Maroc: Contrainte par le visa - Mesures stupides en désespoir de cause

Dans son excès de zèle, Paris tente d'empêcher tout recours

Emmanuel Macron persiste et signe. Il soutient la restriction de l'octroi de visas aux Algériens et Marocains décidée en 2021 tout en avançant, en marge du sommet sur la Francophonie en Tunisie, que la politique française de fermeté sur les visas commence à porter ses fruits. Toutefois, le chef de l'Etat français a oublié que cette soi-disant politique ferme et rigide fait chaque jour des victimes dont le seul objectif est de rendre visite à leurs familles, poursuivre leurs études, faire du commerce ou du tourisme. Ces personnes font de plus en plus appel à la justice pour rétablir un droit universellement reconnu, à savoir le droit à la mobilité.

La fronde s'organise

"Notre bureau reçoit de plus en plus de dossiers concernant les visas. Nous avons même observé une hausse au cours de ces deux dernières années", nous a indiqué Maître Mohammed Azouagh, avocat au Barreau de Paris. "Tous les types de visa sont concernés. En effet, nous avons reçu des dossiers de la part d'étudiants, d'hommes d'affaires, de touristes, de personnes à qui les autorités françaises ont refusé le regroupement familial ou le simple fait d'assister à un mariage ou d'autres cérémonies".

Pour ces personnes, nous a expliqué notre source, il y a deux voies de recours: soit demander une révision de la décision du consulat concerné ou saisir de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa (CRRV). Cette dernière peut être saisie par l'intéressé, son avocat ou un membre de sa famille. A noter, cependant, qu'une décision de refus de visa peut prendre deux formes. Elle est expresse si vous recevez une notification de refus écrite du consulat; le refus est implicite si vous ne recevez pas de réponse dans les deux mois qui suivent le dépôt de votre demande.

Depuis le 1er novembre 2016, les autorités consulaires françaises ont l'obligation de motiver leurs décisions de refus de visa pour les étudiants étrangers. "Dans le cas de recours à la CRRV, on obtient des résultats positifs s'il s'agit de dossier solide et complet. Et si notamment l'intéressé n'a aucune intention de s'installer sur le sol français. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour tous les dossiers, notamment ceux dont les propriétaires n'affichent pas les garanties nécessaires. Il s'agit donc d'étudier chaque cas séparément des autres", nous a expliqué notre interlocuteur.

Et de préciser: "La saisine de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) est un préalable obligatoire avant tout recours devant un juge administratif. Elle doit intervenir dans un délai de deux mois après constatation de refus exprès ou implicite de visa. La CRRV étudie chaque dossier et donne son avis qui doit être notifié aux ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur. A souligner que cet avis n'est pas contraignant puisque les deux ministères ont l'attitude de prendre ou non en compte cet avis. En cas de rejet de la part de la CRRV, l'intéressé peut saisir le tribunal administratif de Nantes".

Durcissement des mesures de recours

Pourtant, Alexandre Delavay, avocat au Barreau de Paris, a indiqué dans un article intitulé: "Recours contre les décisions de refus de visa et d'autorisation de voyage: ce qui va changer en 2023" que de nouvelles règles de contestation des refus de visa seront applicables pour les décisions prises à compter du 1er janvier 2023. Selon lui, les décrets du 29 juin 2022 relatifs aux modalités de contestation des refus d'autorisation de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France modifiant les modalités de recours contre les décisions de refus de visa vont durcir considérablement les conditions de recours au juge.

Ainsi le délai de deux mois pour saisir le tribunal devient incontournable. Le système qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023 restreint la possibilité d'attendre la décision expresse de la commission ou du sous-directeur des visas pour saisir le juge : il sera obligatoire de saisir le tribunal dans les 2 mois qui suivent la décision, qu'elle soit implicite ou expresse.

Alors qu'à ce jour, il est possible de saisir le tribunal administratif de Nantes soit dès qu'une décision implicite de rejet naît (2 mois après la saisine), soit dans les 2 mois après la réponse expresse de la CRRV, même si elle intervient plusieurs mois après sa saisine. Alexandre Delavay ajoute également que le délai de recours supplémentaire de "distance" devient inapplicable.

Les 2 décrets du 29 juin 2022 écartent ce délai supplémentaire pour les recours contre les refus de visa et les autorisations de voyage : il faudra saisir le tribunal dans les 2 mois qui suivent la décision (implicite ou expresse) de la CRRV ou du sous-directeur des visas. A rappeler, à ce propos, que par définition, la personne qui sollicite un visa ou une autorisation de voyage réside dans un pays tiers, hors de France. Les règles générales du contentieux administratif accordent à ces personnes un délai supplémentaire de 2 mois pour saisir le tribunal (Article R421-7 Ceseda).

La possibilité d'un appel sera aussi supprimée pour les recours qui concernent des visas de court séjour et les autorisations de voyage. Cela signifie que le tribunal administratif de Nantes statuera en premier et dernier ressort. Après ce jugement, seul un pourvoi en cassation sera possible. "En conclusion: les demandes de visa devront faire l'objet d'une attention particulière et d'un accompagnement rapide en cas de refus. Sous couvert de simplifier les procédures, de nouvelles contraintes sont ajoutées et pèsent sur les ressortissants étrangers", a-t-il conclu.

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