Tunisie: Enseignement primaire | Après le report des examens du 1er trimestre - On s'inquiète pour l'avenir de nos enfants

24 Novembre 2022

Parviendra-t-on un jour à mettre fin à l'impunité dans tous les domaine ? Ce qui s'est passé dans l'enseignement de base avec la privation de plusieurs centaines de milliers d'élèves de leur droit universel à l'enseignement depuis le premier jour de la rentrée scolaire doit-il rester sans suite?

Faut-il banaliser de tels comportements au point d'en faire un tremplin pour tous ceux qui cherchent à réaliser des desseins inavoués en se servant de nos enfants comme bouclier humain ou comme otages? Ne faut-il pas, dès à présent, fixer ce qu'on appelle des lignes rouges à ne pas franchir sous peine de tomber sous le coup de la loi?

A vrai dire, ces nombreuses questions ne trouveront de réponses que si le pays arrive à se redresser et que l'autorité et la discipline sont, pleinement, restaurées. Aujourd'hui, chacun peut faire ce qu'il veut sans trop s'inquiéter des conséquences. Tels, ces politiciens qui s'en prennent, à tort ou à raison, à toute mesure prônée par l'Etat et qui n'épargnent aucun effort pour dénigrer le travail des responsables.

En outre, ces industriels qui soutiennent contre vents et marées qu'il faut augmenter le prix de tel ou tel produit et menacent d'en priver le marché n'usent-ils pas de méthodes dignes des lobbies ?

Baisse des acquis de nos élèves

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Le Tunisien, décidément, n'arrive plus à se protéger des atteintes fréquentes à ses droits par des individus (bandits, délinquants et autres) ou par des profiteurs de tous genres. Il fait face, aussi, à toutes sortes d'atteintes à ses droits à une vie décente et digne menées par des structures dont le rôle est de le servir. Aujourd'hui, il n'est plus possible d'obtenir le moindre produit de base sans subir les humiliations des files d'attente ou les vaines recherches d'un autre produit raréfié artificiellement (lait, huile, etc.).

Ce n'est là, malheureusement, qu'un constat de ce que vit le citoyen au quotidien.

Quand on lui ajoute ce drame de l'enseignement de base, c'est alors la goutte qui fait déborder le vase. En effet, il n'a pas suffi de priver nos enfants de deux mois de cours, et on trouve le moyen d'approfondir encore la plaie avec des mesures qui n'engagent que ceux qui les ont prises. En reportant les examens de la fin du premier trimestre pour après les vacances d'hiver (à partir du 9 janvier 2023) au lieu de la première quinzaine du mois de décembre, on crée une situation inédite et on ne fait que compliquer les choses. Déjà le système dans son ensemble a été ébranlé par ces interruptions cumulées des cours tout au long de ces dernières années.

Les acquis de nos élèves ont été diminués de façon drastique. C'est ce qui va se répercuter sur le rendement de notre système à moyen et long termes. Comme ces dégâts ne suffisaient pas, il a fallu remodeler le paysage pour l'adapter aux nouvelles exigences générées par les syndicats de l'enseignement. On parle, ici, de la Fédération générale de l'enseignement de base (qui est à l'origine de cet état catastrophique actuel) et de son homologue la Fédération générale de l'enseignement secondaire.

Nous savons que le secteur de l'enseignement compte 9 structures syndicales représentant les différents corps exerçant dans le domaine. Heureusement, il est bon de noter que les autres organisations syndicales sont plus responsables et se caractérisent par un esprit de compréhension et de professionnalisme. Les sept autres syndicats ne font pas du "militantisme" ou du populisme.

Enseigner n'est pas un simple gagne-pain

Il se trouve que les deux autres syndicats en question disposent de l'arme puissante que représente la masse de nos enfants. Chaque mouvement entrepris par ces syndicats devient un véritable danger et touche toutes les familles tunisiennes et bouleverse le système éducatif.

La situation où nous en sommes à l'heure actuelle n'a pas de précédent. Car jamais notre pays n'est passé par une crise aussi critique et tragique. Elle a atteint la société tunisienne dans ce qu'elle a de plus cher. A savoir ses enfants et leur avenir. L'avenir du pays et des générations futures.

La désinvolture avec laquelle se sont comportés les responsables de ces organisations ne peut nous laisser indifférents. La logique veut, également, que les auteurs répondent de leurs actes et payent les dommages causés. Certes, il est impossible de réparer les préjudices subis. Mais il est nécessaire de montrer qu'il n'est pas permis, dorénavant, de s'en prendre à nos enfants sans en payer le prix.

Quelle que soit la légitimité des revendications professionnelles, personne n'a le droit de priver des élèves de leur droit à l'enseignement.

Comment expliquer, en effet, que la loi prévoit de sanctionner les parents qui n'envoient pas leurs enfants à l'école et qu'elle ne prévoit pas de sanctions contre ceux qui les privent de ce droit ?

Faut-il le rappeler, encore une fois, que l'enseignement n'est pas un simple gagne-pain pour un agent qui cherche du travail. C'est une vocation et une mission noble. Ceux qui s'engagent dans l'enseignement doivent savoir que c'est un sacerdoce. D'où l'idée de s'orienter vers un nouveau statut de l'enseignant qui mettrait l'intérêt de l'élève au-dessus de tout autre considération. Et celui qui veut enseigner doit accepter les contraintes liées à ce sacerdoce. On ne vient pas dans ce domaine pour se livrer au sport favori des syndicalistes qui consiste à se permettre d'interminables grèves et boycotts tout au long de l'année scolaire et à maintenir les élèves, leurs familles et toute la société dans un état permanent de stress.

Inégalité des chances

Quant à la récente mesure de report des examens, elle contribue à faire augmenter davantage la pression et complique la tâche.

Le ministère, comme les auteurs de ces perturbations, parle de l'égalité des chances entre les élèves. De quelle égalité parle-t-on ? Il n'y a plus d'égalité dès lors que des centaines de milliers d'élèves ont été obligés de rester chez eux sans suivre les cours pendant près de deux mois. Aucune mesure ne pourra aider ces élèves à rattraper les apprentissages perdus. Tout au plus veut-on niveler par le bas et faire reculer les élèves qui ont suivi "normalement" leurs leçons pour les mettre au niveau de leurs camarades touchés par le boycott des enseignants ?

C'est une opération qui va obliger les enfants à payer les pots cassés à la place des vrais auteurs de ce chamboulement. Au lieu de sanctionner l'auteur de la faute, on sanctionne la victime.

Pour tout dire, l'efficacité de la dernière mesure n'est pas prouvée. Elle n'aura aucun mérite sauf celui d'approfondir le fossé existant entre les élèves d'une même école et entre les établissements publics et privés. Pour ces derniers, il n'est pas logique de leur imposer le même calendrier alors qu'ils n'ont pas connu le même sort. Si on cherche à uniformiser les mesures pour tous, on ne fait que léser une partie aux dépens de l'autre.

Assumer ses responsabilités

Pourtant, on avait eu des promesses très "généreuses" de la part des responsables de la Fédération générale de l'enseignement de base. Selon ces promesses, les enseignants qui ont boycotté les cours se porteraient volontaires pour assurer des cours de rattrapage pour les élèves en cas d'accord. Qu'en est-il ? On n'a rien de tel dans les dernières mesures. A-t-on, du coup, blanchi ces enseignants ? D'ailleurs, ne vient-on pas d'entendre un des responsables syndicaux qui demande qu'on "honore" ces enseignants qui ont observé la plus longue grève jamais vue en Tunisie ? Que reste-t-il encore ?

En tout cas, la mesure prise par le ministère de l'Education n'a pas l'aval de tout le monde. Et pour cause. Les établissements privés ont raison de se sentir lésés et ignorés. Il n'y a pas de raison qu'ils se plient aux mêmes dispositions. Rien ne peut justifier, pour eux, un report des examens trimestriels. Tout le calendrier n'en serait que bousculé.

En outre, n'oublions pas que le ministère, lui-même, est revenu sur une décision précédente qui parlait d'un programme pour remédier à la situation. Il consisterait à examiner les établissements, au cas par cas. Voire passer les classes, dans un même établissement, au cas par cas. On se demande pourquoi cette option n'a pas été prise en compte. Elle serait trop compliquée à appliquer, pourrait-on penser. Mais elle serait plus logique que le fait de généraliser une mesure pour tous sans prendre en considération les particularités.

Beaucoup de parents, d'organisations et de chefs d'établissements d'enseignement privé ont montré leur désapprobation des dispositions annoncées par le ministère.

Cela aura des conséquences très néfastes sur la qualité des acquis et sur le déroulement du reste de l'année scolaire.

On aurait préféré, tout de même, que des mises au point très claires soient annoncées concernant des garanties de la part des syndicalistes de ne plus prendre des décisions similaires de nature à bouleverser le cursus des élèves et à impacter la pérennité du système scolaire. Il y a des limites à fixer au-delà desquelles chacun doit assumer pleinement ses responsabilités devant la loi.

Les parents autant que la société civile sont fort inquiets à ce sujet et auraient souhaité un accord stratégique plutôt qu'un arrangement conjoncturel.

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