnes qui pensaient que le nom de Laurent Gbagbo suffirait à lui seul pour gagner ce pari. Un an après que nenni, rien de tout cela. Voici en quatre points les raisons qui fondent notre argumentaire.

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Occupation du terrain et implantation du parti

Sur le terrain politique, les Ivoiriens qui s'attendaient à un bouillonnement de la scène politique n'ont presque rien vu. Aucune action d'envergure durant les 365 premiers jours du PPA-CI qui s'achèvent aujourd'hui. Laurent Gbagbo s'est contenté de quelques déplacements à Songon-Agban (samedi 19 mars 2022), Yopougon (le dimanche 13 février 2022 au siège de l'Église protestante baptiste œuvres et mission internationale), dans les régions du Cavally et du Guémon (du 7 au 9 avril 2022). A ces déplacements, il n'y a pas eu le monde auquel Gbagbo avait habitué les Ivoiriens au temps de sa gloire. Les cadres du parti se sont limités à des rencontres organisées dans des salles ou sur des espaces réduits où étaient disposées cinq ou six bâches. En un an, aucun grand rassemblement ni à Abidjan ni à l'intérieur du pays.

La fête de la renaissance qui devait sonner le déclic n'a jamais eu lieu. Faute d'engouement autour du projet annoncé tambour battant, la cérémonie a été ajournée plusieurs fois en 2022 avant d'être reprogrammée en 2023 par les organisateurs qui se font très discrets sur la nouvelle date.

En effet, les militants fréquentaient très peu la boutique du parti. Dans ce genre de manifestation, la vente du pagne confectionné à cet effet est un signal que les organisateurs prennent en compte. Quand les pagnes s'achètent comme de petits pains, c'est qu'il y a une adhésion massive autour du projet. Dans le cas contraire, c'est un signal qui invite les organisateurs à revoir leur ambition à la baisse ou à reporter tout simplement l'évènement. Au PPA-CI, vu le faible taux d'achat des pagnes, la deuxième option a été arrêtée. Et cela est la première raison qui fait dire que le bilan de l'an 1 du parti de Gbagbo est négatif.

Impossibilité d'installer la ligue des jeunes et des femmes

La deuxième raison qui nous fonde à soutenir que le bilan du nouveau parti est bien maigre est la non-tenue du Congrès constitutif de la ligue des jeunes Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI). Ces assises prévues le mardi 19 avril, à l'hôtel Belle Côte de Cocody, n'ont jamais eu lieu. Tout comme, dans la foulée, le congrès des femmes qui a été reporté sine die.

Le PPA-CI voulait miser sur les jeunes et les femmes, fer de lance de toute opération politique. A cet effet, le parti de Gbagbo avait décidé de mettre en place une structure pour les jeunes et une autre qui regroupe uniquement les femmes. Ce projet avait lui aussi été annoncé à grand renfort de publicité. Les communiqués de presse invitaient les militants qui désiraient diriger ces deux organes à se signaler.

Les candidatures pour le poste de président de la ligue des jeunes et pour la présidence de la ligue des femmes avaient été abondamment relayées. Mais contre tout attente, après l'ouverture de la campagne et la fixation de la date des scrutins, quelle ne fut la surprise des différents candidats et leurs équipes de s'entendre dire que le projet était suspendu. La raison évoquée était que les structures de jeunes et de femmes au niveau local n'avaient pas été mises en place préalablement.

Ainsi en lieu et place de responsables élus, le président du PPA-CI a préféré désigner des présidents pour un délai qui est déjà dépassé. Pour beaucoup, c'était une fuite en avant. La réalité est que sur le terrain, les choses ne bougeaient pas. Les jeunes ne se sentaient pas concernés par le projet. Sinon comment comprendre que le PPA-CI dont les animateurs sont des professionnels, pour avoir occupé d'importants postes au niveau du FPI durant plusieurs années, aient commis cette erreur de débutant qui est de mettre la charrue avant les bœufs.

Troisième raison de ce bilan négatif, c'est incontestablement la mévente des cartes de militant. Une autre preuve que Gbagbo ne fait plus recette, les militants ne se bousculaient pas sur les lieux de vente. L'ex-chef de l'Etat a été obligé de taper du poing sur la table. Il a pris la décision de n'ouvrir les réunions de haut niveau qu'aux cadres détenteurs de leur carte.

Injonction avait été faite à la sécurité d'exiger ce sésame à l'entrée du siège du parti où se tiennent les réunions. Les cadres ne sont pas les seuls à ne pas s'intéresser à l'acquisition de la carte de militant. Les " petits militants " qui font la force de tout parti politique eux aussi boudent le projet. Face à ce manque d'intérêt, une fois encore Laurent Gbagbo est intervenu pour revoir à la baisse le montant qui était fixé au départ à 1000 FCFA. La carte se vend désormais à 300 FCFA.

Enfin la dernière raison, c'est que Gbagbo n'a pu créer l'union sacrée autour de sa personne. Son camp s'est désagrégé. Il a perdu Simone Gbagbo. Elle n'était pas uniquement la femme du président du PPA-CI. Elle est l'une des pièces maitresses du dispositif du système Gbagbo. Avec son départ définitif de ce cercle, elle a créé sa propre formation politique. On peut le dire sans risque de se tromper qu'un ressort s'est cassé dans le système Gbagbo. Autre départ du giron de l'ex-membre fondateur du FPI, Affi N'Guessan.

Le président du Conseil régional du Moronou ainsi que plusieurs autres cadres ont quitté le navire Gbagbo. Les uns ont décidé de rejoindre Simone Gbagbo, les autres Affi N'Guessan. Comme un château de carte, le camp Gbagbo s'est écroulé. A preuve, pour son premier anniversaire, le PPA-CI n'ose pas le célébrer dans une grande salle tant ses militants sont clairsemés. Il va se contenter de la salle François Lougah du palais de la culture de Treichville qui ne peut accueillir que 1500 personne au lieu d'un meeting qui drainerait du monde. Au total, sur toute la ligne, le constat est simple. Un an après sa naissance. Zéro pointé pour le PPA-CI. Gbagbo, c'est vraiment du passé.

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