Ile Maurice: Compensation salariale 2023 - Exercice délicat dans un contexte économique incertain

16 Novembre 2022

La réunion du comité tripartite et celle du comité technique, prévues pour fin novembre, ne s'annoncent pas de tout repos.

En effet, les consultations pour la compensation salariale 2023 se font dans un climat d'incertitude, dicté par une inflation tenace, une baisse du pouvoir d'achat considérable et des perspectives économiques sombres à l'international, plus particulièrement en Europe, marché principal pour notre tourisme et un marché non négligeable pour nos exportations.

Dans ce contexte, s'il est difficile de prévoir la performance de l'économie locale et des entreprises en 2023, établir le montant d'une compensation salariale avec des facteurs aléatoires dans l'équation ne sera pas une tâche facile. D'un autre côté, comme le démontre le nouveau rapport des Top 100 Companies, elles sont nombreuses ces entreprises à réaliser des chiffres d'affaires et des profits après taxe confortables. Entre prévoir pour demain, incluant contrôler le chômage, et soutenir les employés aujourd'hui face à la vie chère, la formule n'est pourtant pas si simple.

Quels sont donc ces critères pertinents au calcul du montant de la compensation salariale ? Évidemment, on retrouvera les indices macroéconomiques dont le taux de croissance, le chômage, la performance de certains secteurs clés, dont les exportations, le tourisme, les services financiers et les investissements directs étrangers, entre autres. Mais l'indice crucial reste l'inflation.

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Affichant 11,9 % en glissement annuel en octobre, le taux d'inflation et les augmentations salariales vont en général dans le même sens, mais sont déterminés par des facteurs différents. On l'a déjà vu dans une précédente édition, l'inflation représente l'évolution du coût d'un panier du consommateur, incluant le coût des carburants et de l'alimentaire.

Les salaires sont, eux, déterminés par les changements de l'offre et de la demande de main-d'œuvre qui peuvent être causés par les tendances démographiques, les taux d'activité de la main-d'œuvre locale, le besoin de compétitivité dans certains secteurs et la croissance de la productivité, entre autres. Toutefois, il est bon de noter qu'au niveau de la productivité, l'apport de la main-d'œuvre étrangère bon marché est un élément important pour une meilleure production à un plus faible coût, ce qui peut contribuer à accroître les revenus d'une entreprise.

Entrent aussi en jeu, les perspectives d'indice de performance des différents secteurs d'activité, en particulier, ceux qui dépendent de la tendance internationale, comme le tourisme ou le textile. À titre d'exemple, selon les prévisions de la Commission européenne, la zone euro et la plupart des pays de l'UE se dirigeront vers une récession économique au dernier trimestre de 2022, la situation économique s'étant nettement détériorée, situation qui aura un impact collatéral sur certaines activités économiques mauriciennes.

Dans ce contexte, du côté du gouvernement, on nous explique que le comité technique qui inclut des représentants du patronat, de l'État, des syndicats, de Statistics Mauritius et du ministère des Finances entre autres, aura pour mission d'analyser toutes ces données ; celles relatives à l'employé, dont l'impact de l'inflation ou encore de la hausse des taux d'intérêt sur le remboursement des dettes; et celles relatives à l'employeur dont la productivité, les tendances internationales et leur impact sur les activités locales ainsi que la capacité à recruter pour contrôler le chômage, entre autres, afin d'arriver à un montant de la compensation 2023 qui soit juste envers toutes les parties.

Cependant, il faut le dire, la question de la rémunération est un casse-tête dans bon nombre de pays, à l'instar de l'Allemagne, qui impose des restrictions à l'augmentation salariale, afin d'éviter une spirale salaires prix qui ne fera que maintenir le même niveau de cash en circulation et alimenter la demande, gonflant au passage le taux d'inflation.

Le revers de la médaille, il faut aussi le dire, le quiet quitting - ou tout simplement les démissions et débauchages - est un élément à considérer, car un employé qui ne se sent pas soutenu par son employeur dans ces temps difficiles ne réfléchira pas à deux fois avant de s'en aller. La stratégie de rétention des employés entre donc aussi en ligne de mire, du point de vue du patronat.

Autre que ces grandes entreprises qui, semaine après semaine, affichent des profits se chiffrant en millions, la question de l'impact d'une compensation salariale trop élevée sur la trésorerie se pose surtout pour ces petites et moyennes entreprises qui emploient des Mauriciens. Chaque consommateur aura vu que, malgré l'effort social de l'État avec l'allocation mensuelle de Rs 1 000, il est toujours aussi difficile de joindre les deux bouts; ce qui rend la compensation salariale encore plus pertinente actuellement.

L'on s'interroge donc sur la possibilité d'une approche sectorielle et ciblée à la compensation salariale, à travers une aide étatique au paiement de cette compensation pour les PME en difficulté. Ensuite, basée sur la performance des autres entreprises, l'État pourrait, par exemple, fixer un barème de chiffre d'affaires pour décider qui assumerait l'entière responsabilité d'une compensation salariale plus élevée et qui bénéficierait d'un soutien de l'État. Le tout, dans un esprit de mesures temporaires et solidaires, en attendant que la situation économique s'améliore, en particulier, le taux d'inflation.

Évidemment, si l'on souhaite atteindre l'objectif d'un taux d'inflation de 9,5 % pour l'année calendaire 2022, comme le prévoit la Banque centrale, de nombreuses mesures doivent être prises simultanément. Par exemple, contrôler le déficit de la balance commerciale et celui de la balance des paiements, entre autres, tout en assurant de meilleures performances de nos autres secteurs, plus particulièrement ceux pourvoyeurs de devises étrangères ; au cas contraire, aucune compensation salariale ne sera finalement suffisante à long terme pour soulager le fardeau des Mauriciens face à la cherté de la vie.

Que cela soit le secteur privé à travers une socialisation des gains et une distribution équitable aux employés, l'État à travers une consolidation des fondamentaux économiques et la réduction du gaspillage, et le citoyen à travers des dépenses responsables, nous devons tous nous partager la responsabilité de la relance économique, car au final nous sommes tous concernés.

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