Afrique: Rapport entre religion et politique - Un Colloque international pour " repenser la laïcité en Afrique "

16 Novembre 2022

L'Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts) tient, depuis mardi, à Dakar, un colloque international sur le thème : " Repenser la laïcité en Afrique ", en collaboration avec le Département de Philosophie de la Faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) et le Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (Lartes-Ifan).

Inscrite en bonne place dans la Constitution de beaucoup de pays africains au lendemain des indépendances, la laïcité est un concept importé de l'Occident, de la France en particulier. En tant qu'héritage colonial, il reste néanmoins inconnu des traditions du continent. Cependant, face au vent de la modernité qui a fini de souffler sur l'Afrique, il semble plus que jamais pertinent, aujourd'hui, de réviser ce principe conçu autour de la liberté de conscience et de l'égalité de tous les citoyens devant les lois.

C'est tout le sens du Colloque international ouvert, depuis hier, à Dakar, à l'initiative de l'Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts), en collaboration avec le Département de Philosophie de la Faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) et le Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (Lartes-Ifan).

Prévue jusqu'au 17 novembre sur le thème : " Repenser la laïcité en Afrique ", cette rencontre a été initiée par l'Ansts en vue de " maintenir le flambeau de la vigilance intellectuelle par une réflexion constante sur les grands enjeux du monde ". Selon le président de l'Ansts, le choix du thème traduit la " place fondamentale " du fait religieux dans l'organisation des sociétés. Dr Moctar Touré a évoqué le positionnement de la religion dans l'organisation de l'État, " tant du point de vue de la structuration interne que l'aménagement et la distribution du pouvoir ". " Nous constatons tous que les tentatives d'appréhension intelligible de la question religieuse ont toujours existé.

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Plusieurs modèles sont disponibles çà et là ", a-t-il indiqué à l'ouverture de ce Colloque international. M. Touré a précisé qu'il existe une " collaboration souple " entre l'État et les organisations religieuses, mais aussi des " États carrément religieux " ou " délibérément athées ". M. Touré a tenu à rappeler que la liberté de conscience et de culte ainsi que le principe de l'égalité de tous devant la loi, sans distinction de race, de religion, d'origine, auquel renvoie la laïcité, fait l'objet d'un modèle universel susceptible de permettre un ensemble de consensus sur son sens.

Modèle sénégalais de laïcité

Cependant, d'après Moctar Touré, il s'agit d'un concept qui renvoie souvent au " modèle français, historiquement chargé ". C'est d'ailleurs, a souligné le président de l'Ansts, ce qui explique la difficulté de son acceptation dans d'autres régions géographiques. Malgré son inscription dans la plupart des Constitutions, en Afrique, son application se heurte à la réalité de chaque pays. Par exemple, au Sénégal, ce principe a permis, aux yeux du Directeur de cabinet du Ministre de l'Intérieur, de maintenir la cohésion sociale, l'unité nationale et la stabilité institutionnelle, mais aussi de consolider la coexistence pacifique entre les différentes communautés et l'égalité de tous devant la loi, sans distinction de religion, dans le respect de toutes les croyances.

" Notre pays considère la laïcité comme une forme de mécanisme de l'État ayant moyen de nous prévenir de la fragmentation des classes ", a expliqué Cheikh Sadibou Diop. Ce dernier s'est félicité du modèle sénégalais de la laïcité, lequel est adossé à " nos " cultures et réalités. Si ce modèle reste encore perfectible, M. Diop pense qu'il a le mérite d'avoir sauvegardé la paix civile et d'avoir promu les libertés.

Le Directeur général de la Recherche et de l'Innovation, le Pr Amadou Gallo Diop, qui a présidé la cérémonie d'ouverture du Colloque, a soutenu que la " laïcité mérite d'être repensée à l'aune de notre parcours historique et de nos réalités sociales ". À son avis, une laïcité " saine ne met pas des œillères aux gens, mais elle permet d'ouvrir l'esprit ". Ce Colloque international regroupe, pendant trois jours, une dizaine de pays, dont le Burkina, la Côte D'Ivoire, l'Égypte, le Niger, la Tunisie et la France...

ÉTAT MODERNE ET LAÏCITÉ

Deux concepts inséparables

Repenser la laïcité dans le contexte sénégalais, voire africain, c'est aussi une manière d'évoquer le lien permanent entre le pouvoir temporel et celui spirituel. Des rapports inspirés de la colonisation et qui se perpétuent encore en dépit de la modernité et de la volonté certaine de vouloir s'émanciper des pressions religieuses et culturelles. Pour le Pr Kader Boye, ancien Recteur de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), ce concept pose problème selon les lieux ou les pays, au regard surtout des réalités sociales.

L'enseignant à la Faculté de Droit de l'Ucad relève l'absence de conception philosophique et juridique de la laïcité, mais note toutefois l'existence d'un concept politique. À l'en croire, des historiens ont démontré, avec force arguments, que " la théorisation dite " République de la laïcité " est entachée de multiples contrevérités historiques ". Cependant, précise-t-il, la formation d'un État moderne est, aujourd'hui, intimement liée à l'exigence de la laïcité. " Tous les États de droit sont globalement laïcs ", souligne M. Boye.

Cependant, ajoute-t-il, les aménagements politiques et juridiques prennent compte du contexte national. Le Pr Kader Boye s'exprimait, hier, dans le cadre l'ouverture du Colloque international sur le thème : " Repenser la laïcité en Afrique " à l'initiative de l'Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts), en collaboration avec le Département de Philosophie de la Faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) et le Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (Lartes-Ifan). I. BA

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