Les uns après les autres, les pays contributeurs à la mission de l'Onu annoncent le retrait de leurs contingents du Mali.
Alors que les défections se multiplient au sein de la Minusma, c'est l'avenir même de la mission qui est en question . Les Nations-unis vont-elles, sous la poussée des autorités maliennes, décider de quitter le pays ?
Non, estime Souleymane Camara. Pour le coordinateur du Réseau des défenseurs des droits Humains, l'Onu va, au contraire, solliciter des pays pour combler le vide qui sera laissé par ceux qui ont décidé de plier bagage.
" Il y aura un vide sécuritaire parce que le pays n'a pas les moyens d'assurer la sécurité sur l'ensemble du pays. Les forces de la Minusma font des patrouilles dans les zones où elles sont déployées. Si ces contingents de la Minusma se retirent, il faudra que le Mali trouve d'autres pays contributeurs pour les remplacer tout de suite afin que les patrouilles continuent ", estime Souleymane Camara.
Le gouvernement allemand a annoncé ce mardi (22.11.2022)le retrait, au plus tard en mai 2024, de ses soldats déployés au Mali, environ 1.400 hommes. Mais la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, assure les Nations unies du soutien constant de l'Allemagne à ses missions de paix.
L'opposition chrétienne-démocrate (CDU) qualifie le retrait annoncé des soldats de la Bundeswehr de "capitulation politique".
Les soldats ivoiriens, au nombre de 900, devraient, eux, quitter le pays au plus tard en août 2023.
Des départs qui vont s'ajouter à ceux du Royaume-Uni, de la Suède, de l'Egypte et surtout de la France.
Yacouba Dogoni est sociologue, il se montre lui aussi inquiet après l'annonce du retrait allemand.
" Cela va laisser certainement un vide. L'Allemagne évolue dans une zone qui est extrêmement difficile d'accès pour les Fama. La Côte d'Ivoire gère la logistique dans la zone où ses soldats sont déployés. Si l'armée malienne ne fait pas des efforts pour recruter et former le plus rapidement de nouveaux soldats, certainement que le départ de certains contingents va laisser des traces sur le terrain ", explique le sociologue.
Les FaMa recrutent
Pour faire face à ces départs, le gouvernement malien entend renforcer les effectifs de l'armée à travers le recrutement de nouveaux soldats. Mais, il faudra du temps pour former des soldats aguerris, estime Souleymane Camara.
" Le gouvernement malien prévoit de recruter 26.000 anciens combattants dans l'armée. Mais pour les former et les déployer, cela va prendre du temps, des années. Et il faut avoir aussi les moyens pour les déployer mais le pays n'a pas ces moyens. Il va falloir que la Minusma fasse en sorte que d'autres pays contributeurs puissent envoyer des soldats pour remplacer ceux qui partent."
La Minusma toujours indispensable
En attendant que l'armée malienne joue pleinement son rôle, Yacouba Dogoni estime que la présence de la Minusma est toujours nécessaire. Et à ceux qui réclament dans la rue le départ de la force onusienne, il estime que :
" Vous savez, il y a beaucoup de gens qui sont à Bamako qui n'ont jamais échangé avec les militaires et qui demandent le départ de la Minusma. Mais ceux qui échangent avec les militaires savent que nous n'avons pas les effectifs pour couvrir la sécurité sur tout le territoire national. Et nous sommes à la veille des élections. Il faut assurer la sécurité des bureaux de vote, le transport des urnes etc. "
Un habitant de Gao que nous avons joint confirme l'insécurité qui prévaut toujours dans la région et dit regretter le départ de certains pays de la Minusma.
" Là où il y a les grandes agglomérations, c'est là où on peut dire qu'il y a un peu de sécurité. Sinon, aux alentours, ça ne va pas. Il y a des communes qui se sont vidées de leurs populations, des communes entières. Le retrait de certains contingents de la Minusma, cela nous inquiète et fait l'objet de débats dans la ville ", dit-il.
En dépit de la persistance de cette insécurité, Yacouba Dogoni, tout comme Souleymane Camara du Réseau des défenseurs des droits Humains, estime que beaucoup d'efforts ont été faits ces derniers mois sur le terrain par l'armée malienne en vue de restaurer la sécurité.