Afrique: L'indépendance des juges constitutionnels du continent, une utopie ?

15 Novembre 2022

Dans plusieurs pays africains, la Cour ou le Conseil constitutionnel cristallise les tensions. Surtout lorsqu' elle s'oppose aux réformes de la Constitution. Son indépendance est même parfois remise en cause.

"Trop peu de membres de la Cour constitutionnelle sont totalement indépendants dans nos pays africains. Il faudrait que nous fassions l' effort d' aller du devoir de reconnaissance au devoir de désobéissance", affirme Victor Topanou, professeur de sciences politiques à l' Université d'Abomey-Calavi au Bénin et ancien ministre de la Justice.

Il reste prudent dans ses propos lorsqu'il s' agit d' évoquer l' indépendance des juges constitutionnels.

Fin octobre, le président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, a mis fin aux fonctions de la présidente de la Cour constitutionnelle au motif que celle-ci avait atteint l' âge de la retraite.

Cependant, certains analystes estiment que Danièle Darlan paie pour avoir annulé des décrets visant à créer un comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution. L'opposition avait saisi la cour pour éviter qu'une nouvelle loi fondamentale n'autorise le chef de l'Etat à briguer un troisième mandat.

Mais selon Victor Topanou, la focalisation sur l' indépendance des juges constitutionnels n'est pas une spécificité africaine.

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"Lorsque vous allez aux Etats-Unis, toute proportion gardée, c' est le même débat sur la désignation des juges à la Cour suprême. Un président démocrate ne va jamais désigner un juge républicain, même s' il fait preuve de parfaite objectivité et vice-versa. Le président républicain ne va jamais désigner un juge démocrate. Dans ce pays-là, l'influence est beaucoup plus idéologique et cela se traduit sur des questions concrètes comme le droit à l'avortement", explique l'universitaire béninois.

Mode de désignation

Autre polémique liée à l'indépendance des juges constitutionnels : leur mode de désignation. En RDC par exemple, la Cour est composée de neuf membres nommés par le président de la République, dont trois nommés à sa propre initiative, trois choisis par le Parlement et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.

C' est pourquoi, il faudrait revoir ce mode de désignation, plaide Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l'Université de Liège, en Belgique.

Selon Bob Kabamba, "il s 'agirait de modifier la procédure de nomination. Que le mot final, la nomination finale, la validation des différentes propositions, ne soient pas uniquement entre les mains du président de la République. C'est une façon de pouvoir véritablement assurer une certaine indépendance aux juges constitutionnel qui doivent travailler, qui doivent rendre des arrêts, surtout lorsqu' il s'agit des arrêts assez délicats, notamment la réduction de mandats, etc."

Précedent kenyan

En septembre 2017, la Cour suprême du Kenya avait annoncé l' invalidation de la victoire du président sortant Uhuru Kenyatta, réélu contre son adversaire, l' opposant Raila Odinga. La victoire de Kenyatta avait toutefois été reconnue par la suite, lui permettant de réaliser un second mandat.

C'est cette même cour qui a invalidé en mars de cette année un processus de révision de la Constitution initié par l' ancien président Uhuru Kenyatta, qui lui aurait permis de réaliser un troisième mandat.

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