Afrique: Qatar - La Coupe du monde de la FIFA débute sans recours pour les travailleurs migrants

communiqué de presse

Beyrouth — " Nous avons bâti ces tours ", rappellent les travailleurs migrants qui ont rendu possible le déroulement de ce tournoi

À la veille de la Coupe du monde de football, le Qatar et la FIFA ne s'étaient toujours pas engagés à remédier aux abus subis par de nombreux travailleurs migrants ayant rendu possible ce tournoi, et dont certains sont décédés dans des circonstances inexpliquées, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Des travailleurs migrants, leurs familles, des journalistes et des experts du droit de travail ont dénoncé des abus et appelé à la création d'un fonds de réparation, proposition qui a reçu le soutien public de 15 gouvernements, de plus d'une douzaine d'associations de football, de cinq sponsors, de dirigeants politiques, de joueurs de haut niveau et de supporters.

La Coupe du monde de la FIFA débutera le 20 novembre, et la capacité du Qatar à accueillir un nombre sans précédent de 1,2 million de visiteurs dépend de la contribution de millions de travailleurs migrants. Dans une vidéo de cinq minutes et lors d'un point de presse organisé le 17 novembre, les partisans d'une compensation financière pour ceux d'entre eux qui ont subi des abus dans le cadre de ce chantier gigantesque, ainsi que les familles des victimes, ont appelé depuis leurs pays d'origine en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est et en Afrique la FIFA et le Qatar à agir.

" Alors que s'ouvre la Coupe du monde, les travailleurs migrants et leurs familles, les joueurs et les supporters vont ressentir le poids terrible du coût humain du tournoi ", a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord, au sein de Human Rights Watch. " L'incapacité de la FIFA à offrir un recours, pendant qu'elle accumule des milliards de dollars de recettes, rappelle que les routes et les stades du Qatar sont le fruit du travail de migrants qui ont rendu possible la tenue de cette compétition, en l'absence de salaires ou en mourant sans aucune compensation pour leurs familles. "

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Au cours des six derniers mois, Human Rights Watch et une coalition d'organisations de défense des droits ont mené une campagne mondiale appelant la FIFA et les autorités qataries à offrir des réparations pour les abus commis à l'encontre des travailleurs migrants, notamment les vols de salaires, les blessures et les décès non compensés au cours des 12 dernières années.

Ces dernières années, le gouvernement qatari a adopté d'importantes réformes du droit du travail, mais elles sont arrivées trop tard, leur portée était trop limitée ou leur mise en œuvre trop insuffisante pour que de nombreux travailleurs en bénéficient. " La partie la plus triste de la Coupe du monde du Qatar [est que] la plupart de ces réformes visaient simplement à museler les critiques des pays étrangers ", a déclaré Yasin Kakande, un journaliste ougandais qui a couvert les abus dans le domaine du travail au Qatar. " La plupart de ces réformes ne sont pas allées [assez loin] pour aider les migrants victimes d'abus systémiques. "

En novembre, les autorités qataries se sont opposées à l'appel à un recours, le qualifiant de " coup de pub ". La FIFA a déclaré être ouverte à l'idée de fournir un recours, mais ne s'est pas engagée publiquement à créer un fonds à cet égard avant l'ouverture de la Coupe du monde. La FIFA a l'habitude de contribuer à des fonds mis en place dans le cadre de la Coupe du monde pour soutenir des projets après le déroulement de la compétition, pour un total de 260 millions de dollars en Afrique du Sud, au Brésil et en Russie.

" Nous avons bâti ces tours ", a déclaré un travailleur migrant népalais à Human Rights Watch. Il a déclaré que le quartier de Lusail à Doha était vide lorsqu'il est arrivé au Qatar il y a 14 ans, mais qu'il est maintenant bondé de gratte-ciels, ajoutant que lorsqu'il travaillait dans la chaleur extrême, il devait souvent " vider l'eau [la sueur] accumulée dans ses chaussures ".

Au cours des 12 dernières années, des journalistes, des travailleurs sociaux et des organisations de la société civile ont alerté devant les abus perpétrés au Qatar, documenté les récits de travailleurs migrants et contribué à rapatrier les personnes ou leurs corps à leurs familles. Nombreux sont ceux qui ont demandé instamment au Qatar et à la FIFA de remédier à ces abus.

" Les [préparatifs] pour cette Coupe du monde ont commencé en 2010, et nous sommes maintenant en 2022 ", a déclaré Rejimonn Kuttapan, un journaliste indien spécialiste des droits des migrants. " Dans 20 jours, tous [les matchs] seront terminés. N'oublions pas que des milliers de vies ont été sacrifiées. "

Ram Pukar Sahani, un ancien travailleur migrant ayant participé à la construction des stades au Qatar, et dont le père, Ganga Sahani, y a trouvé la mort, a déclaré : " Mon père est mort en uniforme sur le [chantier]. J'ai une photo. Mais le certificat de décès indique une cause naturelle et une insuffisance cardiaque. "

La famille de Sahani n'a reçu aucune indemnisation de la part de l'employeur de son père ou du Qatar. L'employeur n'a même pas pris la peine d'appeler pour informer la famille du décès ou de présenter ses condoléances.

" Il semble que la FIFA et le Qatar espéraient gagner du temps jusqu'à ce que l'attention du reste du monde se reporte sur le déroulement du tournoi ", a estimé Page. " Mais de nombreuses spectateurs de ces matchs n'oublieront pas les travailleurs qui sont morts, ni les foyers en difficulté privé d'un soutien de famille pour payer les factures, ni ceux qui sont désormais incapables d'envoyer leurs enfants à l'école. "

Shariful Hasan, responsable du programme de migration et des initiatives pour la jeunesse du BRAC, une organisation de développement au Bangladesh, a déclaré que plus de 1 300 Bangladais sont morts au Qatar au cours de la dernière décennie, de nombreux décès étant attribués à des crises cardiaques. " Nous avons une obligation vis-à-vis des victimes - pas seulement au Qatar mais dans n'importe quel pays du Moyen-Orient ", a-t-il déclaré. " Nous ne pouvons pas oublier cette douleur...Ce n'est pas seulement le dur travail des migrants, c'est leur sang. C'est leur vie. "

" Les décès de proches et les expériences déshumanisantes qui ont émergé de cette Coupe du monde 2022 resteront longtemps dans les esprits après la fin du tournoi ", a a conclu Michael Page. " Mais le Qatar et la FIFA peuvent encore prendre des mesures pour remédier aux torts causés aux travailleurs migrants et aux familles lésées et s'appuyer sur les réformes pour que l'épidémie d'abus des travailleurs migrants puisse prendre fin. "

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