Congo-Kinshasa: Faut-il que le congolais vive la différence entre patriotisme et fanatisme ? (Par Me Jean Bosco Badibanga Ngindu)

analyse

La dérive politique mondiale vécue depuis le début de l'époque médiévale notamment avec l'instauration des régimes de domination des impérialistes, a réussi à imposer une sorte de renversement des valeurs républicaines, à travers des croyances telles qu'il fallait plus aimer et servir l'empereur que l'empire.

Cette tendance qui semblait connaître un frein à l'époque contemporaine avec la survenance du mouvement des révolutionnaires politiques, semble refaire surface aujourd'hui (au 21ème siècle), et ce, de façon plus classique et élaborée. De nos jours, la prévalence des intérêts privés sur l'intérêt général connaît un essor spectaculaire en République Démocratique du Congo. Cela a provoqué un déséquilibre moral flagrant dans notre société, aux conséquences difficiles à maîtriser. C'est notamment *la prévalence du fanatisme sur le patriotisme.

Dans sa théorie "micro politique du droit" parue en 2005, abordant le chapitre des intérêts publics face aux intérêts privés, *Pierre MOOR*enseigne que l'Etat avec toutes ses autorités, tous ses animateurs, et dans toutes ses activités, n'a pas d'intérêt propre. Autrement, tous ceux qui gèrent l'Etat ou qui le représentent à quelque niveau que ce soit, devraient éviter de faire des récupérations politiques relevant des actes qu'ils posent avec les moyens de l'Etat dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, simplement dans le but de s'attirer plus des fanatiques et de renforcer leur électorat.

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Ainsi par exemple, un ministre qui jette un pont dans un village, un maire de la ville qui assainit les artères, un gouverneur qui réhabilite les routes, un directeur général d'une régie financière qui réalise des recettes au-delà des assignations, ne sont pas autorisés de s'attribuer la paternité de leurs actions ni de s'attendre forcément aux éloges du peuple. Voici, qui est à l'origine du fanatisme outré, qui réclame de plus en plus de prendre la place du *patriotisme.

Ne faut-il pas que le congolais comprenne et vive la différence entre patriotisme et fanatisme ? Si, le peuple congolais a l'obligation constitutionnelle sacrée d'aimer et de défendre son pays, avant d'aimer et de défendre son parti ou son leader politique. L'amour, le dévouement et l'attachement excessif à sa patrie est une valeur morale et républicaine. Tandis que l'amour, le dévouement et l'attachement excessif à son parti ou à son leader, plus fort qu'à sa patrie, est une antivaleur à combattre.

Le patriote recherche le bien[1]être de son pays par le sacrifice et le dévouement, le fanatique recherche son bien[1]être personnel au moyen de la ruse, des flatteries, et parfois de la violence; Le fanatique soutient la méchanceté, le patriote conseille le méchant ; Le fanatique se bat pour que seul son leader gagne, le patriote se bat pour que la RDC gagne ; Le patriote exige que la guerre cesse à l'Est de la RDC, le fanatique exige que les élections soient tenues dans le délai strict; Le patriote soutient le Chef de l'Etat, son gouvernement et les FARDC pour qu'aucun centimètre du territoire national ne soit occupé par l'ennemi, le fanatique reste muet et sans position, son seul souhait étant de voir l'ennemi à l'œuvre au pays, pour que son leader obtienne un discours électoral; Le fanatique chante pour son leader, le patriote chante pour son pays; Le fanatique couvre les antivaleurs de son leader, le patriote dénonce ces antivaleurs pour que justice soit rendue; Le fanatique applaudit son chef même lorsqu'il a dérapé, le patriote rappelle les règles d'éthique et déontologie à son chef, avec respect et courtoise ; Le patriote est disposé à défendre la nation au prix de sa vie, le fanatique est prêt à vendre son pays au prix de quelques billets verts; Le patriote défend et encourage le Chef de l'Etat pour qu'il réussisse afin que tout le peuple soit dans la joie, le fanatique critique et fait la mauvaise publicité du Chef de l'Etat, afin que son leader ait une raison de le remplacer à la tête du pays ; Le patriote se réjouit chaque fois que le Chef de l'Etat prend la bonne décision pour son peuple, ceci amène paradoxalement le fanatique à s'irriter et à verser dans l'aigreur et la dépression; Le fanatique voit le blanc en lieu et place du noir, le patriote distingue nettement les deux couleurs; Le fanatique est souvent attiré par le contenant (les apparences), le patriote s'intéresse au contenu (aux détails et à la profondeur); Le fanatique a besoin de compter le nombre des morts et des blessés dans une manifestation publique, le patriote a besoin de faire passer le message aux décideurs pour exiger le changement d'une situation. Les fanatiques, on le compte nombreux parmi les militants des partis politiques.

Ils existent dans les hémicycles de deux chambres du parlement et dans les cabinets politiques. Ils sont nombreux dans les espaces culturels et sportifs (théâtre, musique, foot,... ). Ils ne manquent pas parmi les élèves, les étudiants et les professeurs des universités. Les a-t-on fabriqués nombreux parmi les fonctionnaires publics. Aujourd'hui le régime du fanatisme mine dangereusement les églises, la justice et les services de sécurité du pays.

A l'époque des Apôtres du Christ, le vent du fanatisme avait divisé les disciples corinthiens, les uns se réclamant être de Paul, les autres d'Apollos. Indigné par cette inconduite, l'apôtre Paul les qualifia tous des charnels. C'est dans le souci d'entretenir, à leur profit, le sentiment du fanatisme inutile dans le rang de leurs adeptes, que certains gouvernants congolais ont dérogé au principe de la continuité de l'État, refusant souvent d'achever l'œuvre de leurs prédécesseurs ayant coûté la fortune au trésor public, simplement parce qu'ils veulent échapper aux critiques acerbes de leurs opposants politiques. Ce comportement doit absolument cesser dans le rang de ceux qui sont appelés hommes d'Etat. Par ailleurs, les patriotes existent rarement dans tous les milieux précités. Cependant, ils constituent une minorité exposée à la moquerie, à la jalousie et à l'injustice des fanatiques. Quoi qu'il en soit, le régime du fanatisme s'opposera indéfiniment au régime du patriotisme. La guerre entre les deux régimes a été déclarée depuis les temps immémoriaux. Je recommande à mes compatriotes congolais, ayant reçu, dans le présent article, suffisamment de lumière et de discernement pour distinguer le patriotisme du fanatisme, de s'exercer farouchement pour que triomphe, au nom de l'intérêt général, le régime du patriotisme. J'ai dit!

Kinshasa, le 28 Octobre 2022.

Me Jean Bosco Badibanga Ngindu

Avocat Congolais[1]chercheur Indépend

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