Mali: Retraits en cascade des contingents étrangers de la Minusma

L'avenir de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) suscite des interrogations, après l'annonce des retraits en cascade des contingents étrangers dans le pays.

Après la France, l'Allemagne et le Danemark, plusieurs autres pays de l'Union européenne ont annoncé le retrait progressif de leurs militaires et policiers au sein de la mission onusienne. En pleine crise de confiance, traduite par une véritable guerre des déclarations, entre Bamako et ses anciens partenaires dans la lutte contre le terrorisme, on est appelé à s'interroger sur l'avenir de la Minusma. Kadiatou Keita, chercheuse et spécialiste de questions sécuritaires, évoque plusieurs raisons qui pourraient expliquer ces retraits en série, dont l'une des premières résulterait, selon elle, du rapport conflictuel entre les autorités maliennes et ceux qui étaient jusque-là leurs partenaires classiques, et du fait que Bamako se retourne de plus en plus vers d'autres partenaires, auquel s'ajoute l'affaire des 49 militaires ivoiriens arrêtés au Mali et la suspension des rotations des contingents.

Boubacar Bocoum, analyste politique, trouve l'explication de cette vague de retraits de la Minusma dans l'acte posé par le Mali, qui a poussé la France vers la sortie à travers l'opération de Barkhane et par le refus du Mali d'admettre et considérer les 49 soldats ivoiriens comme étant des éléments du " support national ". Ce qui " a irrité non seulement la Côte d'Ivoire mais également ses partenaires dont la France (...) Ce qui a fait qu'au niveau des Nations unies, le renouvellement du mandat de la Minusma a suscité beaucoup de remous et a fait couler beaucoup d'encre ". Il souligne que " ce dysfonctionnement dans la naissance même de la Minusma pose d'énormes problèmes, ce qui fait aujourd'hui qu'au fond, le Mali n'a pas besoin de la Minusma sous cette forme ; donc la Minusma, forcément, d'une façon ou d'une autre, est appelée à disparaître ".

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Pour Alhousseini Guindo, spécialiste des questions sécuritaires au Centre d'analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel, " ces retraits se justifient par des choix reposant sur la géostratégie y compris la diplomatie politique autant que militaire ". Joseph Boniface Camara, analyste politique, argumente que " le retrait de l'Egypte est motivé par les pertes en vie humaine enregistrées ", et pour les Britanniques et Allemands le choix du retrait est motivé par la sécurité des troupes qui n'est plus assurée depuis le départ de Barkhane mais aussi depuis les nouvelles règles imposées par les autorités maliennes en matière de mobilité de troupes. Il ajoute des ambitions contrariées de la Minusma par le gouvernement malien et la présence russe constitue une entrave à double titre pour les contingents occidentaux.

Des craintes palpables

Face à un affaiblissement de la Minusma avec ces retraits en série, Alhouseini Guindo, spécialiste des questions sécuritaires au Centre d'analyse sur la gouvernance et à la sécurité au Sahel, appelle à " s'attendre à la montée en puissance des forces terroristes, comme on peut le constater dans le Nord du Mali où Ménaka connaît une vague sérieuse de déplacés ". Avec cette posture, " la France et ses alliés sont dans la logique, soit de saboter ce que le Mali fait, soit de se retirer progressivement parce que les attentes ne sont plus comblées. C'est ce que la Minusma veut faire au Mali, continuer à exister et continuer à prendre de l'argent sans pour autant s'engager réellement dans la guerre ", explique Boubacar Bocoum, convaincu que le " Mali ne va pas reculer " et ne va non plus " rompre ses relations avec la Fédération de Russie et ce qui attend les partenaires de l'autre côté est d'accepter cette situation ". Ajoutant : " La Minusma finira par se désintégrer progressivement et va disparaître sous cette forme ". " Il s'agit pour l'armée malienne de mutualiser et de fédérer avec d'autres intelligences pour effectivement créer ce que nous appelons la co-entreprise militaire (...) Il s'agit de militaires qui vont réellement au combat ", a-t-il assuré, citant des pays comme la Guinée, le Burkina Faso et le Niger.

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